Modélisation numérique et analytique de la fissuration de séchage des sols argileux

Le changement climatique est l’objet de grandes préoccupations aujourd’hui. La variation saisonnière des conditions climatiques affecte la teneur en eau des sols. Au séchage, les sols argileux ont toujours tendance à se déformer et à effectuer du retrait. Celui-ci souvent provoque la fissuration si les contraintes, générées par la déformation empêchée, sont supérieures à la résistance du sol. La présence des fissures due au séchage affecte fortement les propriétés hydrauliques et mécaniques des sols. Elle peut causer plusieurs impacts sévères dans différents domaines. Dans le domaine géotechnique, le retrait peut causer un tassement majeur des fondations (Deck et al. 2012). Ensuite, les fissures peuvent diminuer la résistance mécanique et déclencher l’instabilité des talus et des barrages (Take 2003; Take & Bolton 2004; Utili et al. 2008; Dyer, Stefano, et al. 2007; Utili & Dyer 2008; Foster et al. 2000). De plus, les fissures liées au séchage sont une grande menace dans l’agriculture (Chertkov 2002b; Kodikara et al. 2002). Par rapport à l’environnement, les fissures existantes dans les couvertures d’enfouissement et dans les revêtements argileux peuvent être les chemins préférentiels de fuite des déchets et des gaz (Daniel & Wu 1993; Zhou & Rowe 2003; Drumm et al. 1997; Park et al. 2001). Les études expérimentales ont montré également que la fissuration liée au séchage pouvait introduire la salinisation dans les sédiments argileux (Baram et al. 2013).

La modélisation et la prédiction des fissures due au séchage présentent des applications potentielles dans plusieurs domaines. La plupart des études se sont concentrées sur l’observation de la formation des fissures et sur l’étude qualitative de l’influence de différents facteurs sur le développement des fissures, plutôt que sur une modélisation prédictive du processus de fissuration. En effet, la formation des fissures due au séchage est un phénomène très complexe avec le couplage hydromécanique. Ces aspects non linéaires pendant le séchage sont difficiles à saisir dans la modélisation numérique, ainsi que dans la modélisation analytique. De plus, la présence de la discontinuité, une fois que la fissure s’est initiée, représente aussi une difficulté dans la modélisation numérique.

Ce travail est consacré à l’étude de la fissuration des sols argileux lors du séchage monotone par les approches numérique et analytique. Les simulations numériques sont effectuées en utilisant un code aux éléments finis comprenant des joints cohésifs afin de modéliser l’initiation et la propagation des fissures. Le couplage hydromécanique du processus de séchage est aussi pris en compte. L’objectif principal de ce travail est d’étudier le processus de séchage et la formation des fissures.

Sous l’effet d’une variation de la température ou de l’humidité de l’air, l’eau dans le sol s’évapore. La diminution de la teneur en eau dans le sol qui en résulte augmente la succion jusqu’à un niveau critique appelé limite d’entrée d’air. Au-delà, l’air envahit rapidement l’espace des pores. Le séchage se passe tout d’abord à la surface et pénètre ensuite progressivement en profondeur. Sous le séchage, la succion peut atteindre 620-980 MPa correspondant à une teneur en eau de près de 0% (Dyer, Stefano, et al. 2007). Ainsi, lors du séchage, les particules solides tendent à se rapprocher. Elles se réorganisent et la porosité du matériau change. Cela entraine des déformations au sein du matériau qui tendent à réduire son volume initial (Nowamooz et al. 2013; Nowamooz & Masrouri 2009). Ce phénomène est nommé «retrait ». Trois phases de retrait sont distinguées à travers l’étude du changement du volume associé à la variation de la teneur en eau dans le sol (Haines 1921): phase de retrait normal, retrait résiduel et sans retrait (Figure 1-1). Une 4 ème phase de retrait qui est appelée « retrait structurel » a été définie par Stirk (Stirk 1954). Durant la première phase de séchage, le volume d’eau évaporé est compensé par une égale diminution des volumes des porosités internes (retrait normal). Les pores restent saturés en eau. Pendant la seconde phase, l’air pénètre dans les réseaux des pores (point d’entrée d’air). Les pores commencent à se toucher ce qui limite la réduction de volume possible. C’est le retrait résiduel. Enfin, dans la dernière phase, l’arrangement des particules cesse puisque le retrait est terminé. Les sols se désaturent en eau sans déformation et l’eau résiduelle est contenue dans les pores.

Une fois le de séchage terminé, les sols ne présentent jamais une teneur en eau nulle.. Les sols contiennent toujours un minimum d’environ 2% d’eau, ce qui garantit la cohésion de la matière. La limite de retrait est une définition courante dans la mécanique des sols. Elle est déduite à partir de la courbe de retrait qui représente l’évolution de l’indice des vides en fonction de la teneur en eau. La limite de retrait est définie comme la limite de la teneur en eau au-delà de laquelle l’indice des vides du sol ne change plus avec la diminution de la teneur en eau. Péron et al. (Peron, Hueckel, et al. 2009) a effectué les tests pour étudier le phénomène de séchage sur trois types de sol : limon Bioley, limon Sion et argile de la Frasse. La limite de retrait a été mesurée et la valeur d’entrée d’air a été déduite par le modèle de Van Genuchten:

– La valeur de l’entrée d’air est très proche de la limite de retrait,
– Les deux phases principales du retrait sont reliées à la déformation de sol. Dans la 1ère phase : la déformation due au séchage est irréversible jusqu’à la valeur de l’entrée d’air (avec une légère diminution du degré de saturation). La deuxième phase poursuit par un domaine de petite déformation et cette phase est réversible (avec la forte diminution du degré de saturation). Ces observations sont en accord avec celles de certains autres auteurs (Tang, Cui, et al. 2011; Fleureau et al. 2002; Peron, Laloui, et al. 2009).

Au séchage, les sols argileux vont toujours avoir tendance à se déformer et à subir du retrait. Celui-ci peut parfois provoquer la fissuration dans les sols si les contraintes, provoquées par la déformation empêchée sont supérieures à la limite de la résistance à la rupture des sols. Les observations expérimentales montrent que la fissuration ne peut pas avoir lieu dans le séchage libre, mais seulement sous la condition restreinte (Peron, Hueckel, et al. 2009). Trois types de conditions restreintes existent (Hueckel 1992): (i) par conditions aux limites comme le frottement, la traction ou le déplacement , (ii) par concentration de la contrainte à l’intérieur du sol et (iii) par facteurs d’hétérogénéité intrinsèque dans la structure de sol. Sur le site, le premier type peut se produire à cause de l’existence d’une structure adjacente et le deuxième peut être généré par le gradient de succion. Par ailleurs, les conditions restreintes peuvent être classées en se basant sur les propriétés de la contrainte en traction (Kodikara & Costa 2013) : soit des contraintes internes, soit des contraintes externes, ou la combinaison des deux. Les contraintes internes sont souvent dues à la structure du sol comme l’hétérogénéité ou le gradient de succion. Les conditions aux limites liées aux déplacements peuvent être considérées comme les contraintes externes.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Etude de la fissuration des sols argileux
1.1. Phénomène du retrait des sols
1.2. Fissuration due au séchage
1.3. Formation et morphologie du réseau de fissures : Observations expérimentales
1.4. Mécanisme de fissuration due au séchage
1.4.1. Mode d’ouverture des fissures
1.4.2. Figure 1-9 : Trois modes de propagation de la fissure (Nguyen 2015)Résistance en traction du sol
1.4.3. Les critères de rupture
1.4.4. Prédiction de l’initiation des fissures
1.5. Modélisation de la fissuration des sols
1.5.1. Généralités des méthodes de modélisation de la fissuration
1.5.2. Problème du couplage hydromécanique de la fissuration des sols
1.6. Prédiction de l’espacement et de la profondeur des fissures des sols
1.7. Conclusion
Chapitre 2 : Comportement hydromécanique d’un milieu poreux fissuré non saturé
2.1. Modélisation du comportement hydromécanique d’un milieu poreux fissuré non saturé
2.1.1. Comportement hydraulique d’un milieu poreux fissuré non saturé
2.1.1.1. Diffusion de fluide dans la matrice
2.1.1.2. Diffusion de fluide dans les joints cohésifs
2.1.2. Comportement mécanique
2.1.2.1. Comportement mécanique de la matrice
2.1.2.2. Comportement mécanique des joints cohésifs
2.1.3. Couplage hydromécanique
2.2. Joints cohésifs dans Porofis
2.2.1. Technique du maillage des joints cohésifs
2.2.2. Détermination des paramètres des joints cohésifs
2.2.2.1. Détermination de la raideur initiale Rnn
2.2.2.2. Détermination de la conductivité initiale c
2.2.2.3. Autres paramètres
2.3. Problème de séchage sans fissuration
2.3.1. Modèle numérique
2.3.2. Solutions analytiques
2.3.3. Comparaisons des résultats numériques avec les solutions analytiques
2.4. Conclusion
Conclusion générale

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