Dans un puits pétrolier, une gaine de ciment est coulée entre la roche réservoir et le cuvelage d’acier. Cette gaine de ciment a un rôle primordial dans la stabilité et l’étanchéité des puits pétroliers. Durant les différentes étapes de la vie d’un puits, depuis le forage jusqu’à l’exploitation et finalement l’abandon du puits, le ciment est soumis à différentes sollicitations mécaniques et thermiques. Ces sollicitations peuvent endommager le ciment et dégrader ses propriétés mécaniques et sa perméabilité et par conséquent modifier sa contribution dans la stabilité et l’étanchéité du puits. La connaissance du comportement de ce ciment dans des conditions de fond de puits (hautes températures, fortes pressions) et de son évolution au cours du temps est essentielle pour l’analyse de fonctionnement du puits pendant l’exploitation et aussi pour garantir son étanchéité pour le stockage et la séquestration des gaz à effet de serre dans des réservoirs pétroliers abandonnés. C’est dans ce but qu’est développée cette étude sur la caractérisation du comportement thermo-poro-mécanique d’un ciment pétrolier sous fortes contraintes pour des températures entre 20 et 90°C. En effet, bien que le ciment soit un matériau de construction très courant, ses propriétés thermo-poro-mécaniques sont encore mal connues. Peu de données expérimentales d’essais poro-mécaniques existent dans la littérature. L’existence de plusieurs échelles de porosité dans la microstructure du ciment fait que l’utilisation de la théorie des milieux poreux pour la description du comportement du ciment est elle-même un sujet de débat. Dans cette étude on essaye de répondre à cette question par une approche expérimentale à l’échelle macroscopique. Le comportement du ciment est étudié dans un programme expérimental avec des essais poromécanique classiques, pour lesquels le protocole d’essai est adapté à la très faible perméabilité du ciment. L’analyse de la compatibilité et de la cohérence des paramètres poromécaniques évalués à partir de ces essais nous permettra d’examiner la possibilité de la description de comportement du ciment dans le cadre de la théorie des milieux poreux.
Ce rapport est présenté sous la forme de cinq chapitres et d’une annexe. Le premier chapitre est consacré à l’étude bibliographique et aux outils de modélisation thermo-poro mécanique. Etudier le comportement thermo-poro-mécanique du ciment nécessite dans un premier temps une connaissance suffisante de la microstructure de ce matériau. Cela nous permet ensuite de développer un cadre théorique adapté à la microstructure du ciment pour la modélisation thermo-poro-mécanique de son comportement. Un programme expérimental est ensuite défini pour l’évaluation des différents paramètres du modèle développé.
La prise et le durcissement du ciment sont les résultats des réactions chimiques qui se passent entre la poudre de ciment et l’eau de gâchage. Le rapport entre la masse d’eau de gâchage et la masse de ciment est appelé rapport eau/ciment et sera désigné dans le reste du mémoire suivant la terminologie anglosaxone par w/c. On désigne par hydratation ces réactions chimiques et les nouveaux composés qui en résultent sont appelés produits d’hydratation ou plus simplement hydrates. La composition du ciment est variable selon le clinker utilisé. Le ciment est composé de cinq constituants principaux, alite, bélite, aluminate, ferrite et gypse, pour lesquels les fractions massiques typiques pour un ciment Portland ordinaire et un ciment pétrolier class G sont présentées dans le Tableau 1-1. Les abréviations utilisées sont les notations normalisées de la chimie des ciments : C=CaO, H=H2O, S=SiO2, F=Fe2O3, A=Al2O3, S=SO3 . Généralement le ciment contient aussi des petites quantités d’oxydes mineurs de calcium, magnésium, potassium, sodium et soufre. Le ciment, lorsqu’il est utilisé dans un puits pétroliers, doit satisfaire à des besoins spécifiques. Le coulis de ciment au cours de sa mise en place dans le puits, peut atteindre une température élevée (jusqu’à 250°C) et une pression de l’ordre de 150MPa. Le coulis doit rester suffisamment fluide pendant l’opération de pompage et doit développer rapidement une résistance à la compression suffisante. Le ciment doit être aussi suffisamment étanche pour isoler les formations et empêcher l’écoulement de fluides (eau, saumure ou gaz) et cela en résistant à l’attaque chimique. Différentes classes du ciment sont définies par l’American Petroleum Institute (API) pour l’utilisation dans les puits pétroliers. Les classes G et H, qui sont largement utilisées peuvent se trouver comme MSR (Moderate Sulfate-Resistant Grade) ou HSR (High Sulfate-Resistant Grade), la différence est leur teneur en C3A. La concentration en C3A doit être inférieure à 8% en poids pour un ciment MSR et à 3% pour un HSR .
L’hydratation de l’alite (C3S impur) et de la bélite (C2S impur) fournit une grande partie de la résistance développée dans la pâte du ciment. Le C-S-H et le CH occupent respectivement environ 50 à 60% et 20 à 25% du volume total des hydrates. La formule C3S2H3 n’est qu’une approximation pour le C-S-H, car sa composition varie considérablement selon la composition du ciment, la quantité d’eau dans la pâte, les conditions de cure. Mindess et al. (2003) présentent la formule C3S2H8 pour le C-S-H. Par conséquent, ces auteurs présentent les équations (1-1) et (1-2) sous des formes légèrement différentes. Le C-S-H est un gel amorphe qui contient des pores, appelés pores de gel, dont le diamètre est de l’ordre de quelques nanomètres. La finesse de la porosité de gel, crée une surface spécifique de quelques centaines de m2 /g. Par conséquent, le C-S-H est responsable de la plupart des propriétés de la pâte de ciment durcie, comme la résistance, la perméabilité, les variations de volume, etc. Une autre conséquence de la porosité très fine et de la surface spécifique très grande est l’association et les interactions significatives entre la phase solide et la phase aqueuse de C-S-H. Par conséquent le C-S-H est souvent décrit dans la littérature comme une structure colloïdale très fine. En plus de l’eau dans les pores de gel, le C-S-H contient une certaine quantité d’eau chimiquement liée. Contrairement au C-S-H, le CH est un matériau cristallin avec une composition fixe. C3A et C4AF réagissent avec le gypse et l’eau et produisent l’ettringite, C AS H (Mindess 6 3 32 et al., 2003).
La chimie d’hydratation du ciment entre 25°C et 100°C ne varie pas essentiellement, mais la température accélère la cinétique d’hydratation et modifie la microstructure du ciment et les fractions volumiques des hydrates (Taylor, 1997). La température d’hydratation a une influence assez significative sur les propriétés mécaniques et la résistance de la pâte durcie. Verbeck et Helmuth (1968) suggèrent que pour les températures élevées l’hydratation rapide de ciment produit une quantité initiale importante d’hydrates. Ces hydrates entourent les grains anhydres et créent une barrière qui limite l’accès de l’eau et par conséquent limite ou retarde la suite du processus d’hydratation. Il en résulte des hydrates qui sont plus poreux et plus hétérogènes. Les ciments hydratés à températures plus élevées ont une porosité totale plus grande et une quantité plus importante de pores de grandes tailles (Kjellsen et al., 1990). Ainsi, l’hydratation à température plus élevée augmente la fraction volumique de C-S-H de haute densité dans le ciment. Les modifications de la microstructure du ciment provoquées par la température d’hydratation, influencent ses propriétés mécaniques. Due à l’augmentation de la vitesse d’hydratation avec la température, les ciments hydratés à température plus élevée ont une résistance initiale plus importante. Mais l’hétérogénéité plus importante de la microstructure et la porosité plus élevée de ces ciments conduisent à une résistance à long-terme qui est inférieure à celle des ciments hydratés aux températures plus basses, (Figure 1 3, d’après Mindess et al., 2003).
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