Viabilité budgétaire, investissement public et croissance dans les pays à faible revenu, riches en ressources naturelles
Le renchérissement des produits de base durant ces dernières années a mis en évidence la question de la gestion optimale des recettes dans les pays en développement riches en ressources naturelles. Plus particulièrement, le choix stratégique entre épargner les recettes budgétaires tirées des ressources pétrolières pour lisser la consommation ou de les dépenser immédiatement pour stimuler la croissance a fait l’objet d’un examen approfondi, surtout compte tenu des dividendes de croissance que les investissements d’infrastructures sont susceptibles de générer. De récentes études analytiques (Collier et al., 2010; Gelb et Grasmann, 2010; Van der Ploeg et Venables, 2011; Arezki, Dupuy et Gelb, 2012; Baunsgaard et al., 2012; Berg et al., 2013) ont illustré de manière convaincante le rôle joué par les conditions propres à chaque pays, comme le volume des réserves de ressources, le rendement de l’investissement dans les actifs financiers, les paiements d’intérêts sur la dette, la gouvernance et l’efficacité de l’investissement public sur l’amplification des choix stratégiques. Ces études concordent pour conclure que l’utilisation précoce des revenus provenant des ressources naturelles pour accroître l’investissement public peut être bénéfique en fonction du contexte national.
Cela étant, il semble y avoir une lacune dans les ouvrages en termes des cadres généraux mais utilisables qui modélisent conjointement les idiosyncrasies et le comportement des indicateurs macro-budgétaires (comme le déficit primaire non pétrolier (DPNP) et les ratios d’endettement public) pertinents pour l’évaluation d’autres politiques d’investissement public possibles. Ce point est renforcé dans une récente étude du FMI (FMI, 2012), qui suggère d’évaluer les stratégies d’investissement public, en particulier celles qui s’appuient sur les revenus tirés des ressources naturelles, dans un cadre de viabilité budgétaire qui tienne compte des retombées de l’investissement public sur la croissance.
Dans le présent document, nous contribuons à combler cette lacune en examinant les conséquences d’une augmentation de l’investissement public sur la croissance sans compromettre la viabilité des finances publiques dans un pays en développement dont les réserves pétrolières s’amenuisent. Plus particulièrement, il s’agit de répondre aux questions connexes suivantes: i) dans quelles conditions peut-on justifier de s’écarter (temporairement) de la politique de lissage de la consommation; et ii) quelles sont les conséquences d’une telle stratégie sur la croissance et la viabilité budgétaire? Pour ce faire, nous utilisons un modèle d’équilibre général stochastique dynamique (EGSD) présentant un lien entre l’investissement public et la croissance ainsi qu’un traitement explicit de la dynamique de la dette. Berg et al. (2013) ont récemment élaboré un modèle similaire axé sur l’investissement public qui tient compte de la viabilité budgétaire dans les pays à faible revenu riches en ressources naturelles. Bien que le modèle présenté ici utilise une approche comparable, il se distingue du modèle de Berg en ce qu’il est adapté aux défis spécifiques à relever par le Cameroun en matière de finances publiques et de croissance. En particulier, si le ratio de la dette publique/PIB est relativement faible, la viabilité budgétaire peut être compromise si la trajectoire attendue du déficit primaire à moyen terme est dangereusement élevée, et il y a un risque que des déficits de financement successifs entraînent un cumul d’arriérés. De plus, les réserves budgétaires existantes sont relativement limitées, si bien que la nécessité de créer une certaine marge de manœuvre pour résister aux chocs exogènes et stimuler la croissance demeure une priorité. Compte tenu de ces défis, notre modèle accorde une attention particulière à l’évolution de la dette publique et à la trajectoire de la fonction de réaction de la politique budgétaire. Cette dernière est basée sur des règles (mesures automatiquement engagées en matière de recettes et de dépenses en fonction de l’activité économique), mais elle anticipe les chocs discrétionnaires (systématiques et imprévisibles) dans lesquels les réserves budgétaires jouent un rôle. Le modèle s’efforce donc de trouver le juste équilibre entre la nécessité de stimuler la croissance grâce à l’investissement public (complété par l’investissement privé), malgré des réserves budgétaires limitées et des ressources pétrolières qui s’amenuisent, et la nécessité de maintenir la dette à un niveau soutenable en contenant le déficit primaire.