Eugène Freyssinet (1879-1962) invente le béton précontraint en 1928. Cette invention met alors fin à la technique du béton armé pour les grands franchissements en constituant une sorte de révolution dans l’art de construire. Cependant cette technique ne prend un véritable essor qu’après la seconde guerre mondiale (1939 1945), lorsqu’il faut reconstruire en Europe les nombreux ouvrages détruits. Aujourd’hui, le béton précontraint est une technologie connue, sans ambiguïté et d’utilisation courante pour les ponts. Il est également d’un emploi très répandu pour les poutrelles préfabriquées des planchers et pour de nombreux autres types d’ouvrages. Toutefois, la corrosion des armatures en acier reste l’une des plus grandes entraves à la durabilité de ces ouvrages d’art. Ceci peut être causé par exemple par la carbonatation due à la diffusion du dioxyde de carbone de l’atmosphère (pollution de l’environnement dû au développement de l’industrie et du transport) vers l’intérieur du béton ou par l’action des chlorures (utilisation des sels déglaçage sur les ponts routiers en hiver).
Les coûts de la réhabilitation et de la réparation des structures en béton armé et précontraint (en particulier les ponts) représentent des coûts élevés pour la société, alors que dans un même temps que le niveau d’entretien tend à augmenter avec le vieillissement des structures, ce qui entraîne la nécessité d’un diagnostic structurel fréquent. Par exemple, aux Etats-Unis, selon les statistiques de l’Administration Fédérale des Routes ([Fédéral Highway Administration 2005), plus que 40% des ponts routiers nécessitent des réparations et ceci plus particulièrement dans la région où l’on emploie des sels de déverglaçage. Leur remise en état coûterait 8 à 10 milliards de dollars par an. En Europe, le coût de maintenance des structures endommagées par la corrosion de l’acier a été estimé à un 5 milliard de dollars par an. (Clarke 1995). Au Canada, environ 25 % des ouvrages de génie civil présentent une pathologie liée à la corrosion avec un coût annuel de maintenance de l’ordre de 3 milliard de dollars. En France, selon une enquête faite par le SETRA en1995, parmi les 65000 ponts de plus de 5 mètres de portée existants, 16 % nécessitaient des travaux urgents de réparation et 37% nécessitaient un entretien spécialisé.
Différentes solutions ont été envisagées pour s’affranchir de la corrosion de l’acier, telles que le traitement des surfaces extérieures du béton à l’aide de silanes, la protection cathodique des armatures en acier, le revêtement de l’acier d’armature à l’aide d’une couche de résine d’époxyde et la galvanisation de l’acier. Ces méthodes représentent les principales techniques à disposition aussi bien pour les structures en béton armé que pour celles en béton précontraint. Plus récemment on a pu remplacer l’acier conventionnel par l’acier inoxydable. L’utilisation de l’acier inoxydable entraîne cependant un coût environ 7 à 8 fois plus élevé.
En général, ces matériaux et techniques se sont avérés coûteux et n’ont pas démontré une efficacité totale pour résoudre les problèmes de corrosion à long terme, surtout pour les structures exposées à des environnements particulièrement agressifs. Des recherches ont donc été menées pour proposer des solutions alternatives qui permettent d’allonger la durée de vie des structures en béton armé et précontraint, et ainsi d’éliminer, en partie ou en totalité, les coûts de réparation sans cesse croissants. Ces solutions consistent à :
1- Améliorer la durabilité du béton en diminuant la porosité du béton, ce qui a conduit à la mise au point de bétons fibrés à ultra haute performance (BFUP) dont la résistance est de l’ordre de 200 MPa en compression et de 40 MPa en traction par flexion. Le BFUP, dernier né de cette génération de bétons, est un matériau innovant. Il se distingue par une haute résistance, une durabilité élevée et une bonne ductilité grâce aux fibres métalliques. Les BFUP peuvent aussi être associés à la précontrainte par pré-tension ou par post tension, ce qui permet d’accroître les performances mécaniques.
2- Utiliser un nouveau type d’armature que sont les armatures en Polymère Renforcé de Fibres (PRF). Ces armatures peuvent présenter les formes des barres et torons conventionnels en acier. Les armatures en PRF sont constituées de fibres continues (telles que les fibres de carbone, de verre ou d’aramide) noyées dans une résine polymère à haute performance qui constitue 30% à 40% du volume total de la barre.
Il existe aujourd’hui une grande diversité d’armatures en PRF commercialement disponibles. Leurs propriétés et comportements mécaniques les rendent aptes à remplacer l’acier. De plus, les barres en PRFC ne sont pas corrodables et constituent un meilleur choix en termes de résistance spécifique (résistance/poids), de neutralité électromagnétique, de relaxation, résistance à la fatigue et durabilité dans un environnement agressif (alcalin,…). Enfin, il est possible d’intégrer des fibres optiques dans ces matériaux afin, par exemple, de surveiller les ponts pendant leur duré de vie. Cependant, les PFRC possèdent un module d’Young plus faible que celui de l’acier et il semble donc pertinent de les utiliser pour des applications de précontrainte. En effet, la mise en tension des renforts en PFRC peut permettre de réduire leur capacité de déformation et ainsi mieux exploiter leur résistance en traction élevée.
INTRODUCTION |