Les données sismiques constituent une source d’information très importante pour guider la reconnaissance géologique du sous-sol entre les puits. Ceci tient, d’une part, au coût limité d’acquisition et de traitement des données sismiques par rapport au coût des forages, et d’autre part à la ‘bonne couverture spatiale du sous-sol que ce type de données assure (sismique 3D, en particulier).
Tout d’abord, les données sismiques sont utilisées dans le cadre de l’interprétation structurale, pour définir la géométrie des objets géologiques. On peut ainsi repérer les événements géologiques majeurs, tectoniques (faille, anticlinal…) ou sédimentaires (biseau stratigraphique … ). L’interprétation stratigraphique des données sismiques consiste ensuite en une analyse qualitative des variations morphologiques du signal sismique entre deux horizons majeurs, afin d’en fournir une interprétation géologique. Ces deux types d’interprétation des données sismiques (interprétations structurale et stratigraphique) interviennent généralement aux stades de découverte ou d’appréciation d’un gisement.
Récemment, suite aux progrès effectués dans les domaines de l’acquisition et du traitement des données sismiques, un troisième type d’interprétation a été développé: l’interprétation lithologique des données sismiques. Cette interprétation, qui intervient généralement au stade de développement d’un gisement, est beaucoup plus fine que les interprétations structurale ou stratigraphique. Elle repose sur une analyse quantitative des amplitudes sismiques : on cherche à interpréter une petite portion de trace sismique, focalisée le plus souvent au niveau de l’intervalle réservoir, en terme d’information lithologique ou pétrophysique (porosité, contenu en fluides…). Cette interprétation est souvent complexe, du fait des relations indirectes existant entre les propriétés géologiques d’un ensemble de couches constituant le réservoir et la réponse sismique de ce réservoir, ainsi que suite à la bande passante limitée des données sismiques. Mais compte tenu de la très bonne répartition spatiale des données sismiques, l’information obtenue est très intéressante, et peut notamment fournir des contraintes supplémentaires dans le cadre de simulations probabilistes de modèles de réservoir
L’interprétation qualitative (ou calibrage qualitatif) est associée à la notion de faciès sismique, formalisée pour la première fois par Mitchum et al. (1977). Un faciès est un ensemble de traces présentant des caractéristiques communes, du point de vue par exemple de l’énergie, de la fréquence apparente, de la continuité des réflexions … Dans beaucoup de cas, cette morphologie identique traduit un même environnement géologique de dépôt. Le calibrage qualitatif consiste donc à interpréter géologiquement (lorsque c’est possible) les faciès sismiques à l’aide des données géologiques disponibles aux puits. Ce genre d’étude a rapidement mis en évidence certains problèmes.
Tout d’abord, il est apparu nécessaire de mieux qualifier le caractère sismique en recherchant, en particulier, les attributs sismiques les plus discriminants par rapport au problème géologique posé.
D’autre part, il est important de pouvoir automatiser la recherche des faciès sismiques, du fait, entre autres, du grand volume de traces à analyser (sismique 3D, par exemple). Des techniques statistiques de reconnaissance des formes ont donc été utilisées. Les traces sismiques, analysées au niveau de l’objectif, sont représentées comme des points dans l’espace multivariable généré par les attributs sismiques. Des méthodes de classement, avec ou sans apprentissage, sont ensuite appliquées dans cet espace pour regrouper les traces de morphologie voisine au sens des attributs considérés.
Les attributs peuvent être calculés à partir de la représentation temporelle ou de la représentation fréquentielle des traces sismiques. Il existe un certain nombre d’attributs classiques, comme les amplitudes à des temps donnés, l’énergie totale de la trace ou bien les quantiles de la distribution temporelle de l’énergie (Dumay et Fournier, 1988). D’autres attributs sismiques ont été développés, comme les composantes principales calculées sur un ensemble de paramètres sismiques (Hagen, 1982), les coefficients autorégressifs (Bois, 1980, 1981), les quanti les de la distribution des amplitudes du spectre de puissance (Sinvhal et Khattri, 1983, Sinvhal et al., 1984) … On trouvera une synthèse assez complète des différents attributs sismiques utilisables dans l’article de Justice et al. (1985).
Deux approches utilisant des méthodes statistiques de reconnaissance de formes ont été développées pour déterminer les faciès sismiques : la méthodologie sans apprentissage et la méthodologie avec apprentissage.
La méthodologie sans apprentissage consiste à appliquer des méthodes statistiques de classification automatique dans l’espace des attributs sismiques, afin de déterminer des classes de traces homogènes (Lendzionowski et al., 1990). On utilise alors, a posteriori, l’information disponible aux puits pour interpréter géologiquement les faciès sismiques ainsi obtenus.
La méthodologie avec apprentissage consiste à appliquer des techniques d’analyse discriminante. On choisit tout d’abord, parmi toutes les traces sismiques, un ensemble de traces (dites traces d’apprentissage) typiques des diverses réalités géologiques connues sur le champ étudié. Ces traces peuvent être des traces sismiques réelles sélectionnées au voisinage de puits typiques (Dumay et Fournier, 1988). Mais on peut aussi prendre des traces sismiques synthétiques (Kubichek et Quincy, 1985).
Dans une première phase, on applique des techniques d’analyse discriminante sur l’ensemble des traces d’apprentissage, pour rechercher les attributs sismiques séparant le mieux les groupes (ou faciès) de traces typiques d’une même réalité géologique. Dans une seconde phase, les traces sismiques ne faisant pas partie de l’ensemble d’apprentissage sont affectées à ces différents faciès.
On obtient alors une carte de faciès sismiques directement interprétée géologiquement, l’information géologique ayant gouverné la formation des faciès.
Les donnés sismiques (amplitudes, impédances … ) peuvent être directement intégrées dans des modèles de réservoir (Doyen et al., 1988). Mais cette approche n’est applicable que dans le cas d’environnements géologiques simples. Le plus souvent, un calibrage quantitatif avec l’information aux puits permet l’extraction de paramètres réservoirs (tels que la porosité moyenne) à partir des traces sismiques. Remarquons au préalable qu’un calibrage qualitatif peut fournir de l’information quantitative: chaque faciès sismique peut être caractérisé par la porosité moyenne ou le pourcentage moyen de lithologies, calculés sur les puits correspondant à la réalité géologique décrite par ce faciès (Thadani et al., 1987, Fournier, 1989).
Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour obtenir une telle information géologique quantitative. Une de ces méthodes consiste à appliquer des relations physiques existant entre les données sismiques et les variables géologiques pour prédire ces dernières. On peut ainsi utiliser la formule de Wyllie, qui fournit les porosités moyennes en fonction des temps de transit ou des impédances au niveau du réservoir (Ange1eri et Carpi, 1982). Toutefois, cette formule n’est applicable que sous l’hypothèse que le contenu en fluide et la lithologie au niveau du réservoir sont connus entre les puits. Ceci n’est valide que dans le cas d’environnements géologiques très simples, ce qui limite l’intérêt de cette méthode. Par ailleurs, des relations empiriques entre attributs sismiques et variables géologiques peuvent être établies par des techniques statistiques de calibrage. Ces techniques sont, en général, la régression linéaire (Stanulonis et Tran, 1992) ou l’analyse canonique (Fournier et Derain, 1992-a). Ces méthodes statistiques ne permettant que la recherche de relations linéaires entre les attributs sismiques et les variables géologiques, Fournier et Derain (1994) ont appliqué ces techniques sur chacun des faciès sismiques obtenus par calibrage qualitatif, à condition que le nombre de puits associés à ces faciès soit suffisant.
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION |