L’apparition du rayonnement laser au début des années 1960 a révolutionné de nombreux domaines de la physique et a permis de multiples applications, déjà utilisées dans notre vie quotidienne. Or, pour des raisons technologiques, les longueurs d’onde habituelles des lasers se situent dans l’infrarouge et partiellement dans le domaine visible.
Cependant, l’intérêt de développer des sources analogues dans le domaine des plus courtes longueurs d’onde n’est plus à démontrer, en particulier dans le domaine de l’extrême ultraviolet (XUV) couvrant la gamme de longueurs d’onde comprises entre 1 et 100 nm environ. Les applications en sont très nombreuses, notamment en métrologie, en lithographie X et applications en physique atomique et moléculaire. Une des applications très prometteuse en biologie est la microscopie dans la fenêtre de l’eau, très bien adaptée à l’observation des composés organiques pour laquelle la longueur d’onde d’observation est comprise entre 2 et 4 nanomètres. Ces applications requièrent des qualités spécifiques du rayonnement et expliquent que les habituelles sources de rayonnement X, telles que les tubes, les synchrotrons ou les décharges plasma, ne soient pas toujours optimisées.
Les sources XUV créées par laser -harmoniques d’ordres élevés ou laser X- semblent une bonne alternative aux grandes installations synchrotron pour certaines applications : un coût de fonctionnement moindre et la possibilité de développer des sources de faible encombrement spatial ne sont pas à négliger. Ces sources présentent en outre l’avantage sur les synchrotrons actuels de délivrer des impulsions de très courte durée (femtosecondes, voire attosecondes pour les harmoniques) tout en garantissant un nombre de photons par tir comparable voire supérieur. Cette spécificité leur permet déjà de sonder la matière à des échelles de temps jamais encore atteintes : celle du mouvement des électrons sur les couches internes des atomes par exemple.
On a donc souvent évoqué l’idée de « synchrotron de poche » pour de telles sources. Il reste cependant à prouver leur stabilité au jour le jour et à continuer à améliorer les flux de photons moyens, notamment en augmentant les cadences qui restent pour l’instant le handicap majeur par rapport aux synchrotrons, si l’on pense à des expériences nécessitant l’accumulation d’un signal sur de grandes durées ou des comptages en coïncidence.
Le présent travail porte sur la source de rayonnement XUV basée sur la génération d’harmoniques d’ordres élevés dans les gaz rares. Ce rayonnement provient de l’interaction hautement non-linéaire entre un champ laser intense et les atomes d’un gaz. Pour des raisons de symétrie, seuls les ordres harmoniques impairs sont produits mais la particularité intéressante de cette émission est l’existence d’un plateau constitué de plusieurs ordres harmoniques successifs pour lesquels le nombre de photons produits ne décroît pas avec l’ordre. Cette caractéristique indique que le processus de génération d’harmoniques au niveau atomique ne peut être compris dans le simple cadre de la théorie des perturbations. Enfin, comme pour tout phénomène d’optique non linéaire, il convient d’étudier l’accord de phase qui peut permettre d’accroître le nombre de photons produits en sortie de milieu.
Expérimentalement, la production de l’harmonique 3 a été démontrée pour la première fois en 1967 dans un milieu gazeux [1] et les ordres harmoniques maximaux détectés sont restés inférieurs à 9 jusqu’à la fin des années 1970 [2]. Des ordres harmoniques de l’ordre de quelques dizaines ont été mis en évidence dans la période 1980/1990, notamment par l’équipe du CEASaclay, en utilisant des lasers de courte durée d’impulsion – typiquement plusieurs centaines de picosecondes – donc également plus intenses [3]. Enfin, l’ordre harmonique le plus élevé publié en 1993 par l’équipe de Saclay est de 135 [4] pour atteindre près de 300 en 1997 [5] dans l’équipe de l’université du Michigan. Parallèlement à la recherche d’ordres harmoniques toujours plus élevés, les efficacités de conversion -c’est-à-dire la part d’énergie laser convertie en énergie harmoniquen’ont cessé de croître. La référence [3] de l’équipe de Saclay datant de 1990 aboutit à une efficacité de 10⁻⁹ pour l’harmonique 11 produite dans le xénon. L’équipe du LLC à Lund (Suède) en 1993 a publié dans la référence [6] un nombre de photons qui permet de déduire une efficacité de 2.10⁻⁸ . Elle atteint 10⁻⁷ en 1995 dans l’équipe de Livermore en Californie [7].
L’installation laser de la « salle rouge » du LOA, couramment utilisée pour la génération d’harmoniques, est un système entièrement basé sur des cristaux de saphir dopé au titane (Ti:Sa) et utilisant la technique d’amplification à dérive de fréquences (CPA pour Chirped Pulse Amplification) [1]. Il délivre des impulsions de 30 fs environ à une longueur d’onde de 800 nm et une cadence de 1kHz [2]. Cette cadence est particulièrement bien adaptée à la génération d’harmoniques. À 30 fs, des impulsions de quelques millijoules suffisent pour générer efficacement des harmoniques, ce qui permet ces cadences relativement élevées. Le flux de photons harmoniques moyen par seconde est alors augmenté de façon simple par rapport aux lasers de cadence plus faibles. Dans le cadre de nos expériences, l’énergie par impulsion varie de 4 à 7 mJ et le diamètre du faisceau, parallèle en sortie de laser, mesuré au sens des faisceaux gaussiens (1/ e² de l’intensité maximale) est de 22 mm, soit un éclairement d’environ 2mJ/cm² . Dans cette configuration, les intensités laser atteintes restent suffisamment modestes pour permettre de travailler dans l’air, ce qui facilite considérablement les réglages.
Les choix technologiques faits sur cette chaîne laser ont des conséquences sur l’efficacité de la génération d’harmoniques. D’abord, celle-ci, en tant qu’effet hautement non linéaire, est très sensible à l’intensité crête atteinte par l’impulsion, intensité elle-même inversement proportionnelle à la durée d’impulsion à énergie fixée. Nous avons également remarqué l’importance de la qualité du contraste de l’impulsion laser, mesuré entre le pic principal et le pied de l’impulsion. En effet, des impulsions parasites d’intensité suffisante pour provoquer une ionisation partielle du milieu gazeux, sans pour autant générer efficacement des harmoniques, peuvent induire des effets complexes de propagation et perturber l’accord de phase au passage de l’impulsion principale . Enfin l’éclairement attendu au foyer du laser dépend fortement de la régularité du front de phase spatiale du faisceau.
1. INTRODUCTION |