La validation des autres outils de mesure du questionnaire (précarit ective et insécurité perçue)
Les échelles d’insécurité perçue et de précarité objective n’ont pas fait l’objet de procédures de validation habituelles, car il s’agit de variables composites, qui présentent la particularité d’être bâties à partir d’indicateurs formatifs. Les échelles habituellement utilisées dans la mesure des variables sont des échelles construites à partir d’indicateurs dits réflexifs : dans ce type de cas, les valeurs des indicateurs (énoncés, ou valeur observables) sont causés par un construit sous-jacent. C’est par exemple le phénomène d’implication organisationnelle qui amène à vouloir rester membre de l’agence d’intérim. En conséquence, les items réflexifs appartenant à une même échelle de mesure doivent covarier : c’est pourquoi on utilise des outils comme l’analyse factorielle ou les coefficients d’homogénéité (alpha de Cronbach par exemple) afin de s’assurer de cette covariance. Au contraire, les échelles bâties sur des indicateurs formatifs, appelées en général index, sont différentes. Ce sont ici les variations de l’indicateur qui construisent l’index : ce sont les variables observées qui sont la cause de la variable latente : ils représentent différentes dimensions de cette variable latente, et agissent de manière cumulative. Un exemple souvent cité est le statut socioéconomique de l’individu, variable latente résultat de la combinaison de 4 indicateurs : le niveau d’éducation, le niveau de revenus, la profession et le lieu de résidence [Kline – 2004 p 169]. La principale conséquence de cette distinction est que les indicateurs formatifs d’un index n’ont pas à être corrélés. Ils ne covarient pas : même si cela peut arriver, il s’agit d’une exception et non d’une condition [Bollen & Lennox, 1991; Geffen et al., 2000]. Vouloir s’assurer de la fiabilité d’un index formatif en utilisant des analyses d’homogénéité de type Alpha de Cronbach n’est donc d’aucune utilité [Nunnally & Berstein – 1994 p.489]. Nous estimons que deux construits de notre questionnaire sont composés d’indicateurs formatifs : la précarité objective et l’insécurité perçue. La précarité objective correspond tout à fait à la définition d’un index, puisque chaque indicateur (durée, latence et adaptation à la qualification) contribue à déterminer séparément le niveau de précarité perçue. L’échelle d’insécurité perçue présente, quant à elle, des caractéristiques particulières, et n’est pas mesurée de la même manière que les autres échelles d’attitude. Nous avons retenu et adapté le modèle d’Ashford & al. [1989], en considérant que l’insécurité est un phénomène multiplicatif et multidimensionnel, calculé à partir de deux caractéristiques (l’importance accordée par le salarié à certaines caractéristiques de son emploi et le risque de modification associé à chacune de ces caractéristiques). L’échelle de mesure du phénomène est donc composée de 6 items, chaque item é obj 320 est le produit d’un énoncé associé à l’importance et d’un énoncé associé à la probabilité de la menace, et doit mesurer un aspect de l’insécurité perçue. La corrélation entre les éléments décrivant l’importance des caractéristiques du travail n’est donc pas obligatoire, et les procédures de vérification de la fiabilité par analyse factorielle et étude d’homogénéité sont inadaptées (elle sont cependant régulièrement employées : voir par exemple Mc Aulay & al – 2006 , ou Prasewark & Strawser – 1996). La procédure d’examen de fiabilité de cette mesure ne peut donc pas être entreprise selon la méthode utilisable pour les échelles composées d’indicateurs réflexifs: Il n’existe pas de procédure standardisée sur le modèle du paradigme de Churchill [1979] pour s’assurer de la validité d’une variable composite formée d’une combinaison d’indicateurs causaux. Diamantopoulos & Winkhofer [2001] ont toutefois proposé une démarche de validation en quatre étapes : cette procédure semble la seule disponible à l’heure actuelle, et a été utilisée dans plusieurs études [voir par exemple Helm – 2005]. Nous allons donc envisager rapidement les quatre étapes de validation proposées : – L’étape 1 consiste à définir précisément le domaine du construit étudié. Cette définition peut s’appuyer sur la littérature ou sur des entretiens exploratoires – L’étape 2 consiste pour le chercheur à s’assurer que les indicateurs couvrent l’ensemble du construit étudié. Ici encore, une étude de littérature et/ou des entretiens exploratoires permettent de vérifier si certains aspects du construit n’ont pas été oubliés. – L’étape 3 correspond à un stade de vérification : il s’agit de s’assurer statistiquement que les indicateurs ne sont pas trop fortement corrélés, afin de prévenir le risque de multi colinéarité. La mesure des variables latentes formatives est en effet fondée sur le principe de la régression multiple : le niveau de la variable formative dépend de la combinaison des indicateurs. Or, une trop forte corrélation entre ces indicateurs peut rendre les coefficients de régression instables [Bollen & Lennox – 1991]. Il existe plusieurs méthodes de détection de la multi colinéarité : nous utiliserons une procédure simple, recommandée par R.Kline [2005, p. 57] basée sur l’examen de l’inverse de la matrice des corrélations : la diagonale de cette matrice comporte des ratios dénommés « facteur d’inflation de variance » (variance inflator factor ou VIF), qui signalent la part de variance d’une variable expliquée par les autres variables : un ratio de VIF supérieur à 10 indique une probable colinéarité pour la variable examinée. – L’étape 4 consiste à s’assurer de la validité externe de l’index. Selon Bagozzi [1994, p 333] : « tout ce que nous pouvons faire, c’est d’examiner dans quelles mesure la variable composite est correctement reliée aux autres variables » : en d’autres termes, il s’agit de 321 s’assurer de la validité prédictive ou nomologique de ladite variable vis-à-vis d’une ou plusieurs variables du modèle de recherche. Les deux premières étapes ont été réalisées en nous basant sur la littérature disponible et nos entretiens exploratoires : nous avons pu nous assurer de la représentation suffisante des concepts étudiés. L’examen des relations entre indicateurs et la relation entre indicateurs et variables extérieures à l’échelle nous a permis de sélectionner les quatre énoncés les plus représentatifs dans l’échelle d’insécurité perçue. Nous avons par ailleurs décidé de retenir les trois énoncés de l’index de précarité objective, après avoir vérifié l’absence de multi colinéarité. L’examen de la matrice inverse des corrélations nous a permis de vérifier l’absence de multi colinéarité pour les deux échelles de mesure (les détails des procédures d’analyse sont disponibles en annexe 9).
Caractéristiques professionnelles des répondants
Ancienneté et nombre d’agences
L’ancienneté des répondants est relativement faible : plus des deux tiers d’entre eux déclarent être intérimaires depuis moins de deux ans. Cette situation est cependant tout à fait normale dans le travail temporaire, où la mobilité est assez forte et les transitions entre intérim, CDD et CDI sont relativement fréquentes. On retrouve cependant une proportion significative d’intérimaires de longue période (près de 30% des répondants). Un examen des corrélations entre ancienneté dans l’intérim et volition (degré de préférence pour l’intérim) permet de voir qu’il existe une relation faible mais significative entre les deux termes153 : le degré de préférence pour l’intérim est plus fort chez les répondants qui ont le plus d’ancienneté.En ce qui concerne l’affiliation des intérimaires, on remarque qu’une nette majorité d’entre eux (57 %) sont inscrits dans plusieurs agences. Ce comportement, très répandu sur le marché de l’intérim, vise à maximiser les chances d’enchaîner des missions. Il semble cependant que la plupart des intérimaires choisissent une agence « de référence » dans laquelle ils exercent la plupart de leurs misions et n’ont recours aux autres agences qu’à partir du moment où l’enchaînement des missions devient problématique154
Profession
Le tableau suivant recense les professions déclarées par les salariés de notre échantillon. Le graphique d’accompagnement présente les catégories socioprofessionnelles générales des répondants.