La description de I’état de la matière se fait généralement selon deux approches différentes et complémentaires. L’une, macroscopique, relève de Ia thermodynamique classique. EIle est fondée sur I’étude des variables d’états telles que la pression, Ia température, le volume, etc., qui sont plus ou moins facilement accessibles par I’expérience. L’autre, microscopique, qui relève de la physique statistique, consiste à étudier le comportement dynamique des particules et à exprimer les grandeurs thermodynamiques en fonction de leurs coordonnées et de leurs vitesses.
Longtemps on a distingué trois états de la matière (solide, Iiquide et gazeux) selon des critères bien définis qui reposent sur la thermodynamique classique et l’étude des diagrammes de phases. Le diagramme , par exemple, permet de repérer aisément ces trois phases d’une substance. Les solides correspondent aux faibles températures, les gaz aux faibles pressions, et les liquides à des états de pressions et températures moyennes. Si au voisinage du point critique, il peut se produire des fluctuations de densité qui rendent opalescente une substance transparente, au-delà du point critique (fortes pressions et températures) il n’y a plus de frontière entre le liquide et le gaz,I’opalescence critique disparaît alors que certaines grandeurs thermodynamiques divergent en suivant des lois de puissance particulières.
Or cette classification traditionnelle des états de Ia matière en solides, liquides et gaz ne semble pas satisfaisante à bien des égards. En effet, elle ne laisse pas de place aux verres qui sont des solides mais possèdent les propriétés stmcturales d’un liquide, ou aux plasmas qu’on considère parfois comme un quatrième état de la matière. C’est pourquoi dans notre travail, nous préférons décrire directement les états de la matière qui nous intéressent en termes de variation des variables d’états et de leurs propriétés physiques. Dans cette optique, un solide chauffé à pression constante devient liquide lorsqu’il atteint sa température de fusion, puis devient gazeux lorsqu’il atteint sa température d’évaporation. Dans la transformation inverse, Ie gaz se condense. En continuant à réduire la température il peut passer éventuellement par des états intermédiaires comme i’état surfondu et l’état amorphe avant de cristalliser. Ce sont précisément les propriétés physiques des états surfondus et amorphes que nous étudierons dans ce travail. Contrairement au solide et au gaz,la description statistique de la structure et de la dynamique de l’état liquide, et a fortiori des états amorphes et surfondus, est encore relativement incomplète.
Classification standard de la matière
Dans les solides cristallins, les forces d’attraction sont suffsantes pour maintenir les atomes ou les molécules dans des positions fixes suivant un agencement régulier et périodique. En réalité, dans un cristal les particules ne sont pas immobiles mais vibrent autour de leurs positions d’équilibre. Dans un cristal idéal, Ies particules ont un empilement et une périodicité rigoureuse dont le type et la structure géométrique peuvent varier sensiblement d’un cristal à l’autre. Dans un empilement compact, chaque particule est en contact avec un certain nombre de voisines adjacentes correspondant au nombre de coordination. Dans la réalité, Ies cristaux ne sont pas parfaits, et la périodicité spatiale est perturbée par des défauts corùne les lacunes, Ies dislocations, des macles, etc., qui déterminent I’aspect extérieur et les propriétés physiques du solide. Ce sont la nature et Ia fréquence des défauts qui déterminent les propriétés mécaniques, électriques, magnétiques et optiques des solides. Pour une étude quantitative des solides cristallins, il existe un modèle de référence, le modèle harmonique, qui permet de prédire un grand nombre de leurs propriétés physiques.
Dans les gaz, les énergies d’interactions sont très faibles comparées à l’énergie cinétique des particules. La densité est également très faible de sorte que les particules n’entrent qu’occasionnellement en collision les unes avec les autres. Entre deux collisions, elles se déplacent pratiquement librement. Comme dans le cas des solides, on peut traiter les gaz par des méthodes de physique statistique, mais lorsque les interactions entre particules sont inconnues, on peut également utiliser I’approche macroscopique avec l’équation d’état des gaz parfaits pour décrire les propriétés thermodynamiques : PV : NkbT
où N est le nombre de molécules présentes dans Ie gaz et kb ( = 1.38 x 10⁻²³JK⁻¹) est Ia constante de Boltzmann. Pour la description d’un gaz réel, il faut tenir compte du volume propre des particules ainsi que de leurs interactions, en première approche. Pendant longtemps, le modèle du cristal idéal et le modèle du gaz parfait ont constitué Ies meilleures bases théoriques pour étudier les états solides et gazeux, tandis qu’il n’existait pas de modèle équivalent pour étudier les liquides. Depuis une cinquantaine d’années, les choses ont beaucoup évolué et aujourd’hui la théorie des liquides arrive à un point où elle permet de calculer de nombreuses propriétés des liquides simples. Le pas a été franchi lorsqu’on a reconnu que les atomes constituant le liquide pouvaient être assimilés à des sphères dures. D’ailleurs, ce simple modèIe, pour lequel I’interaction est infinie dans le coeur des atomes et nul à I’extérieur, permet déjà d’évaluer avec une bonne précision les grandeurs thermodynamiques et la structure statique des liquides. Pour décrire les propriétés thermodynamiques et structruales des mêtaux liquides qui constituent une classe de liquicles complexes étudiée dans ce travail, on peut également utiliser comme modèle d’ordre zêrole modèIe de plasma à un composant. Le plasma désigne ul système gazeux, électriquement neutre, constitué d’éIectrons libres et d’ions dont la densité peut varier dans de très grandes proportions. En pratique, l’état plasma est produit dans des conditions extrêmes, par exemple par des dédrarges électriques intenses dans des gaz portés à des températures de I’ordre de 10⁶ K. Le plasma le plus simple est celui d’hydrogène constitué d’électrons et de protons libres, en concentrations égales, que I’on rencontre dans les étoiles. Il est spécifié par sa constante de couplage définie par le rapport de l’énergie moyenne de Coulomb à l’énergie cinétique moyenne. Alors que les propriétés thermodynamiques d’un plasma faiblement couplé sont semblables à celles d’un gaz parfait, pour un plasma fortement couplé comme les électrons libres dans un métal liquide elles s’en éloignent sensiblement. Par ailleurs, les propriétés thermodynamiques des métaux liquides sont identiques à celles des gaz neutres mais ses propriétés éIectromagnétiques en diffèrent du fait de la présence des électrons en mouvement.
La difficulté qu’il faut surmonter dans l’élaboration d’une théorie complète de l’état liquide est qu’elle soit applicable au fluide sur la totalité du domaine de densité, et qu’elle décrive entre autres les êtats intermédiaires surfondus et amorphes qui précèdent Ia solidification.
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