La crise du marché immobilier américain, qui a éclaté en 2006, n’a pas tardé à se répercuter sur la sphère financière et bancaire en 2007 avant de se généraliser en 2008 à l’ensemble des secteurs économiques et frappe la quasi-totalité des pays du monde, entraînant la récession du taux de croissance économique, le chômage des milliers de personnes supplémentaires, la perte de plus en plus du pouvoir d’achat et la chute de façon notable de la production industrielle dans la zone euro. A cet effet, la fonction des ressources humaines des entreprises, notamment la modernisation des méthodes de travail, permettrait d’atténuer l’impact de la volatilité de l’environnement et de prendre un avantage compétitif significatif par rapport à leurs concurrents (Paché, 2009). Cette fonction capable d’apporter aux entreprises, les changements relatifs à leurs offres, à leurs modes de fonctionnement interne et à ses relations externes, en vue de se maintenir sur le marché dans un contexte de crise (Chanut et Poirel, 2012).
À vrai dire, dans les temps difficiles, les études en management stratégique s’intéressent depuis longtemps à la capacité des entreprises de faire face à ces perturbations (Chandler 1962; Paché, 2009; Thévenet, 2009) en implantant de nouvelles méthodes organisationnelles adaptatives aux contraintes de la crise comme les cas des entreprises américaines au début du 20ème siècle (Chandler, 1962). Ces méthodes ne sont pas des phénomènes clos, stables et identiques dans le temps et l’espace mais des systèmes dynamiques, qui d’après Boyer et Durand (1998) se développent périodiquement selon des conditions et des circonstances déterminées depuis la première révolution industrielle.
Les trente glorieuses sont en France une période de développement et de montée en puissance au cours de laquelle la croissance économique était régulière, la demande intérieure et les salaires sont en forte croissance. Cette période était soutenue par un modèle industriel dominant bien précis et fondé sur les principes taylorien/fordien qui repose sur la production et la consommation de masse (Robert et Freyssenet, 1995). L’organisation scientifique du travail introduite par Taylor (1911) vise à exploiter les économies d’échelle et à réduire les coûts de production. Quatre principes étaient à la base du modèle: la division verticale du travail entre la conception et l’exécution; la standardisation et la spécialisation des tâches et l’étude des temps d’exécution; l’incitation d’un salaire différentiel directement lié à l’acte productif; et finalement le strict contrôle du travail par des contremaîtres. Développée sur la base de la logique taylorienne, la philosophie d’Henry Ford invente trois nouvelles pratiques: la mécanisation du travail parcellisé grâce à la chaîne de montage, la standardisation des pièces détachées comme des biens produits et l’augmentation de la rémunération journalière (Janod, 2002; El Heit, 2004).
À compter des milieux des années 1980, le modèle taylorien/fordien a commencé à entrer en crise en France. Sous l’effet du bouleversement du contexte socio économique et la montée de la concurrence internationale, la plupart des entreprises ont été amenées à ajuster leurs formes organisationnelles afin de s’adapter à un environnement très fluctuant. Ces changements ont suscité un nombre croissant d’auteurs, notamment les théoriciens des approches de la théorie la contingente, à étudier les causes et les facteurs déterminants de ces transformations (Desreumaux, 1992). A ce sujet, certains observateurs ont identifié trois raisons majeures de transformations organisationnelles des entreprises: l’environnement économique, les nouvelles configurations stratégiques et les révolutions technologiques.
Ainsi, le couple est toujours plus étroit entre la dynamique organisationnelle et l’évolution environnementale suivant la terminologie de Dill (1958). A ce titre, la période de transition des années 80 est une phase au cours de laquelle la toile de fond économique française se trouve affectée de changements radicaux (Garnier, 2011), s’est caractérisée par le ralentissement de croissance économique, la stagnation de consommation des ménages, l’effondrement des investissements productifs, la création d’une monnaie unique européenne (Mockers, 1996), le durcissement de la concurrence qui s’exacerbait par la montée des échanges internationaux et l’émergence de nouvelles puissances économiques. Dans cet environnement d’incertitude et d’instabilité, les exigences des clients sont devenues de plus en plus sévères en termes de prix, de qualité et de rythme d’innovation. Ce nouveau contexte favorise la naissance de nouvelles pratiques managériales (El Herelli, 2008) et de la mise en place des structures plus agiles et flexibles (Han et al., 2007).
De la même façon, les stratégies des entreprises industrielles ont été marquées par des mutations importantes depuis les moitiés des années 1980, le passage d’une stratégie d’intégration verticale fondée sur la transaction interne où les activités étaient coordonnées par la main visible des dirigeants à une stratégie de désintégration verticale où les activités se mobiliseraient par un vaste réseau volatil des partenaires étroitement spécialisés coordonnés par des mécanismes marchands, nommé selon Langlois (2003) par le main « vanishing hand » (Frigant, 2004). Cette nouvelle stratégie est basée sur le principe de fragmentation accrue de la production en une série de sous-systèmes autonomes et indépendants dans leurs conceptions et leurs processus de production et qui sont reliés les unes aux autres par des interfaces couplées et dynamiques lorsqu’il s’agit de les associer pour former le produit final (Frigant, 2005). Par conséquent, la tendance actuelle des entreprises industrielles à s’interroger sur leur cœur de compétences les poussent à développer des stratégies d’externalisation massive des activités non indispensables pour l’ensemble des fonctions (Gosse et al., 2002). Conformément avec les conclusions de l’ouvrage de Chandler (1962) pour lequel l’auteur montre une causalité entre la stratégie et l’organisation, la nouvelle configuration industrielle augure également de l’émergence d’un nouveau modèle d’organisation des entreprises.
De même, il est couramment admis aujourd’hui que la diffusion et l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication a suivi un rythme élevé dans les deux dernières décennies à la fois dans les pays industrialisés et dans les pays en développement (Ben Youssef, 2004). En France, ces outils sont adoptés tant dans les grandes entreprises que dans les plus petites structures (Kocoglu et Moatty, 2010) et leurs servies se sont de plus en plus diversifiés au sein du tissu industriel (Besnard et al., 2007) conduisant à des restructurations profondément dans le monde des entreprises (Klein, 2012) et en particulier l’organigramme des entreprises suivant les intuitions de Greenan et Mairesse (2006) et conformément aux propositions des théoriciens de la contingence qui soutiennent que la technologie exerce une influence déterminante sur les organisations des entreprises.
Ces évolutions combinées avec d’autres éléments comme les transformations culturelles (Wilkins et Ouchi, 1983) et la financiarisation de l’économie (Boyer et Durand, 1998; Mariotti et al., 2001; Lanciano et Lanciano, 2012) constituent le plus souvent des facteurs prédictifs majeurs de déclenchement ou d’accélération de modernisation des entreprises pour anticiper l’environnement économique. Dans de telles conditions, l’entreprise réseau s’impose comme des symboles de l’organisation industrielle contemporaine suivant la terminologie de Mariotti et al. (2001). Cette organisation s’offre comme une nouvelle voie de compétitivité pour les entreprises industrielles par laquelle il est possible d’acquérir, de préserver, voir de renforcer, leurs positions concurrentielles sur un marché donné comme le souligne Fulconis (2003) combinant synergie, complémentarité, adaptation, acquisition de nouvelles capacités et des compétences, flexibilité, et dynamisme (El Heit, 2004).
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