Depuis plusieurs années, des circuits électroniques radiofréquence (RF) et micro-ondes (fréquences de 100 MHz à 1000 GHz) se retrouvent au cœur d’un nombre croissant de systèmes (télécommunications, réseaux sans fil, télédétection, etc.) couvrant tous types d’applications dans les secteurs militaires, industriels et commerciaux tels que l’aérospatial, l’aéronautique, l’automobile et le médical. Pour ces domaines, la qualité et la performance des produits ainsi que l’exactitude des mesures jouent un rôle extrêmement important. La conception et la caractérisation d’un composant ou d’un système électronique RF et microondes se basent sur la mesure des principales grandeurs comme la tension, la puissance, les paramètres de répartition (paramètres S), les impédances et le bruit. En hyperfréquences, la puissance est plus facile à mesurer que la tension car l’amplitude de celle-ci varie périodiquement le long d’un dispositif. La mesure de la puissance peut être réalisée grâce aux wattmètres utilisant des détecteurs bolométriques, des détecteurs à thermocouple et des détecteurs à diode [1]. De plus, le niveau de puissance à l’entrée et à la sortie d’un composant ou d’un système est souvent le facteur critique dans la conception des équipements RF et microondes. Contrairement aux paramètres classiques comme les impédances ou les admittances qui représentent des relations directes entre les tensions et les courants, les paramètres S expriment des relations entre les ondes de puissances à l’entrée et à la sortie d’un dispositif. Ils permettent de répondre au problème de la caractérisation d’un quadripôle ou généralement d’un multi-pôle électronique en hyperfréquences. Les niveaux de puissance entrée-sortie, l’impédance et les coefficients de réflexion et de transmission d’un multipôle peuvent être déduits à partir de la connaissance des paramètres S. Les paramètres S d’un dispositif sont mesurés à l’aide d’un analyseur de réseaux vectoriel (ARV) qui utilise des techniques de génération, de séparation et de détection des signaux pour obtenir les ondes incidentes, réfléchies et transmises. Il fournit des informations sur l’amplitude et sur la phase des paramètres S de tout dispositif dans une large bande de fréquence allant de quelques dizaines de MHz jusqu’à plusieurs centaines de GHz. Par ailleurs, les évolutions de la micro électronique et des semi-conducteurs ont facilité la fabrication de composants électroniques micro-ondes. Il est donc primordial de mettre en œuvre des systèmes de mesure précis et fiables pour la caractérisation de ces composants.
La montée en fréquence des circuits numériques entraîne l’utilisation croissante de circuits différentiels afin de préserver l’intégrité du signal numérique à haute vitesse dans les circuits à forte densité de pistes grâce à leur meilleure immunité au bruit électrique de mode commun. Un composant différentiel est un dispositif électronique à deux entrées et à deux sorties représentant des symétries électriques et géométriques. Les circuits différentiels sont largement utilisés pour la conception des différents équipements RF des systèmes de télécommunications. On peut citer les amplificateurs différentiels, les lignes de transmission couplées, les mélangeurs différentiels. En se basant sur la topologie équilibrée, la propriété fondamentale des composants différentiels est de pouvoir répondre à une excitation de deux signaux de même amplitude avec un déphasage de 180°. Cependant, à cause des imperfections de conception, un signal de mode commun peut être généré lorsque des courants d’interférence se propagent sur les deux conducteurs dans le même sens et reviennent par la masse. La conversion entre les modes différentiel et commun se produit en cas de déséquilibre du circuit par rapport à l’axe de propagation de l’onde. Par conséquent, les circuits différentiels doivent être caractérisés au moyen de paramètres S en mode mixte fournissant un aperçu complet de la propagation du signal en mode différentiel, en mode commun et en termes de conversion entre les deux modes [2]. De plus, la tendance à la miniaturisation et à l’intégration des dispositifs hyperfréquences favorise l’utilisation de structures planaires ou coplanaires telles que les lignes micro-ruban, les lignes coplanaires, les lignes à fente facilitant ainsi le développement des circuits intégrés monolithiques micro-ondes (MMIC) spécifiques. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des systèmes de mesure des paramètres S adaptés à ce type de circuits différentiels et d’en estimer la précision.
Les analyseurs de réseau n’ont cessé d’évoluer avec l’apparition de nouveaux circuits pour s’adapter aux demandes de plus en plus exigeantes en termes de techniques de caractérisation et de précision des mesures. Au début des années 1950, le fabricant Rohde & Schwarz a réalisé le première modèle d’analyseur de réseau. Dans les années 1980, la mise en œuvre de blocs fonctionnels plus sophistiqués s’appuyant sur la technologie des microprocesseurs, rend plus fiable la caractérisation des circuits. À la fin des années 1990, parallèlement au développement des composants RF en topologie équilibrée, une amélioration essentielle des ARV a été apportée par l’introduction des ARV 4-ports, comme par exemple l’ARV 4-ports E5071A de Keysight qui fonctionne jusqu’à 8,5 GHz. En 2006, une autre famille d’analyseurs de réseau 4-ports de Keysight (par exemple : N5227A) étend la fréquence d’opération jusqu’à 67 GHz.
L’apparition d’ARV 4-ports avec le concept de paramètres S en mode mixte facilite la mesure des circuits différentiels. Outre la méthode traditionnelle qui consiste à mesurer les paramètres S classiques (« single ended ») pour les convertir en mode mixte, l’ARV 4-ports permet, à partir de deux sources d’excitation, de réaliser directement des mesures en mode différentiel vrai (« true mode »). La traçabilité des mesures de paramètres S en mode mixte par ces deux approches doit être démontrée au niveau des Laboratoires Nationaux de Métrologie (LNM). L’avantage des mesures traçables est qu’elles peuvent être utilisées de manière équivalente indépendamment les unes des autres. La traçabilité est établie par la relation entre les grandeurs mesurées et les grandeurs de base du Système International d’unités (SI). Les travaux antérieurs effectués dans les LNM ont permis d’établir la traçabilité des mesures de paramètres S au SI via des mesures dimensionnelles [3], [4] des éléments de référence utilisés lors de l’étalonnage de l’ARV. Afin de mettre en place la traçabilité des paramètres S en mode mixte des circuits symétriques, la méthode d’étalonnage Multimode TRL [5] convient particulièrement parce que l’impédance caractéristique des lignes, qui définit l’impédance de référence du système de mesure, peut être déterminée à partir de la mesure et de la simulation. Il s’agit d’une extension de la méthode d’étalonnage Thru-Reflect-Line (TRL) [6] conventionnelle permettant de prendre en compte la propagation multimodes des ondes électromagnétiques. Cette technique consiste principalement à mesurer trois étalons: deux lignes de transmission de différentes longueurs (Thru et Line) respectant des conditions de déphasage ainsi qu’une charge « Reflect » ayant un coefficient de réflexion élevé et identique pour chacun des accès de mesure.
Les circuits asymétriques pour lesquels les signaux sont référencés à la masse (potentiel de référence de 0 V) constituent un moyen classique de transmission des signaux électriques entre un émetteur et un récepteur. De manière simple, un premier conducteur transporte l’information des signaux électriques et un second conducteur est relié au potentiel de référence .
L’évolution de la conception et de la réalisation des circuits électroniques permet de développer des dispositifs RF et micro-ondes en augmentant la densité des blocs fonctionnels et des composants dans un circuit intégré. L’intégration des différentes fonctionnalités et la complexité croissante des circuits engendrent des enjeux liés aux interférences électromagnétiques et à l’alimentation électrique pour garantir le niveau de puissance de sortie et la linéarité requis. De nombreuses études ont été menées pour la conception et la caractérisation de circuits différentiels basés sur une topologie équilibrée avec l’utilisation de deux signaux de tensions opposées (même amplitude et différence de phase de 180°) afin de transmettre un signal avec un faible bruit et une gamme dynamique étendue [11]. Les signaux sur la paire de conducteurs équilibrés sont référencés les uns par rapport aux autres au lieu d’être référencés à la masse. La plupart des dispositifs différentiels sont conçus pour amplifier la composante différentielle et rejeter la composante commune ce qui permet d’éliminer pratiquement le bruit commun aux deux entrées.
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