La modélisation des systèmes complexes intérêts des automates cellulaires
Modèles dynamiques et simulations des systèmes complexes
C’est parce qu’il est difficile, voire impossible, de faire état de tous les modèles dynamiques existants et traitant de l’évolution des phénomènes que des classifications sont proposées. On observe en effet des modèles basés sur une approche dite « dure » ou « approximative », (Corgne, 2004), d’autres s’appuyant sur des domaines d’application ou encore sur la temporalité (Lambin, 2000). Certaines classifications distinguent des modèles à base unique et des modèles à bases organisationnelles multiples (Cauvin et al., 2008). Ces distinctions et/ou classifications visent à offrir une meilleure connaissance des modèles existants. Toutefois, il faut admettre qu’il n’est pas très aisé de se retrouver dans ces classifications d’autant plus que les modèles proposés ces dernières années sont des modèles hybrides difficiles à classer et qui bénéficient d’une grande avancée technologique ainsi que d’informations de plus en plus précises (Gaucherel et al., 2006), Les types de modèles présentés dans les paragraphes suivants sont parmi les plus utilisés aujourd’hui en géographie.
Les réseaux neuronaux
Les réseaux neuronaux ou Artificial Neural Netwoks sont utilisés pour la représentation dynamique de phénomènes spatiaux issus de travaux biologiques. Les modèles issus du paradigme des réseaux de neurones sont classés comme étant des modèles d’évolution. Principalement axés sur les interconnexions entre les nœuds/neurones, les réseaux de neurones sont également utilisés pour déterminer la morphologie des objets/phénomènes étudiés. Ils ont largement inspiré la géographie mais aussi d’autres disciplines. En géographie des transports (L’Hostis, 1997 ; Chapelon, 1997, 2006 ; Dupuy, 1975, Bavoux et al., 2005 etc.) ils permettent notamment, quand ils sont combinés avec la théorie des graphes, de détecter les formes de réseaux qui structurent les territoires. En télédétection, ils sont utilisés à des fins de localisation des changements détectés sur les territoires et de classification des types d’occupation et d’utilisation des sols (Foody et al., 1999, 2002). On retrouve également leur application dans le domaine des infrastructures critiques telles que les réseaux électriques ou de gaz, ou encore dans le cas des liens du réseau internet.
Les modèles mathématiques et statistiques
Dans le cas précis d’un modèle mathématique, la simulation repose sur une ou plusieurs équations qui calculent le niveau de précision des changements observés (Lambin, 1994 ; Sklar et al, 1991). Les modèles mathématiques sont généralement combinés avec d’autres techniques modélisatrices. C’est le cas des modèles « classiques » à quatre étapes couramment utilisés par les bureaux d’étude et qui sont largement appliqués dans le cadre de la prévision de trafic sur de nouvelles infrastructures, de la mobilité et du choix modal La modélisation des systèmes complexes intérêts des automates cellulaires (Bonnel, 2004). Des approches comme les analyses multivariées, les régressions multiples, etc., sont la base des modèles statistiques. Certains de ces modèles sont également désignés sous le nom de modèles stochastiques (Monte-Carlo Simulation) dans la mesure où ils font appel à des tirages aléatoires pour saisir l’évolution des phénomènes étudiés.
Notre choix, les modèles basés sur lesAutomates Cellulaires
Les automates cellulaires sont des modèles de type « individus centrés », ces « individus » étant désignés sous le terme de « cellules » dont le fonctionnement/comportement repose sur des relations de voisinages (Tobler, 1979 ). La différence entre système multiagents (SMA) et automates cellulaires (AC) est simple. Les premiers sont plus pertinents pour analyser et simuler le comportement d’un individu ou d’un groupe dans un territoire donné et à un temps donné, alors que les seconds sont plus pertinents pour simuler et expliciter la manière dont les systèmes spatiaux s’organisent peu à peu et se structurent dans le temps. Par ailleurs, la faiblesse des modèles basés sur automates cellulaires réside dans la difficile prise en compte des interactions sociales (individus et groupes) et/ou politiques d’un système (Tobler, 1979 ; Alcamo, 1994) tandis que la faiblesse des SMA se situe au niveau de leur capacité à considérer les interactions spatiales (relations de voisinages entres différents objets situés dans l’espace géographique). Les SMA sont constitués d’un ensemble d’agents autonomes et indépendants en interaction, qui coordonnent leurs actions dans un environnement et forment une organisation artificielle (Bonnefoy, 2001). Les SMA sont essentiellement tournés vers l’analyse de comportements individuels, ou d’un groupe au sein d’un système complexe donné. Ils permettent, tout comme les automates cellulaires d’ailleurs, de simuler des processus de diffusion d’un phénomène au sein du système luimême et de mettre en évidence un fait émergeant. Dans tous les cas, c’est la problèmatique et l’entrée choisis par le chercheur qui doit déterminer le type de modèle utilisé. Pour exemple, AC vs SMA ou SMA vs AC ? C’est un choix méthodologique qui s’impose car si l’approche préconisée est une entrée SMA vs AC, cela veut dire que l’on considère au préalable que c’est le comportement des agents dans l’espace qui détermine l’organisation et le fonctionnement de l’aire d’étude. En revanche, si l’on considère une approche AC vs SMA cela sous-entend que c’est la structure de l’espace étudié qui détermine et explique le comportement complexe des agents dans l’espace. Tous les modèles ont des limites, ce qui a favorisé l’émergence des modèles dits hybrides. Les modèles hybrides consistent à effectuer un couplage de modèles (mathématiques, statistiques, les réseaux neuronaux, les systèmes multi-agents et/ou automates cellulaires) dans l’objectif de faire ressortir la structure des systèmes complexes étudiés grâce à « une intelligente combinaison » de propriétés et paramètres provenant d’autres modèles (Li et Reynolds, 1997). Aussi, le géographe est tenu de garder en mémoire que le modèle, même s’il a évolué depuis J.H. Von Thünen, doit rester cet outil de la prévision, de la prospective et de l’anticipation des phénomènes évolutifs, certes devenu incontournable, mais qui ne peut substituer à d’autres préalables comme par exemple le diagnostic spatial transfrontalier sans lesquels l’outil modèle n’est qu’un leurre ne pouvant conduire qu’à de piètres résultats car, il n’y a pas de modèle sans objectifs.
Philosophie et structure des modèles basés sur les automates cellulaires
En 1987, Couclelis perçoit l’importance des automates cellulaires pour la science en général et pour la géographie en particulier, et ceci dans le cadre de la prédiction des systèmes complexes. En ces termes : For the geographer, cellular automata have the added attraction of being intrinsically spatial models of complex process. Because of their extreme simplicity (naivety, one might say), these are not the kind of constructs that can be used to replicate directly the evolution of real –world process (Couclelis, 1987), l’auteur invite sans ambiguité tout géographe en situation de démarche prospective, comme c’est le cas dans cette recherche, à saisir le message suivant : les automates cellulaires sont des outils capables d’appréhender la complexité des systèmes à laquelle le géographe est habituellement confronté.
Historique des automates cellulaires : caractéristiques élémentaires et définitions
À la question « qu’est-ce qu’un automate cellulaire ? » nous pouvons commencer par apporter des réponses en nous aidant de sources faisant état de l’historique de ces outils. Les noms d’Allan Turing (1952), et en particulier celui de John Von Neumann (1966), du fait de ses illustres travaux sur les systèmes d’autoreproduction/d’autoréplication/self reproducible affleurent systématiquement lorsque l’on évoque la notion d’automates cellulaires. Tous deux apparaissent comme les pionniers de la notion d’automates cellulaires, pourtant il faut remonter en 1940 pour découvrir que peu avant Von Neumann (ou parallèlement, un certain Stanislaw Ulam, mathématicien, tentait déjà de modéliser sur une grille unidimensionnelle de cellules, un phénomène de croissance. Ces deux précurseurs combinèrent leurs travaux dans les années 1950-1960 (Ulam, 1962) pour aboutir à l’autoreproduction du vivant à partir de règles d’évolution. Le système cellulaire était né. Cependant, il faudra attendre la fin des années 1960 (entre 1967 et 1970) avec les travaux d’un mathématicien de Cambridge en Angleterre, nommé John Conway, pour assister à l’émergence d’un automate cellulaire à deux dimensions et deux états, présenté sous le nom du Game of Life, le « Jeu de la Vie » (Conway, 1970). C’est à partir des travaux de John Conway que les automates cellulaires vont se diffuser parmi la communauté scientifique. Dès lors, toute la philosophie et la structure de base des automates cellulaires vont reposer sur le concept du « Jeu de la Vie » de John Conway. « Le Jeu de la Vie » est gouverné par quelques règles simples qui peuvent se résumer de la manière suivante : il existe des cellules vivantes et des cellules mortes. Les cellules mortes peuvent revivre si et seulement si elles ont pour voisines trois cellules vivantes. De même, les cellules vivantes restent en vie si elles ont pour voisines deux ou trois cellules vivantes (cf. figure 2.1).