LA PROFESSION DE SAGE-FEMME
Historique de la prise en charge des grossesses
La profession de sage-femme est l’une des plus vieilles du monde. Depuis toujours les femmes donnent la vie et l’accouchement restera pendant longtemps une affaire de femmes. Dans les villages, au XVI° siècle, les visites prénatales sont rares et la matrone, au courant de toutes les grossesses du village, est appelée au moment de l’accouchement. Dans les demeures, la matrone est souvent confrontée à l’indigence: l’eau, le bois pour cuire l’eau et réchauffer la chambre de l’accouchée, le linge propre et un bon éclairage font souvent défaut. Ce manque de préparation matérielle et morale à la venue de l’enfant est une caractéristique de l’accouchement de l’Ancien Régime. (1) La matrone du village, souvent âgée, était désignée par l’ensemble des femmes de la paroisse. Aucun certificat d’apprentissage n’était demandé. (2) On assiste à cette époque à des accouchements souvent longs et difficiles. Jusque là, il n’y avait pas de texte qui régissait la profession. Quiconque pouvait faire office de matrone
Ce n’est qu’en 1630, que quelques sages-femmes constituèrent un corps de métier reconnu officiellement (à la maternité de l’Hôtel Dieu) (3). Mais jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, il n’y eut que très peu de sages-femmes dans les provinces de France. La plupart des sages-femmes diplômées se trouvent dans les régions urbaines à la fin du XVII° siècle. (2) Il faudra attendre Mme Boursier du Coudray au XVIIIe siècle, qui grâce à son mannequin va former des sages-femmes dans toutes les provinces de France. La sage-femme devient alors maîtresse dans l’art des accouchements.
Jusque lors, les accouchements se faisaient au domicile de la patiente avec une matrone ou une sage-femme. En effet, l’hôpital n’était à cette époque qu’un lieu qui accueillait les pauvres, les vieillards, les vagabonds, les orphelins. Il n’avait pas encore vocation de soins médicaux. Il faut attendre la loi du 21 décembre 1941 pour que l’hôpital fasse de l’activité de soins sa mission prioritaire.
Mais trop de femmes mouraient encore des suites de l’accouchement, du manque d’hygiène, c’est pourquoi P. Strauss dans sa circulaire du 28 décembre 1927 préconise de : « poursuivre dans chaque département la création des institutions et des œuvres d’hospitalisation pour les femmes enceintes, pour les mères convalescentes de couches, pour les mères nourrices sans abri » .De même, dans un rapport au Comité national de l’enfance, L. Devraigne demandait la généralisation des consultations prénatales, la création d’une maternité par ville de plus de 10 000 habitants, une action dans les campagnes pour lutter contre les matrones, multiplier les postes de sagesfemmes instruites, créer de petites maternités, et agrandir les dortoirs pour femmes enceintes malades, mais précisait-il, « en aucun cas, ces dortoirs ne doivent se transformer en refuges ou asiles de femmes enceintes saines». La maternité ne saurait être un lieu de charité, en même temps qu’un mouroir sans pitié.
Dans l’entre-deux guerres, on observe une progression du nombre d’obstétriciens en clinique, les sages-femmes libérales se font progressivement employer comme salariées dans les cliniques et se retrouvent de fait sous la responsabilité des médecins. La mise en place de la Sécurité sociale a été une innovation fondamentale qui donnait à toutes les femmes un accès gratuit à la surveillance de la maternité. Cette surveillance, organisée et rendue obligatoire pour l’obtention des allocations familiales, fût le point de départ d’un suivi des grossesses plus médicalisé, réalisé par les médecins, puisque la déclaration de la grossesse devait se faire après un examen obstétrical et général que la sage-femme ne pouvait pratiquer. La prise en charge à 100 % de l’accouchement et d’un séjour de 12 jours à la maternité entraîna un nombre de plus en plus important de femmes vers les maternités. Le nombre de sages-femmes hospitalières se multiplia avec le développement des maternités et cela aux dépens des sages-femmes libérales. En 1950, il n’y a plus que 50% des femmes qui accouchent à domicile.
Dans les années 80-90, l’analgésie péridurale vient bouleverser la prise en charge de l’accouchement. On sait par ailleurs que 80% des femmes accouchent normalement. Pourtant 95% d’entre elles iront donner naissances à leurs enfants dans les grands centres médicalisés à la fin des années 90.
La fin du XX° siècle assiste à une prise en charge de la grossesse plus médicalisée entre la procréation médicalement assistée, le diagnostic préimplantatoire, le développement de la génétique, l’échographie, l’analgésie péridurale, la prise en charge des grands prématurés. Seul 1% des femmes accouchent à domicile.
Quelle place a la sage-femme aujourd’hui?
Définitions
La définition de la sage-femme a été ratifiée par la Confédération internationale des sages-femmes, l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S) et la Fédération Internationale des Gynécologues-Obstétriciens (F.I.G.O). Cette définition est la suivante : Une sage-femme est une personne qui a suivi un programme de formation de sage-femme reconnu dans son pays, a réussi avec succès les études afférentes et a acquis les qualifications nécessaires pour être reconnue en tant que sage femme. Elle doit être en mesure d’assurer la supervision et de donner les soins et les conseils nécessaires à la femme enceinte, en travail et en période post-partum, aider lors d’un accouchement sous sa propre responsabilité et prodiguer les soins aux nouveau-né et au nourrisson. Ces soins incluent des mesures préventives, le dépistage des conditions anormales chez la mère et l’enfant, le recours à l’assistance médicale en cas de besoin et l’exécution de certaines mesures d’urgence en l’absence d’un médecin. La sagefemme joue un rôle important en éducation sanitaire, non seulement pour les femmes mais aussi pour la famille et la communauté. Son travail doit inclure l’éducation prénatale et la préparation au rôle de parent, et doit s’étendre dans certaines sphères de la gynécologie, de la planification familiale et des soins donnés à l’enfant. La sagefemme peut pratiquer en milieu hospitalier, en clinique, à domicile ou tout autre endroit où sa présence est requise.
La profession de sage-femme est régie par les dispositions de l’article L.4151-1 du code de la santé publique. Le champ de compétence des sages-femmes est étendu grâce à la loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui précise que la déclaration de grossesse peut être effectuée par une sage-femme. Elles sont, en outre, habilitées à pratiquer l’examen postnatal si la grossesse a été normale et l’accouchement eutocique.
De plus, la sage-femme possède un rôle primordial dans l’accompagnement psychologique de la femme durant sa grossesse. Elle est l’interlocutrice privilégiée de la femme. Les relations à la mère, à l’enfant et au père vont se trouver modifiées. La grossesse en lui procurant des sensations physiques inconnues, des modifications physiologiques hormonales et aussi des émotions nouvelles remet en cause l’équilibre de la mère et des angoisses peuvent apparaître. Cela peut s’exprimer dans les visites prénatales, au moment de l’accouchement, pendant le séjour à la maternité ou au retour à la maison. La sage-femme peut, dans ses moments, comprendre ses appréhensions, calmer son anxiété et aider la mère à faire connaissance avec son bébé. (8) L’entretien prénatal individuel, identifié comme prioritaire par le plan de périnatalité 2005-2007, doit maintenant être proposé à tous les couples au premier trimestre de la grossesse. C’est un temps d’échange entre le couple et le professionnel. Il permet d’identifier ensemble les vulnérabilités et les potentialités du couple.
C’est dans une réelle proximité physique et psychologique avec la sage-femme, que les femmes retrouvent confiance en elles-mêmes, en leur compétence à donner la vie. C’est dans cet état de confiance, favorisé par la relation, que se crée un sentiment de sécurité intérieure .
La profession en quelques chiffres…
Au 1er janvier 2008, l’ordre national des sages-femmes dénombrait 21020 sagesfemmes inscrites au tableau. Parmi elles, 12090 sages-femmes exercent en secteur hospitalier, 2426 en clinique, 2084 sages-femmes exercent en libéral, 814 en Protection Maternelle et Infantile. (P.M.I) .
Même si les sages-femmes continuent à exercer pour le plus grand nombre en milieu hospitalier, le choix de l’exercice libéral augmente de façon régulière ces dernières années. En 1995, 1081 sages-femmes exerçaient en libéral, 1425 en 2000, en 2004, elles étaient 1812 ; Au 1er janvier 2007 le nombre de sages-femmes libérales est de 2768, soit une augmentation de plus de 27% en l’espace de trois ans.
Quelles sont les responsabilités médico-légales de la sage-femme ?
La sage-femme exerce une profession médicale selon l’article L.4151 du Code de la Santé Publique (C.S.P) avec droit de suivi, de diagnostic, de prescriptions et d’accouchement. Salariée ou libérale, elle est dotée d’une responsabilité pleine et entière lors d’un accompagnement global et peut donc être amenée à répondre de ses actes en cas de faute devant les juridictions compétentes. La responsabilité est le devoir de répondre d’un fait, c’est-à-dire en être garant. La responsabilité de la sage-femme peut être engagée non seulement sur le plan civil mais aussi pénal. La sage-femme ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, effectuer des actes ou donner des soins, ni formuler des prescriptions dans les domaines qui débordent sa compétence professionnelle ou ses possibilités.
Au plan civil
La responsabilité civile est l’obligation de réparer les dommages causés à autrui de son propre fait ou du fait de personnes, d’animaux ou de choses dont nous avons la responsabilité. L’inexécution d’une obligation, le retard à toute exécution de soin ou décisionnel, ou un comportement non adapté à des soins normaux, consciencieux et diligents, engagent la responsabilité civile.
Au civil, la prescription est de trente ans, repoussée à quarante huit ans en obstétrique pour le nouveau-né car la prescription est suspendue pendant la minorité des intéressés.
Dans un établissement public
Dans un établissement public, la cotisation pour une assurance en responsabilité civile n’est pas obligatoire. C’est l’assurance de l’hôpital qui couvre les sages-femmes à partir du moment où la faute est commise dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions et que ce n’est pas une faute détachable du service. Les demandes de dommages et intérêts sont faites contre les personnes morales administratives et non contre les sagesfemmes elles-mêmes.
Dans un établissement privé
Dans une clinique privée, si le dommage est dû à un défaut d’organisation ou de fonctionnement ou à une faute du personnel, la responsabilité de l’hôpital est engagée. Mais si le préjudice est dû à l’acte médical, la sage-femme est responsable.
En libéral
Les sages-femmes libérales mettent en jeu leur propre responsabilité. Pour les sages-femmes libérales utilisant un plateau technique, la responsabilité devient la même que pour un établissement privé, si le dommage est dû à un défaut d’organisation ou de fonctionnement ou à une faute du personnel, la responsabilité de l’hôpital est engagée, mais si le préjudice est dû à l’acte médical, la sage-femme est responsable.
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