L’enquête TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) est une étude internationale menée par l’IEA (« International Association for the Evaluation of Educational Achievement ») qui a pour objectif de mesurer les performances des élèves en mathématiques et en sciences. Les conclusions de l’enquête menée en 2015 (T) montrent que le niveau des étudiants en mathématiques est en baisse et que les étudiants rencontrent des difficultés pour maîtriser le « langage » qui permet de comprendre et à écrire des preuves mathématiques.
Les preuves mathématiques représentent un sujet de recherche central en didactique des mathématiques. Une preuve mathématique est la traduction d’un raisonnement qui permet d’établir un résultat à partir de certaines hypothèses. Sous sa forme la plus simple, une preuve mathématique peut être considérée comme une suite de déclarations logiquement ordonnées qui, à partir d’hypothèses, conduit à une conclusion. La conclusion représente le résultat de la preuve et ce résultat doit être accepté du moment où les toutes étapes intermédiaires sont acceptées. Nous voyons clairement la distinction entre le résultat de la preuve et les étapes qui permettent de l’établir. Cette distinction est importante à comprendre, car certains étudiants peuvent accepter un résultat mathématique mais éprouver des difficultés à le prouver.
Une preuve mathématique peut être construite par plusieurs techniques : la preuve déductive (ou directe), la preuve inductive, la preuve par contraposée et la preuve par l’absurde.
La preuve par déduction, dite aussi preuve directe, est la technique la plus utilisée. Il s’agit de prouver un énoncé en partant directement des hypothèses et en arrivant à la conclusion par une suite d’implications logiques. L’énoncé du problème fournit une ou plusieurs proposition(s) donnée(s) comme prémisse(s), et demande à inférer un résultat, la conclusion. Le processus de preuve est de nature récursive ; par conséquent le statut de certaines propositions change. Par exemple, pour établir un résultat intermédiaire, une sous-preuve est utilisée et une même proposition qui avait le statut de prémisse devient alors une conclusion de cette sous-preuve.
Exemple 1 Nous voulons démontrer «si m est un entier impair et n est un entier pair alors m + n est un entier impair».
(1) si m est impair alors m = 2k1 + 1, où k1 est un entier
(2) si n est pair alors n = 2k2, où k2 est un entier
(3) de (1) et (2), on a m + n = 2k1 + 1 + 2k2
(4) de (3), on a m + n = (2k1 + 2k2) + 1
(5) de (4), on a m + n = 2(k1 + k2) + 1
(6) de (5), m+n est un entier impair .
Dans cet exemple, à partir des prémisses «m est un entier impair» et «n est un entier pair» nous avons déduit la conclusion «m+n est un entier impair». Le passage entre les lignes se fait comme suit : à partir des lignes (1) et (2) on déduit la ligne (3) ; la ligne (3) déduit la ligne (4) ; la ligne (4) déduit la ligne (5) ; et la ligne (5) déduit la conclusion. Chaque conclusion devient une prémisse pour déduire une nouvelle conclusion jusqu’à arriver à déduire la conclusion «m+n est un entier impair».
Une preuve inductive, dite aussi preuve par récurrence, consiste à démontrer une propriété qui porte sur tous les entiers naturels (ou plus généralement tout ensemble muni d’un bon ordre). Soit P cette propriété. Pour démontrer P nous vérifions qu’elle est vraie pour un entier naturel donné n0 puis nous supposons qu’elle est vraie pour n et nous démontrons que cela implique qu’elle est vraie pour n + 1. L’objectif de la preuve inductive est de généraliser des cas particuliers. Si la propriété est vraie pour un certain entier naturel n, elle est également vraie pour son successeur. Formellement, une preuve inductive est définie comme suit : Soit P une propriété qui porte sur un entier naturel n. Soit n0 un entier donné. Démontrer que P(n) est vraie pour tout n > n0 se déroule en deux étapes :
1. Vérifier que la propriété P(n0) est vraie.
2. Supposer que pour un entier naturel n > n0 la propriété P(n) est vraie et démontrer que la propriété P(n + 1) est vraie.
La didactique des mathématiques est définie par Artigue et Douady (1986) ; Douady (1984) comme suit : « La didactique des mathématiques est l’étude de processus de transmission et d’acquisition des différents contenus de cette science, et qui propose de décrire et d’expliquer les phénomènes relatifs aux rapports entre son enseignement et son apprentissage. Elle ne se réduit pas à chercher une bonne manière d’enseigner une notion fixée. » Plusieurs travaux en didactique cherchent à favoriser un cadre d’apprentissage collaboratif. L’apprentissage collaboratif repose sur deux aspects : le débat et l’argumentation. Un débat est un ensemble d’échanges de différents points de vue entre individus dans le but de résoudre un problème sur un sujet précis. EVELEIGH et TOZZI (2002) définissent le débat comme suit : « Le débat est un conflit sociocognitif qui résulte de la confrontation de représentations, de points de vue sur un sujet provenant de différents individus en interaction. Il s’agit de convaincre son partenaire en utilisant l’argumentation et donc de débattre.» L’apprentissage collaboratif se traduit dans le contexte de l’enseignement des mathématiques par regrouper des étudiants afin de travailler conjointement pour résoudre un problème commun. C’est donc un cadre social qui permet aux étudiants de s’engager dans des discussions et exprimer leurs points de vue sous forme d’arguments et de contre-arguments afin d’établir un résultat qui permet de résoudre le problème posé. Les discussions et débats entre les étudiants pour justifier ou critiquer publiquement les déclarations avancées motivent les étudiants à s’engager davantage dans le processus d’apprentissage et augmentent la confiance et l’estime de soi Kirkpatrick (2016). Kirkpatrick (2016) montre par exemple que l’augmentation de la motivation chez les étudiants est liée à l’utilisation active de l’argumentation. Cette étude a prouvé que l’argumentation et le débat représentent une base efficace pour l’apprentissage collaboratif des mathématiques. Donc l’argumentation est une méthode qui favorise l’apprentissage des preuves mathématiques, car elle :
1. améliore la pensée critique et les compétences métacognitives telles que l’autocritique et l’auto-évaluation,
2. augmente la motivation des étudiants par les interactions sociales,
3. favorise l’apprentissage en classes.
1 Introduction |