Définition de la schizophrénie
La schizophrénie est une psychose présentant divers aspects cliniques (Schultz et coll., 1999). Elle est caractérisée par un désordre de la pensée ainsi que par des réponses émotionnelles inappropriées (Andreasen et coll., 1993, 1995). La maladie apparaît en général au cours de l’adolescence ou de la post-adolescence sans qu’il y ait eu dans la majorité des cas d’antécédent psychiatrique. Des anomalies lors des nombreuses transformations hormonales et biochimiques du cerveau au cours de la puberté ainsi que les sollicitations pour acquérir une indépendance socio professionnelle pourraient expliquer l’apparition de la schizophrénie chez le jeune adulte. La sévérité des symptômes varie d’une personne à l’autre. L’évolution de la maladie comprend des épisodes aigus avec aggravation des symptômes et des rémissions où les symptômes persistent le plus souvent à minima. La plupart du temps, les personnes de l’entourage du malade se rendent compte d’un bouleversement qui se caractérise par un changement du comportement, une baisse de performance dans le travail et une détérioration dans les relations sociales. Les schizophrènes s’isolent du monde extérieur. Ils peuvent être sujet à des délires et, tenir des propos en dehors de la réalité. Par exemple, ils se croient parfois espionnés et sont persuadés que des personnes complotent contre eux. Ils se prennent parfois pour un Messie et sont persuadés de détenir des pouvoirs et des capacités hors du commun. Souvent ce délire s’accompagne d’hallucinations auditives : ils entendent des voix. Ils peuvent également présenter des troubles du cours de la pensée, s’interrompre et repartir sur une autre idée.
En dehors des épisodes aigus le comportement des malades peut apparaître normal ou plus ou moins déficitaire (repli sur soi, bizarrerie de comportement….). La difficulté à discerner si un événement se situe dans la réalité ou s’ils sont sujets à des déformations de leurs perceptions reste un problème inhérent à ces malades. Devant la complexité du diagnostic des différents symptômes, plusieurs classifications internationales ont successivement été établies. Récemment les critères diagnostiques de l’Association de Psychiatrie Américaine (APA (The American Psychiatric Association), 1994. Diagnostic and Satistical Manual of Mental Disorders) classe les schizophrénies en plusieurs soustypes cliniques. On parlera (i) de schizophrénie paranoïde pour les patients où prédomine un délire polymorphe de persécution avec des hallucinations, (ii) de schizophrénie désorganisée pour ceux où prédominent des propos incohérents, (iii) de schizophrénie déficitaire pour ceux où les symptômes négatifs prédominent (repli sur soi, isolement). La schizophrénie est décrite comme un ensemble hétérogène de symptômes. Le syndrome peut se manifester par un trouble passant relativement inaperçu jusqu’à une forme très sévère. La schizophrénie affecte autant les hommes que les femmes. Elle est généralement plus grave chez les hommes que chez les femmes.
La composante génétique de la schizophrénie
Dans un premier temps, les études d’agrégation familiale ont montré un nombre plus important d’apparentés atteints dans certaines familles de schizophrènes en comparaison avec la population générale (McGue and Gottesman, 1991). Ces études rapportent le chiffre de 8 à 18% de risque de développer la maladie pour un enfant ayant un de ses parents atteint. Si les deux parents souffrent de schizophrénie, ce pourcentage s’élève de 15 à 50 % (Shields and Gottesman, 1977). Des études de jumeaux et d’adoption ont été conduites pour déterminer la part des facteurs génétiques et celle des facteurs environnementaux dans le déterminisme de la schizophrénie. Les études de jumeaux ont montré une concordance de 48 % pour les jumeaux monozygotes (vrais jumeaux) et de 17 % pour les jumeaux dizygotes (faux jumeaux) (Gottesman et coll., 1991). Ceci signifie qu’environ une fois sur deux des jumeaux monozygotes, génétiquement identiques, diffèrent pour la pathologie (c’est-à-dire que si l’un des jumeaux est atteint, le deuxième à 50 % de risque de l’être).
Une autre façon de faire la part entre une origine environnementale ou génétique a été donnée par les études d’adoption qui étudient des individus génétiquement prédisposés ou non à la schizophrénie et qui ne partagent pas le même environnement familial. Le but de ces études est de déterminer la contribution des parents adoptifs atteints ou non au développement de la schizophrénie chez l’enfant adopté prédisposé ou non. Ces études montrent que le risque de développer une schizophrénie est pratiquement le même pour des enfants de parents schizophrènes, qu’ils soient élevés par leurs parents biologiques ou adoptés à la naissance et donc élevés par des parents adoptifs. Pearson a développé une méthode statistique : la corrélation, qui traduit les ressemblances familiales en caractères mesurables. En utilisant cette méthode, Magnello démontre qu’il existe une corrélation entre le risque de développer la schizophrénie et le degré de parenté entre l’enfant adopté et le cas familial de schizophrénie (Magnello et coll., 1998).
Les résultats des études d’adoption sont en accord avec ceux des études de jumeaux. Ils mettent l’accent sur la contribution des gènes dans la prédisposition à la schizophrénie. En utilisant les différentes classifications des schizophrénies qui tentent de regrouper les symptômes, les études d’adoption ont montré que la maladie était plus fréquemment héritée sous sa forme la plus grave (Gottesman et coll., 1991).
L’ensemble des études d’agrégation familiale, de jumeaux et d’adoption montre l’existence d’une composante génétique dans la schizophrénie, les facteurs environnementaux qu’ils soient d’ordre biologique ou d’ordre socio-culturel contribuant au déclenchement de ce syndrome (Kendler et coll., 1994). La schizophrénie est un syndrome multifactoriel.
Le mode de transmission de la schizophrénie
Le mode de transmission de la schizophrénie n’est pas de type mendélien classique, c’est-à-dire ni autosomique dominant, ni récessif ni lié au chromosome X. Les hypothèses de transmission de la schizophrénie selon un mode autosomique dominant et récessif sont à exclure. On devrait trouver 50 % des enfants atteints en cas de transmission autosomique dominante et 25 % en cas de transmission récessive si les deux parents sont porteurs du gène malade ; ce qui n’est pas le cas pour la schizophrénie. L’hypothèse de transmission liée au chromosome X est également à exclure car on retrouve autant de garçons atteints que de filles atteintes dans les familles de schizophrènes. Les études d’agrégation sont plus en faveur de l’implication de plusieurs gènes dans le syndrome schizophrénique. De nombreux modèles impliquant plusieurs gènes ont été proposés. La transmission de ce syndrome est compatible avec un modèle multifactoriel qui combinerait les effets de plusieurs gènes ayant chacun un rôle équivalent mineur (Gottesman et coll., 1987). L’hypothèse de ce modèle polygénique est en accord avec les résultats des analyses de ségrégation. Dans ce modèle, l’héritabilité est estimée à 80 % environ, les 20% restant étant du à l’impact des facteurs environnementaux, ces derniers constituent donc une part non négligeable dans le développement du syndrome. Cependant ces études ne permettent pas de déterminer le nombre de gènes mineurs, ni leur mode de fonctionnement. Neel (1972), développe l’idée que l’un des gènes impliqués a un poids plus important (gène majeur) et combine ses effets à ceux de poids moins important (gènes mineurs) pour déclencher la personnalité schizotypique, la schizophrénie étant déclenchée par les facteurs environnementaux. L’existence d’un gène majeur unique ne peut cependant pas être exclue dans certaines familles (Gottesman et coll., 1987).
La schizophrénie est un syndrome multifactoriel à hérédité complexe. L’utilisation d’outils toujours plus performants en biologie moléculaire permet désormais de rechercher des gènes de prédisposition à la schizophrénie. Grâce au développement important d’outils d’exploration du génome, de nombreux marqueurs génétiques polymorphes ont été identifiés et sont utilisés de façon quotidienne dans l’identification d’association entre un marqueur et une maladie. Plus de 5000 de ces marqueurs ont été identifiés, recensés et ordonnés les uns par rapport aux autres par le Généthon (Weissenbach et coll., 1992 ; Dib et coll., 1996). Il est actuellement possible de mettre en place des technologies permettant d’analyser de manière fiable un très grand nombre de génotypes à partir de l’ADN génomique d’individus atteints et de leur familles.
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