La distribution mondiale des dorsales médio-océaniques est directement liée à la dynamique et à la structure thermique du manteau. En effet, des mouvements de convections mantelliques de grande ampleur entraine un déplacement des plaques lithosphériques. Ces déplacements se traduisent par la formation de zones de convergence ainsi que de zones de divergence, par exemple les dorsales.
En 1963, Wilson suggère que le volcanisme le long de la chaîne des volcans d’Hawaii peut être expliqué par un mouvement de la lithosphère au dessus des courants mantelliques sous l’archipel. Ainsi, des anomalies thermiques dans le manteau profond se traduisent par la formation de panaches dont l’expression en surface correspond aux îles volcaniques intra-plaques. On parle ici de volcanisme de point chaud. Le terme de panache est désormais également utilisé pour décrire des anomalies tomographiques qui ont peu ou pas d’expression en surface [Sleep, 1997, Nataf, 2000, Courtillot et al., 2003, Montelli et al., 2004]. Les panaches mantelliques remontent à travers le manteau de façon adiabatique depuis, soit la limite manteau supérieur-manteau inférieur (670km), soit la couche D » marquant l’interface manteau-noyau [Campbell&Griffith, 1990, Kellog et al., 1999]. La remontée adiabatique du panache entraine une décompression à température constante, provoquant ainsi la fusion partielle du matériel et l’émission en surface de magma. Ce processus de transfert de matière est considéré comme l’un des mécanismes servant à refroidir l’intérieur de la Terre.
La remontée du panache se fait au travers des courants convectifs mantelliques. Le volcanisme de point chaud résultant est donc indépendant du mouvement des plaques lithosphériques. Ainsi, le panache mantellique est considéré comme fixe dans le référentiel des points chauds, qui a pour ancrage la plaque Antarctique (considérée fixe par rapport aux autres) [Gripp et al., 1990].
La répartition des points chauds à la surface du globe implique qu’une grande partie du système global des dorsales est, ou a été, sous l’influence d’un point chaud. De ce fait, les processus d’interaction entre dorsales et points chauds ont été étudiés pour leurs aspects thermiques et chimiques [Morgan, 1978, Schilling, 1985-1991, Small, 1995].
L’interaction entre un point chaud et une dorsale peut se produire selon trois configurations différentes :
– Une dorsale approchant un point chaud (le point chaud étant supposé fixe)
– Une dorsale située à l’aplomb d’un point chaud
– Une dorsale s’éloignant d’un point chaud .
Cette géométrie est un facteur important dans la dynamique de l’interaction [Ito et al., 1997, Ribe&Delattre, 1998, Maia et al., 2000-2001]. Par conséquent, l’évolution temporelle de la géométrie du système apparaît comme essentielle dans la dynamique globale de l’ensemble.
La majorité des cas étudiés correspondent à des systèmes où la dorsale est située à l’aplomb du panache ou s’en éloigne.
Dans le cas d’une dorsale située à l’aplomb d’un point chaud, l’excès de magmatisme résultant de températures plus élevées du manteau supérieur (dues à la présence du panache) contribue à la formation d’un plateau océanique. L’exemple classique de ce premier cas est le système Islande/dorsale médio-Atlantique (MAR pour Mid-Atlantic Ridge) [Schilling, 1973, Vogt, 1976]. Dans le cas des systèmes Açores/MAR et Amsterdam – St Paul/ dorsale Sud-Est Indienne (SEIR pour South East Indian Ridge), les plateaux océaniques formés ont une épaisseur pouvant atteindre le double de la croûte océanique normale (10-12 km) [Escartin et al., 2000, Scheirer et al., 2000, Gente et al., 2003]. Bien que l’interaction semble toujours active, ces plateaux présentent la particularité d’être en partie (Amsterdam – St Paul) ou totalement (Açores) « riftés » [Gente et al., 2003].
Les compositions élémentaires et isotopiques des laves témoignent également de l’influence du point chaud le long de l’axe d’une dorsale [Dosso et al., 1999]. Dans le cas des Açores, dont la phase d’éloignement relatif du point chaud et de la dorsale est en cours, on peut observer cette influence d’un point de vue géochimique au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la position du point chaud.
Dans les cas d’éloignement relatif de la dorsale et du point chaud, on peut citer les cas suivants :
– Açores/MAR [Vogt, 1976, Escartin et al., 2000, Gente et al., 2003]
– Galápagos/dorsale Coco-Nazca [Morgan, 1978, Schilling et al., 1982]
– La Réunion/ dorsale centrale Indienne (CIR pour Central Indian Ridge) [Morgan, 1978]
– Ascension/dorsale médio-Atlantique sud [Hanan et al., 1985, Schilling et al., 1985]
– Ile de Pâques/ dorsale Est-Pacifique [Kingsley&Schilling, 1998, Pan&Batiza, 1998] .
Comparativement, le cas d’une dorsale approchant un point chaud a été peu analysé car de tels systèmes sont rares. Seul le cas Fondation/dorsale Pacifique – Antarctique (PAR pour PacificAntarctic Ridge) a été étudié à ce jour [Devey et al., 1997, Maia et al., 2000-2001]. Il ressort de cette étude que le mouvement de la plaque lithosphérique sus-jacente a tendance à éloigner le matériel du panache de la dorsale, rendant ainsi l’interaction moins efficace et retardant donc les effets de sa mise en place effective [Maia et al., 2000]. A l’inverse, dans le cas d’une dorsale s’éloignant d’un panache, le mouvement des plaques entraîne une partie du matériel du panache vers la ride, rendant ainsi l’interaction plus durable. Par conséquent, l’interaction point chaud/dorsale sera, dans le premier cas, contrariée, alors qu’elle restera active sur une plus grande distance dans le second .
Deux mécanismes sont proposés pour expliquer ces interactions :
➤ Un mélange entre le manteau solide enrichi du panache et le manteau présent sous la dorsale (cas des Galápagos [Schilling, 1991 ; Kokfelt et al., 2005]).
➤ Un mouvement de liquide indépendamment du solide du panache vers l’axe de la dorsale (cas de l’Islande [Braun&Sohn, 2003; Kokfelt et al., 2003]).
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