Dans le cadre de notre formation en Master EGEL (Expertise et Gestion de l’Environnement Littoral) à l’Institut Universitaire Européen de la Mer), un stage d’une durée de quatre mois minimum nous a été demandé d’effectuer. Cela nous permet de découvrir les métiers liés à l’environnement littoral et de prendre contact avec le milieu professionnel, mais aussi de mettre en pratique nos connaissances et d’acquérir de l’expérience. L’objectif de l’étude est la mise à jour de la cartographie du Document d’Objectifs (habitats et espèces végétales invasives terrestres) du site Natura 2000 « Pointe Fauconnière FR9301609 ». Cette étude s’intègre dans les Tomes 0, 1 et 2 du DOCOB du site de la Pointe Fauconnière. La première partie du mémoire est consacrée à un état de l’art sur les espèces végétales exotiques envahissantes (EVEE) dans les espaces naturels et littoraux, avec l’appui de diverses références bibliographiques. Le site d’étude sera ensuite présenté en deuxième partie. La problématique des espèces végétales invasives et la mise à jour du DOCOB seront ensuite abordées en troisième partie. Celle-ci exposera un diagnostic des EVEE sur le site Natura 2000, la méthode et les outils utilisés pour le recensement et la cartographie des espèces, basée sur un protocole mis en place au cours du stage, ainsi que les résultats obtenus. Enfin, l’actualisation des actions préconisées pour la gestion des EVEE sur le site de la Pointe Fauconnière, avec l’introduction de nouvelles mesures, viendra conclure le mémoire.
Le site d’étude Natura 2000 « Pointe Fauconnière FR9301609 » est situé sur la commune de Saint Cyr-sur-Mer, à l’ouest du département du Var dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il se compose d’un environnement et de paysages historiques et culturels relativement bien préservés. Depuis quelques années, le Service Espaces Naturels de la commune, structure animatrice du site et gestionnaire des terrains du Conservatoire sur le territoire, constate une réelle colonisation des EVEE sur le site de la Pointe Fauconnière, notamment à proximité des zones urbanisées. Certaines espèces sont déjà bien présentes et concurrencent les espèces locales. La gestion des espèces végétales exotiques envahissantes sur le site Natura 2000 s’appuie avant tout sur un état des lieux des EVEE et une identification des attentes et besoins de la structure gestionnaire, afin de proposer une stratégie de lutte efficace et durable. Cette étude est compatible avec la Stratégie régionale relative aux espèces végétales exotiques envahissantes en PACA .
Aujourd’hui, la biodiversité est reconnue comme un patrimoine commun mondial menacé. Les invasions biologiques sont considérées comme la seconde plus grande menace sur la biodiversité après la destruction des habitats naturels, selon l’évaluation des écosystèmes pour le Millénaire publiée par les Nations Unies en 2005. Les espèces végétales exotiques envahissantes, une fois installées dans le milieu, constituent une menace majeure pour l’environnement et la biodiversité à différents niveaux : environnementale, économique et sanitaire. Les questions soulevées sur ce sujet sont nombreuses et occupent une part croissante des recherches. Comment les espèces invasives réussissent à s’introduire et à se naturaliser dans un nouveau milieu ? Quelles sont les principales menaces sur l’environnement et les sociétés humaines ? Comment limiter leur développement ? Quelle est la stratégie à adopter ? Aujourd’hui, certaines réponses restent encore insuffisantes pour les scientifiques et les gestionnaires, mais beaucoup de moyens existent et ont déjà été expérimentés sur de nombreux sites pour lutter contre ce phénomène d’invasion. Certains sont efficaces et d’autres inappropriés. Depuis 2004, la France affiche son engagement sur la problématique des EVEE en lançant la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB), qui prévoit la mise en œuvre de plans de lutte contre les espèces végétales exotiques envahissantes.
Aujourd’hui, les invasions biologiques sont considérées à l’échelle mondiale comme la deuxième cause d’extinction d’espèces et de diminution de la biodiversité, juste après la destruction des habitats naturels (ARPE PACA et al., 2003). Les premières invasions seraient apparues au Néolithique (il y a 6000 ans), où les plantes de culture auraient été introduites en Asie du sud-ouest et en Europe du sud. Depuis le 16ème siècle, l’introduction de nouvelles espèces a été favorisée par l’Homme et plus récemment depuis l’augmentation des transports. De même, l’essor des colonies européennes, le développement des jardins botaniques, de l’horticulture ou de l’élevage ont largement contribué à ces invasions biologiques (VANDERHOEVEN S., et al., 2006). Tout comme les changements climatiques. La prise de conscience du phénomène connaît un véritable essor depuis les années 80, de sorte que l’étude sur les invasions biologiques s’est développée rapidement (PYSEK et al., 2004).
Une multitude de termes et de définitions liés aux invasions biologiques existent. On distingue notamment : espèce autochtone (syn. indigène ou native) : espèce observée sur son aire de répartition naturelle ; espèce allochtone (syn. exogène, non indigène ou non native) : espèce observée en dehors de son aire de répartition naturelle ; espèce exotique (syn. introduite) : espèce allochtone libérée intentionnellement ou accidentellement par l’Homme en dehors de son aire de répartition naturelle. Espèce ayant franchi une barrière géographique suite à l’action de l’Homme ; espèce naturalisée (syn. établie) : espèce introduite rencontrant des conditions écologiques favorables à son implantation durable dans le temps et sur le territoire d’accueil, son établissement est indépendant de l’Homme ; espèce envahissante (syn. proliférant) : espèce autochtone ou allochtone qui prolifère et qui étend son aire de distribution sur un territoire donné, lié à une augmentation de la densité des populations (THEVENOT J., 2013).
Ainsi, une espèce végétale exotique envahissante (syn. envahissants et invasifs) se définit comme une « espèce allochtone, dont l’introduction par l’Homme, volontaire ou fortuite, l’implantation et la propagation menacent les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences écologiques et/ou économiques et/ou sanitaires négatives » (définition de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature). C’est une espèce naturalisée ou en voie de naturalisation sur le territoire considéré, qui a une dynamique de colonisation rapide du fait d’un mode de reproduction efficace et de sa capacité à se propager rapidement (PYSEK et al. , 2004). A l’heure actuelle, la flore française comprend environ 6 000 espèces, dont près de 1 300 ont été introduites par l’Homme (LAMBDON P-W et al., 2008).
Les espèces invasives se rencontrent sur tous les continents et dans tous les milieux (eau, forêts, espaces urbains, sols…). Elles peuvent être présentes dans les différents groupes taxonomiques : virus, champignons, algues, mousses, plantes supérieures, invertébrés, poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux ou mammifères. D’une manière générale, seules les espèces végétales terrestres présentes sur le site de la Pointe Fauconnière seront étudiées dans ce mémoire.
La caractérisation des espèces végétales invasives
Toutes les espèces envahissantes ne sont pas exotiques et toutes les espèces exotiques ne sont pas envahissantes. Différents outils sont alors employés pour évaluer le statut d’une espèce envahissante. Se distingue celles dites « avérées », «potentielles » ou à « surveiller ». Une espèce invasive avérée ou espèce végétale exotique envahissante (EVEE) est une « plante non indigène montrant un caractère invasif avéré dans un territoire considéré ». Une espèce invasive potentielle ou espèce végétale exotique potentiellement envahissante (EVEpotE) est une « plante non indigène ne présentant pas de caractère invasif avéré dans le territoire considéré, mais dont la dynamique dans des régions limitrophes ou climatiquement proches laisse penser qu’elle risque néanmoins de devenir à plus ou moins long terme une invasive avérée ». Une espèce invasive à surveiller est une « plante non indigène ne présentant pas (ou plus) de caractère invasif avéré dans le territoire considéré dans les milieux naturels ou semi-naturels, mais dont la possibilité de développer un caractère invasif n’est pas totalement écartée, compte tenu du caractère invasif de cette plante dans d’autres région du monde » (source : cbnbrest.fr).
En Europe, un système de liste est appliqué pour classer les espèces végétales invasives dans un système de hiérarchisation unique et homologué, prenant en compte trois listes définies pour l’ensemble des espèces : liste noire, liste blanche et liste grise (Conseil de l’Europe, 2011).
La liste noire… identifie les espèces capables de proliférer rapidement et jugées potentiellement dangereuses pour la santé animale, végétale ou pour l’environnement, dont l’introduction est strictement réglementée et qui ont fait l’objet d’une évaluation de risque avant d’y être inscrites (source : cbnmed.fr) : espèces déjà signalées comme très envahissantes dans un ou plusieurs pays d’Europe ; espèces dont le caractère envahissant a déjà été démontré dans d’autres régions ; espèces susceptibles de poser problème dans plusieurs États d’Europe, qui n’y sont pas encore présentes mais ont de fortes chances d’y être introduites.
La liste blanche… identifie les espèces pour lesquelles l’évaluation de risque ou une longue expérience permettent de conclure à un faible risque pour l’environnement. L’introduction de spécimens de ces espèces peut être autorisée sans restrictions ou sous certaines conditions. Le recours aux listes blanches ne doit pas empêcher d’accorder, le cas échéant, la préférence aux espèces indigènes de provenance locale.
La liste grise… identifie toute espèce ne figurant ni sur la liste noire, ni sur la liste blanche, ou pour laquelle l’évaluation du risque ne peut pas être déterminée de façon définitive car les données sont insuffisantes, ou qui doit être soumise à une évaluation de risque avant que son introduction ne soit autorisée ou non.
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