Amélioration de la représentation cartographique des phénomènes urbains

Pour Kant, l’objet indéterminé d’une intuition empirique s’appelle phénomène. Selon le dictionnaire Larousse, un phénomène est un fait naturel constaté, susceptible d’étude scientifique, et pouvant devenir un sujet d’expérience. On parle de phénomène pour qualifier quelque chose qu’on perçoit mais dont on ne maitrise pas la définition. En géographie, nous utilisons le terme de « phénomène » pour signifier toutes les choses, les faits du monde physique liées à la variabilité spatio-temporelle tels que la pollution chimique, le climat, le bruit, etc.

Comment percevoir un phénomène ? 

La plupart des phénomènes sont appréhendés visuellement mais il existe des phénomènes qui ne sont pas observables, on les perçoit par nos sens ou par l’utilisation de l’instrumentation. Par exemple, nous ne pouvons pas « voir » la chaleur mais nous pouvons la ressentir, la pollution de l’air n’est généralement pas observable mais on perçoit sa présence par le résultat affiché sur un capteur, ou ressentir une gêne respiratoire ou oculaire. Les phénomènes sont autour de nous mais la plupart d’eux sont complexes à estimer et à représenter car ils ne se voient pas et ils varient en fonction du temps et de l’espace.

Pourquoi nous nous intéressons aux phénomènes urbains ? 

Plus de la moitié de la population mondiale de nos jours vit dans les villes. Cette proportion s’élève à 80% dans les pays développés. La densité importante de la population urbaine provoque plusieurs problèmes environnementaux tels que les bruits, les canicules urbaines, les pollutions chimiques ou la pollution magnétique. En tant que citoyens, nous nous demandons si l’air que nous respirons tous les jours contient des substances dangereuses, si le bâtiment où nous vivons nous protège de la chaleur ou si les diverses émanations des usines (bruits, pollutions) dans les banlieues influencent sur l’atmosphère de notre quartier. Si l’un des objectifs des villes intelligentes est d’améliorer la gestion des ressources – comme l’eau et l’électricité – un autre est de pouvoir contrôler jour après jour ce qui se passe dans la ville au niveau du climat et des pollutions.

Des représentations et des outils mal adaptés à la représentation de phénomènes

L’information relative à ces phénomènes concerne les services techniques de la ville et la population ; elle est généralement transmise sous forme de graphiques ou de cartes dont malheureusement l’interprétation n’est pas forcément facile pour tous. La représentation cartographique peut être simpliste (dans ce cas des détails essentiels risquent d’être omis) ou complexe (dans ce cas la carte est surchargée et de ce fait difficile à interpréter surtout pour les utilisateurs non expérimentés). Les non-experts prennent plus de temps pour comprendre une carte que les utilisateurs expérimentés, ils n’arrivent pas à interpréter en partie à cause de représentation graphique inappropriée. En effet, parfois celle-ci superpose le phénomène et son contexte géographique ou bien elle ne fournit pas d’information géographique contextuelle . Sans les informations contextuelles, l’interprétation du phénomène et par la suite l’étude de son impact devient difficile : on ne sait pas où le phénomène a lieu, s’il concerne notre quartier ou non, et quel est son niveau de dangerosité.

Si le contexte géographique est présent, il doit aider l’utilisateur à se localiser rapidement et à l’informer sur, par exemple, le type de bâtiment ou de voies représentées. D’autre part la densité d’informations représentées peut être inappropriée et de fait empêche une bonne perception du phénomène.

C’est le cas de la carte AirParif qui propose de représenter les positions des capteurs avec leurs mesures (dioxyde d’azote, ozone, particules PM10 et PM2.5) sur Google Earth aux petites échelles. Bien que ce type de carte soit très utile, l’espacement important de données ne donne aucune idée de la variation ni de l’état de pollution dans l’espace où il n’y a pas de capteur .

Les outils SIG ne sont pas adaptés à la représentation de phénomènes physiques et inversement les outils scientifiques ne possèdent pas de fonctionnalités pour visualiser des données géographiques. On peut se demander pourquoi alors qu’il y a une communauté de géomaticiens et une communauté de physiciens on n’arrive pas à obtenir de meilleures représentations. En effet, les outils scientifiques, de type ParaView par exemple, sont très bons pour les experts de phénomènes. Les outils graphiques proposés permettent de voir au mieux le champ de valeurs mais pas le contexte géographique .

A l’inverse, les outils SIG dispensent de nombreuses solutions pour représenter les objets stables mais ne proposent pas ou peu d’outils pour visualiser les phénomènes.

L’objectif de notre recherche est de permettre une meilleure représentation des phénomènes dans les outils cartographiques, nous avons donc un positionnement de géomaticien. Il ne s’agit donc pas de se substituer aux outils scientifiques, qui restent fondamentaux mais d’ajouter des fonctionnements aux SIG pour qu’ils soient plus facile, pour tous, d’intégrer des données de type champs dans les analyses urbaines, sans être un expert du phénomène. Nous n’avons pas non plus un positionnement d’informaticien. Nos propositions ne sont pas optimisées selon des critères informatiques, mais nous souhaitons proposer des modèles et processus, qui, une fois intégrés aux SIG, permettent d’ouvrir le champs de possibilités.

Table des matières

Chapitre I : Introduction
Phénomènes : définitions et caractéristiques
Comment percevoir un phénomène ?
Pourquoi nous nous intéressons aux phénomènes urbains ?
Des représentations et des outils mal adaptés à la représentation de phénomènes
Objectifs de notre recherche
Plan
Chapitre II : Principes cartographiques et outils standards de présentation
1. Cartographie et sémiologie graphique
1.1 La carte
1.1.1. En quoi consiste une carte ?
1.1.2. Quel est le contenu d’une carte ?
1.1.3. À quoi sert une carte ?
1.1.4. Notre problème essentiel, comment concevoir une carte de phénomène urbain ?
1.1.5. Evolutions
1.2 La sémiologie graphique
1.2.1 Principes généraux
1.2.2 Les variables visuelles
A. La forme
B. La couleur
1.2.3 Synthèse : les propriétés des variables visuelles
2. Représentation de l’information géographique
2.1. Les données à représenter
2.1.1 Les données vecteurs
2.1.2 Les données rasters
2.2. Les contraintes visuelles
2.2.1. Les seuils traditionnels
a. Le seuil de perception
b. Seuil de séparation
c. Seuil de différenciation
2.2.2 Lisibilité d’une carte
a. Facteurs influençant la lisibilité
La densité graphique
La séparation angulaire
La séparation rétinienne
b. La lisibilité des cartes de risques (Chesneau 2007)
3. Représentation multi-niveaux de l’IG
3.1 Les niveaux de détail, niveau d’analyse
3.2 Représentation multi-niveaux
4. Logiciels standards pour les données géographiques
4.1 Outils basés sur des méthodes de conception et de formalismes de modélisation
4.1.1. Méthodes généralistes issues du génie logiciel
4.1.2. Méthodes plus spécifiques dédiées aux données géographiques
4.2. Les outils SIG pour la représentation de phénomènes
4.2.1 Que signifie le terme SIG ?
4.2.2 Les outils SIG
a. SIG Bureautique (Desktop GIS)
SIG 3D
GvSIG et son extension 3D
Historique
Extension 3D
WebGL
b. SGBD Spatial
c. Extensions SIG, Plug-ins et APIs
4.2.3 Les outils scientifiques de visualisation, extérieurs au domaine du SIG
5. Amélioration de visibilité de la présentation cartographique
5.1. Etudes des contrastes de couleur pour améliorer la lisibilité des cartes – application
aux cartes de risque (Chesneau 2006)
Modélisation des données
Modélisation des connaissances sur les couleurs pour le calcul et l’interprétation de leurs
contrastes dans une carte et pour des propositions colorées plus adaptées
Analyse de contraste
Création des propositions
5.2. Aide à la conception de légendes personnalisées et originales : proposition d’une
méthode coopérative pour le choix des couleurs (Christophe 2009)
5.3. Modèle pour l’évaluation et l’amélioration de la lisibilité d’une carte géographique
(Bessadok 2015)
6. Conclusion sur la partie des outils standard de représentation
Chapitre III : Conclusion

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