Les milieux poreux multiphasiques sont devenus un objet d’étude d’importance croissante ces dernières années, en particulier en raison de leur rôle dans l’exploitation des ressources énergétiques. L’industrie pétrolière a formulé des besoins forts concernant la modélisation des réservoirs naturels et des puits de forage. Dans le cadre du développement durable, l’étude des milieux poreux multiphasiques s’est avérée essentielle pour développer de nouvelles technologies comme la géothermie, et pour envisager la séquestration de gaz à effets de serre comme le dioxyde de carbone ou le méthane. L’étude des effets de la température en milieu poreux non saturé est d’autre part indispensable pour comprendre les phénomènes de sécheresse, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques dans les zones cultivées comme dans les zones habitées. Le réchauffement climatique a des conséquences inattendues. Par exemple, en Alaska, la plaque tectonique, déchargée du poids de la banquise, tend à remonter, ce qui augmente la superficie des terres émergées. Celles-ci sont soumises à des conditions de chargement mécanique, hydraulique et thermique très particulières, et nécessitent une étude approfondie.
Il n’existe quasiment aucun modèle d’endommagement complètement couplé pour étudier les milieux poreux fissurés en conditions non saturées et non isothermes. Pourtant, l’étude de l’endommagement en milieu multiphasique s’avère essentielle pour aborder les problèmes de stockage, comme l’enfouissement de lignes électriques ou de gazoducs, ou la séquestration de gaz polluants. Le travail de recherche effectué dans le cadre de cette thèse s’inscrit plutôt dans la problématique du stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde. La France a clairement fait le choix de l’énergie nucléaire au début des années 70. En 1966, le site de retraitement de la Hague a été mis en service pour séparer les différents éléments radioactifs qui subsistent dans le combustible usé. L’usine traite les combustibles de réacteurs nucléaires appartenant à la France, à l’Allemagne, à la Belgique, à la Suisse, aux Pays-Bas, et au Japon. « À la sortie du réacteur, un combustible nucléaire usé contient environ 96 pour cent de matières énergétiques dites recyclables (95 pour cent d’uranium et 1 pour cent de plutonium), polluées par 4 pour cent d’actinides et de produits hautement dangereux et non réutilisables (déchets ultimes). Ces derniers sont traités et conditionnés, aujourd’hui par vitrification, en vue de leur entreposage en surface et éventuellement de leur stockage en couche géologique profonde. » (wikipedia.org, 2009, Usine de retraitement de la Hague). En attendant leur stockage définitif, les paquets vitrifiés sont stockés provisoirement dans des piscines destinées à les refroidir.
Dans ce travail de thèse, un nouveau modèle d’endommagement (appelé “THHMD” dans la suite) est proposé, pour modéliser les effets de la fissuration en milieu poreux non saturé non isotherme. Le géomatériau est modélisé comme une matrice solide renfermant trois fluides : de l’eau liquide, de l’air gazeux et de la vapeur d’eau. La formulation proposée vise à fournir un cadre théorique unifié pour représenter les effets de la fissuration sur la loi de comportement du milieu et sur les lois qui régissent les transferts dont le géomatériau est le siège. L’objectif est notamment de pouvoir représenter la dégradation des modules de rigidité, l’augmentation des conductivités et l’anisotropie induite par l’endommagement. Le modèle est destiné à être utilisé à la fois pour décrire la zone endommagée par l’excavation (“Excavation Damaged Zone”, EDZ), créée lors du creusement du tunnel, et à la fois pour modéliser l’endommagement généré par le chargement thermo-hydro-mécanique exercé après l’entreposage des déchets ultimes, qui se comportent comme une source de chaleur de puissance décroissante. On envisage de faire des simulations réalistes, dans lesquelles l’ensemble du dispositif de stockage est modélisé. Ce dernier comprend une barrière ouvragée, généralement faite d’argile compactée initialement non saturée, qui constitue une zone tampon entre la paquet radioactif et la barrière géologique, généralement constituée de granite ou d’argilite initialement saturé(e).
Il y a hystérésis capillaire lorsque la courbe de rétention du sol n’est pas la même au séchage et au remouillage. Dans les sols argileux, la réversibilité est conservée à forte succion. En effet, une réhumidification à forte succion ne modifie pas la structure du sol, au sein duquel l’eau est principalement présente sous forme adsorbée [51]. La désaturation par séchage affecte les pores d’une taille d’autant plus grande que la succion est élevée. C’est pourquoi la pente de la courbe de rétention d’un sable est d’autant plus douce que la courbe granulométrique qui le caractérise est étalée. Un sable dont l’espace intergranulaire est quasiment homogène a une tendance à se désaturer brutalement, lorsque le niveau de succion de désaturation est atteint [51].
Pour modéliser les effets d’hystérésis capillaire, Bolzon [23] a combiné l’utilisation de deux variables d’état : la contrainte effective de Bishop et la succion. Tamagnini a fait le même choix, en remplaçant la variable d’état de succion par le degré de saturation.
Dans le modèle de Sheng et de ses collaborateurs [181], les équations des surfaces de charge SI et SD s’expriment en fonction d’un seuil de succion, qui dépend du degré de saturation. Il est nécessaire de modéliser les courbes de drainage et d’imbibition et d’inclure les équations correspondantes dans le système de relations consititutives. Les auteurs introduisent des potentiels plastiques qui dépendent de la dilatation (pour les sols gonflants) ou du retrait (pour les sols à effondrement), et des lois d’écrouissage isotrope. Par rapport au modèle de Barcelone initial, le modèle proposé par les auteurs comporte trois paramètres matériels et une relation constitutive supplémentaires. Les expressions de l’énergie libre et du potentiel de dissipation sont telles que les évolutions plastiques des courbes SI et SD ne contribuent pas à la dissipation plastique, mais seulement au travail plastique. Autrement dit, tout travail plastique associé à un incrément du degré de saturation plastique est stocké et l’évolution thermodynamique correspondante est réversible. Le modèle développé par Sheng et al. [181] comporte quelques limitations :
• si les lois d’écoulement SI et SD sont non associées, alors il devient impossible de dériver des expressions thermodynamiquement compatibles pour l’énergie libre et pour le potentiel de dissipation ;
• comme les surfaces de charge ne sont pas toujours convexes, il est recommandé d’utiliser une méthode d’intégration explicite dans l’algorithme du calcul itératif.
L’étude du réchauffement d’un massif géologique saturé est souvent motivée par des projets d’enfouissement de déchets radioactifs. Comme les galeries de stockage sont conçues pour être à grande profondeur, sous la nappe phréatique, certains auteurs considèrent que l’étude peut être menée en conditions saturées, même si cette hypothèse ne reflète pas toujours l’état initial de la barrière géologique. Globalement, la chaleur dégagée par les déchets entraîne un dilatation du squelette solide et de l’eau interstitielle. Cependant, la dilatation de l’eau étant plus importante que celle de l’espace poreux, l’augmentation de la température provoque une augmentation de la pression interstitielle de l’eau, et une diminution de la contrainte effective, ce qui peut entraîner une consolidation du sol. La diminution de la contrainte effective peut aussi être à l’origine de la rupture du massif, ce qui constitue évidemment un risque majeur de fuite des radionucléides.
1 Introduction |