Classes tonales des verbes
En minyanka, le schème tonal que porte le verbe dans sa forme de citation ne coïncide pas toujours avec son ton lexical à cause de la neutralisation provoquée par le marqueur de l’infinitif mà dont le ton bas se propage sur la base verbale lorsque celle-ci lui succède immédiatement. La forme de citation des verbes est mà + wú/kí + V (INF + 3SG + verbe) pour les verbes transitifs; exemple: mà kì hɔ ̰́ ‘couper’ et mà + V (INF + verbe) pour les verbes intransitifs; exemple : mà cè ‘refuser’ (dont le ton lexical est pourtant H). À cause de la propagation du ton B du marqueur de l’infinitif, les tons de tous les verbes intransitifs se trouvent neutralisés à la forme de citation. En effet, à la forme de citation, tous les verbes intransitifs à schème tonal lexical H portent le schème tonal B, B-H, B-B-H, selon qu’ils sont monosyllabiques, dissyllabiques ou trisyllabiques. Quant aux verbes transitifs, comme ils sont séparés du marqueur de l’infinitif par l’objet direct, leurs tons lexicaux ne sont pas affectés; c’est le mot en position d’objet direct qui subit la propagation du ton B de mà. En combinant les verbes avec les différents marqueurs prédicatifs du TAM, il s’avère que seul l’emploi des verbes au futur permet de dégager une constance sur le plan tonal. En effet, l’emploi des verbes au futur dans une construction intransitive à valeur passive permet de trouver 4 schèmes tonals différents sous lesquels se rangent tous les verbes du minyanka. Il s’agit du schème tonal H(-H-H), B(-B-B), BHB et (H-)H-HB. Les verbes à schème tonal H-HB sont majoritairement des emprunts et à la différence des autres verbes, ils ne sont pas nominalisables par le préfixe Ǹ-. Ils constituent une infime minorité ; voici la liste de ceux qui ont pu être enregistrés pour le moment : jáabî ‘répondre’ (bambara) kírípê ‘crépir’ (français) lájɛ̂ ‘observer’, ‘essayer’ (bambara) ɲúcô ‘commencer’ pɛ̰́ ndírî ‘peindre’ (français) pírípírî ‘secouer’ (en bambara fírífírí) sɛ̰́kɛ̰́ sɛ̰́kɛ̂ ‘vérifier’ (bambara) wópírê ‘opérer (chirurgie)’ (français) Le tableau ci-dessous donne un aperçu des différents schèmes tonals des verbes. On y voit que les verbes à schème tonal haut sont assortis d’un downstep au futur et au conditionnel. En outre, tous les verbes au futur et certains verbes au conditionnel changent de consonne initiale. Pour éviter des redites, les causes de ces phénomènes seront expliquées aux sections consacrées au futur en §7.3.5 et au conditionnel en §7.3.10. Les analyses ont permis de montrer qu’en cas de nominalisation : – tous les verbes à ton lexical H(-H-H) deviennent BHB – tous les verbes à ton lexical B(-B-B) demeurent B(-B-B) – tous les verbes à ton lexical BHB deviennent B-B, excepté une minorité d’emprunts au bambara qui demeurent BHB (comme le cas de bùrû ‘se baisser’ qui est un emprunt au bambara).
Les verbes complexes
Les verbes complexes du minyanka peuvent être divisés en verbes redupliqués et en locutions verbales constituées de nom + verbe. 188
Les verbes redupliqués
La plupart des verbes de mouvement et d’action peuvent être redoublés pour exprimer une valeur itérative ou intensive ; en voici quelques exemples : ɲàarì ‘marcher’ → ɲàarì-ɲàarì ‘déambuler’ hɔ ̰́ ‘couper’ → hɔ ̰́ -hɔ ̰́ ‘couper en morceaux’ bu ̰́ ‘frapper’ → bu ̰́-bu ̰́ ‘tapoter’ méléké ‘enrouler’ → méléké-méléké ‘enrouler plusieurs fois’ pwɔ̰́ ‘balayer’ → pwɔ̰́ -pwɔ̰́ ‘balayer plusieurs fois’ gó ‘tuer’ → gó-gó ‘tuer en grande quantité’ lɔ̰́ ‘prendre’ → lɔ̰́ -lɔ̰́ ‘prendre en plusieurs fois une quantité importante’ cá̰ ‘faire tomber’ → ca ̰́-ca ̰́ ‘disperser qqch un peu partout’ ʃírá ‘sauter’ → ʃírá-ʃírá ‘sautiller’
Les locutions verbales
Il existe en minyanka des verbes qui sont constitués d’une base nominale et d’un verbe, et d’autres, d’un nom à la forme indéfinie suivi d’un verbe. La plupart de ces locutions verbales sont des calques du bambara. ɲú-cô (bouche-saisir) ‘commencer’ ɲú-cá ~ ɲú-ʃá (bouche-chercher) ‘nourrir’ ɲú-ʃɔ̰́ (bouche-prendre) ‘répondre’ ɲa ̰́-ʕa ̰́ jó (face-INDF.CLk dire) ‘expliquer’ ɲa ̰́-ʕa ̰́ ! cɛ̰́ (face-INDF.CLk connaître) ‘savoir’ ʃí-cɛ̰́ (espèce-connaître) ‘comprendre, savoir’ wɛ̰́ -rɛ̰́ pé (médicament-INDF.CLt faire) ‘soigner’ ca ̰́-ŋa ̰́-tɛ̀kì (jour-INDF.CLk aider, étaler) ‘fixer une date’ ɲṵ́ -ŋɔ ̰́ já (tête-INDF.CLk briser) ‘assommer’ ɲṵ́ -ŋɔ̰́ yíríkì (tête-INDF.CLk élever|) ‘honorer’ fu ̰́-ŋɔ̰́ tó (intérieur-INDF.CLk tomber) ‘rappeler’ fu ̰́-ŋɔ̰́ w w ɔ̰́ (intérieur-INDF.CLk être.noir) ‘oublier’ fu ̰́-ŋɔ̰́ pɛ ̰́ (intérieur-INDF.CLk être.désagréable) ‘effrayer’ 189 fu ̰́-ŋɔ ̰́ cá ~ fu ̰́-ŋɔ ̰́ ʃá (intérieur-INDF.CLk chercher) ‘réfléchir’ Excepté ɲú-cá ‘nourrir’, ɲú-ʃɔ̰́ ‘répondre’, ɲu ̰́-ŋɔ ̰́ já ‘assommer’ et fu ̰́-ŋɔ ̰́ ʃá ‘réfléchir’ dont les composants ne peuvent pas être séparés par un marqueur prédicatif, les composants de tous ces verbes sont séparés par un marqueur prédicatif dans un énoncé intransitif à valeur passive (7-1b)-(7-2b)-(7-3b). Compte tenu de ce facteur de séparabilité et de l’absence de rapport direct entre certaines de ces locutions et leur signifié, nous considérerons ces locutions verbales comme des expressions idiomatiques et les écrirons de façon séparée.