Mécanismes de diffusion de l’hélium dans la calcite de remplissage de faille
Aspects théoriques de la diffusion
La diffusion des gaz rares est relativement simple car elle ne nécessite pas de faire intervenir d’effets chimiques sur ces derniers. La méthode couramment utilisée pour déterminer les coefficients de diffusion (Ea énergie d’activation et D0/a2 coefficient de diffusion à l’origine avec a la taille du grain) dans les minéraux s’appuie sur une modélisation mathématique et thermodynamique. Cette partie se base majoritairement sur les ouvrages d’Albarède (1995) et Mac Dougall & Harrison (1999).
Modélisation mathématique du processus de diffusion
Le processus de diffusion est similaire au processus de conduction de la chaleur modélisé à travers les lois de Biot-Fourier. Fick a appliqué ces concepts mathématiques à la diffusion d’espèces chimiques suivant des gradients de concentration. Le point de départ des modélisations de la diffusion des gaz rares dans les minéraux est la seconde loi de Fick : ∂c ∂t = D.Δc (1) où D est le coefficient de diffusion, c correspond à la concentration de l’espèce diffusante, et t le temps. Cette loi est basée sur l’hypothèse que la diffusion tend à répartir de façon homogène les concentrations dans un volume. Dans le cas d’une diffusion isotrope, D est un scalaire, c’est-à-dire que la diffusion est homogène dans toutes les directions de l’espace, des régions les plus concentrées vers les moins concentrées. Dans le cas d’une sphère, les formules de Carslaw et Jaeger (1959) appliquées aux gaz rares sont : F(t) = gaz relâchée gaz total (3) F(t) = 1− (6 / π 2 ) (1 / n 2 1 ∞ ∑ )*exp(−n 2 π 2 Dt a 2 ) (4) où F(t) est la fraction de gaz qui diffuse à l’extérieur en fonction du temps et a 2 la taille du domaine de diffusion. Le graphique IV.2 présente la relation entre cette fraction d’hélium et le paramètre sans dimension √Dt/a2 (Mac Dougall & Harrison, 1999). Toutes les courbes se superposent de 0 à 40 % d’hélium extrait, et sont similaires quelque soit la géométrie (sphère, cube, parallélépipède rectangle de longueur infinie). Ceci montre que, pour des grains de différentes géométries, le modèle sphérique est satisfaisant jusqu’à 40 % d’hélium extrait. Au-delà, le calcul des coefficients de diffusion pour des géométries complexes est imparfait.
Multiples domaines de diffusion
Dans le cas où plusieurs domaines de diffusion existent dans un minéral, la résolution des équations est plus complexe. Elle doit intégrer un effet de cinétique de dégazage différent en fonction de la forme des domaines et de leur abondance. Ces paramètres sont différents d’échantillon à échantillon. De façon générale, le volume total de l’échantillon est noté : V = i=1 n ∑Vi (10) Dans le cas d’une répartition homogène d’hélium dans le cristal, et sans considérer les multiples domaines de diffusion, les fractions contenues dans chaque sous-domaine sont calculables par : f ci = Vi V (11) avec fci la fraction d’un sous domaine Vi par rapport aux volumes total V de l’échantillon.
Modélisation thermodynamique de la diffusion
La diffusion d’un gaz rare dépend de la fréquence de site potentiel vacant au voisinage de l’atome migrant, de la géométrie du volume, des types de liaisons atomiques dans le solide et de la distance atomique entre chaque déplacement. Les atomes se déplacent suivant des directions aléatoires ou « mouvements browniens » sous l’effet de la température. Physiquement, l’atome est piègé dans un site et est agité thermiquement. Certains atomes possèdent une énergie cinétique suffisante pour sauter la barrière potentielle entre deux sites. Ce phénomène est d’autant plus probable que l’énergie cinétique de ces derniers est élevée ce qui explique l’augmentation du coefficient de diffusion avec la température. Ces déplacements sont dépendants de la taille de l’atome, du milieu, et de l’état de vibration du système. La diffusion se modélise par : D = d 2 ν 3 Xν exp −ΔHm ℜT $ % & ‘ ( ) (13) où d est la distance des sauts, ou libre parcours moyen, d’un site à l’autre, Xv la fraction d’abondance de site hôte, v la fréquence de vibration des atomes, R la constante des gaz parfaits et ΔHm le potentiel énergétique dont a besoin l’atome pour se déplacer. Cette formule se simplifie par : D = Do exp − Ε ℜT $ % & ‘ ( ) (14) où D0 est le facteur pré-exponentiel qui comprend les paramètres structurels du cristal et E l’énergie d’activation correspondant à la barrière d’énergie à soumettre à l’atome pour qu’il migre dans le solide. Plus cette énergie est élevée, plus la diffusion est lente pour une température donnée. Cette relation est aussi appelée la loi d’Arrhenius (1889), caractéristique de la diffusion des gaz rares et est applicable à tout processus cinétique physico-chimique dépendant de la température. En prenant le logarithme népérien de l’équation (14), l’énergie d’activation et le facteur pré-exponentiel suivent une loi linéaire : ln D = ln Do − E RT (15) Graphiquement cela signifie que, pour un processus diffusif, les paramètres en fonction de l’inverse de la température de diffusion s’alignent sur une droite de pente égale à l’énergie d’activation. L’intersection à l’origine correspond au logarithme du facteur préexponentiel (Figure IV.3).
Réseau cristallin de la calcite et site de l’He
La localisation précise de l’hélium dans le réseau cristallin est un enjeu important pour étudier les mécanismes de diffusion. Les atomes d’hélium sont localisés dans les espaces interstitiels, les défauts cristallins, les lacunes et les microfissures. Scheideggerg et al. (2010) ont proposé que les atomes d’hélium soient localisés dans les structures tétraédriques formées par les groupements CO3 2- . Dans ces espaces, il est possible de loger un atome de moins de 3 Å de rayon ionique, ce qui est le cas pour l’atome d’hélium (2,55 Å). Il existe quatre sites potentiels dans la maille élémentaire simplifiée (Figure III.1). D’autre part, dans le réseau, les plans de clivages {1 01 4} des cristaux de calcite peuvent être potentiellement d’autres sites pour les atomes d’He (pour plus de détails, cf. chapitre III). L’hélium peut également se trouver hors du réseau dans les inclusions fluides. Des quantités d’hélium non négligeables (de l’ordre de 0,5 à 6,4 pmol/g) ont été mesurées dans les cristaux de calcite de remplissage de faille par Pik et Marty (2009). Or cette calcite est très jeune (150 ka – 800 ka). Par conséquent la production d’hélium radiogénique ne peut pas expliquer ces teneurs en hélium L’estimation de la présence des inclusions fluides et surtout du contenu en He est importante afin de déterminer l’impact sur le bilan total de cet hélium hérité dans le grain.