Résoudre les crises de la dette souveraine
Le lundi 12 juillet 2010, le Ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble proposa à ces homologues du groupe de travail sur la gouvernance économique de l’UE la création d’un cadre d’insolvabilité souveraine international. Telle initiative venant de la plus puissante économie européenne aurait été impensable ne serait-ce que six mois auparavant. L’insolvabilité de facto de l’Etat grec n’avait pas seulement anéanti le système financier et monétaire du Vieux continent. Elle avait également entraîné des mutations importantes dans certaines des orientations clés des décideurs politiques. Le fort mécontentement de la population face aux grandes actions de sauvetage d’Etats et d’investisseurs privés a poussé le gouvernement allemand de coalition libéralo-conservatrice à rechercher d’autres options. Tenir les investisseurs pour responsables lorsque les débiteurs publics se retrouvent dans une situation délicate n’est pas simplement une idée innovante. Après tout, c’est comme cela que les particuliers et les entreprises en faillite sont traités dans n’importe quel système juridictionnel européen. En dépit de premières réactions mitigées des gouvernements européens, la proposition fut accueillie positivement par les médias, les experts et, même, par certains gouvernements européens. A l’heure de rédaction de la version française de cette étude, fin décembre 2010, le Conseil européen a formellement adopté un mécanisme permanent de traitement des crises de dette souveraine qui doit garantir la contribution des créanciers privés en cas d’insolvabilité souveraine en Europe – mais seulement après 2013. (Pour une brève analyse du nouveau méchanisme européen de traitement des crises de dette souveraine ainsi que d’une contreproposition emanent du centre de recherche Bruegel, voir encadre 3, page 31.)
2 et 3. Dans son chapitre 4, sont décrits les principes et options élémentaires pour la mise en œuvre d’un cadre d’insolvabilité souveraine avant de présenter l’état du débat politique actuel au chapitre 5. Etant donné la na- ture dynamique de ce débat sur la réforme en Europe et ailleurs, il est fort possible que le paysage politique évolue très rapidement. Par conséquent, la section Service en fin de rapport avec sa liste de liens de plusieurs médias en ligne vient compléter cette partie. Le chapitre 6 donne un programme sommaire de procédure d’in- solvabilité d’Etat moyennant un arbitrage international. Ceci est, à son tour, complété par une liste de liens et contacts d’institutions internationales, de gouvernements ayant la même optique, et des ONG qui pour- ront éventuellement aider ceux qui essayent d’éviter les erreurs du passé tout en réglant les problèmes de la dette souveraine d’aujourd’hui. Un aspect tout à fait surprenant du débat européen est l’évolution d’une attitude de rejet de la possibilité de faillite des Etats sur le Vieux continent à une attitude qui veut qu’aucun Etat, hormis la Grèce et quelques autres nations européennes (Portugal, Ireland, Italie, Es- pagne) ne soit vraiment menacé. En réalité, le fait que les Etats peuvent et, à terme, vont faire faillite, n’est ni un phénomène nouveau, ni un problème qui se confine aux membres de l’UE. La crise européenne surgit dans le sillage de grandes turbulences de la dette souveraine en Asie, Afrique et Amérique latine, et, en vérité, les efforts En ce qui concerne la version française de l’étude, les remerciements de l’auteur vont à Catherine Gay pour la traduction du texte originale initalement apparu en Septembre 2010 sous le titre »Resolving Sovereign Debt Crises – Towards a Fair and Transparent International In- solvency Framework«, ainsi qu’à Hubert Schillinger et André Rothenbühler pour la rédaction finale de l’édition française qui, d’ailleurs, a été légèrement mise à jour pour tenir compte des derniers développements dans la zone euro (voir chapitre 5.2.).
Dés la mi-2008 les difficultés de dette souveraine qui avaient frappe bien des pays du Sud globalisé pendant plus de deux décennies depuis le début de la crise de l’endettement en Amérique latine au début des années 1980, semblaient enfin révolues. Après les initiatives multilatérales d’allégement de la dette PPTE/IADM1, des réductions de dette extraordinaires accordées à certains pays au delà même du groupe des PPTE, et après six ans de croissance mondiale quasi-ininterrompue, les indicateurs d’endettement d’une grande majorité de pays du Sud s’étaient substantiellement améliorés. Ceci ne signifie pas automatiquement que tous les pays se sont rapprochés substantiellement de la réalisation de leurs objectifs de développement. Bien que la crise trouva clairement son origine dans les systèmes financiers nationaux des pays riches, notamment le marché de l’immobilier américain et l’exposition périlleuse des investisseurs européens, japonais et américains à ces marchés, les retombées de la récession mondiale sur les pays en développement et les marchés émergents ont été considérables. Des revenus à l’exportation en baisse en raison de la demande mondiale atone pour les produits de base et l’effondrement du prix des pro- duits de base; la diminution des transferts de fonds; une aide au développement en stagnation et la contraction des entrées de capitaux provenant des investissements étrangers directs (IED); ainsi que la baisse des recettes fis- cales – et, en partie, des dépenses publiques supplémentaires liées aux efforts de relance budgétaire – commencèrent à mettre en danger la soutenabilité de la dette durement acquise dans bien des pays du Sud globalisé.