C’est dans les années 1925 que le chirurgien Victor Veau, qui opère les enfants atteints de division palatine à l’hôpital Saint Vincent de Paul (Paris), fait appel à Mme BorelMaisonny, grammairienne et phonéticienne de formation. Le chirurgien, dans sa recherche de l’amélioration de sa technique chirurgicale, accorde une attention constante à la qualité de la parole de ses patients opérés. Il confie alors à Mme Borel la tâche d’aider les enfants opérés à trouver une voix et une articulation meilleures. C’est cette rencontre qui est à l’origine de l’essor de l’orthophonie en France. « Analyser et comprendre les troubles phonétiques typiques de fentes palatines, leur apporter une classification, inventer leur traitement, pouvoir accéder à une évaluation objective, c’est la problématique à laquelle se trouve confrontée Suzanne Borel quand elle commence à travailler dans ce service de chirurgie. » Ces travaux permettent la première communication scientifique mondiale sur la fermeture du voile, en 1929. On y retrouve notamment, dans les « éléments du pronostic fonctionnel de la staphylorraphie » (suture chirurgicale d’une fente du voile du palais):
– L’âge de l’enfant et la nature de la division palatine,
– L’intelligence de l’enfant et de ses parents,
– L‘acuité auditive de l’opéré.
Ainsi, ce dernier point était déjà mentionné et montre l’importance accordée à la gêne que constituent les troubles otiques. En effet, les enfants opérés de fente palatine sont particulièrement sujets aux otites séreuses, notamment à cause d’un mauvais fonctionnement de la trompe d’Eustache.
Aujourd’hui, d’un point de vue orthophonique, ces troubles auditifs sont peu pris en compte dans le suivi des enfants et la rééducation. En effet, si le rôle d’information, de guidance parentale et de personnalisation du travail linguistique et phonétique de l’enfant est bien connu, la prise en compte d’une hypoacousie de transmission l’est beaucoup moins. Pourtant, une perte auditive fluctuante a des conséquences sur la façon dont l’enfant perçoit les sons et sur son acquisition de la langue, à l’âge où celui-ci se structure sur les plans linguistique et cognitif.
L’idée de départ de ce travail est donc que ces enfants souffrent d’otites séreuses asymptomatiques qui affectent leur acuité auditive, et qu’en conséquence cette hypoacousie handicape la construction de leur système langagier.
Le voile du palais
Définition et anatomie
Le voile du palais ou palais mou est une cloison musculo-membraneuse, mobile et contractile, qui prolonge en arrière le palais osseux. C’est un véritable sphincter mis en jeu dans la déglutition et dans la phonation. Le sphincter vélo-pharyngé est un système d’occlusion de l’ « isthme pharyngo-nasal ». Il sépare l’axe respiratoire (fosses nasales et rhinopharynx) de l’axe digestif (cavité buccale et oropharynx). Il oriente le flux phonatoire vers le nez pour les voyelles nasales et vers la cavité buccale pour les voyelles orales. Il verrouille la cavité phonatoire pour les consonnes.
Les muscles du complexe vélo-pharyngé :
– Le muscle tenseur du voile du palais (ou muscle péristaphylin externe) : Il est inséré au niveau de la base du crâne, se coude au niveau du rocher ptérygoïdien et se termine au niveau de l’aponévrose palatine. Il est composé de deux couches :
– une couche superficielle qui a une action exclusivement vélaire : elle tend le voile du palais ; – une couche profonde qui a une action exclusivement sur l’ouverture de la trompe d’Eustache (trompe auditive).
– Le muscle élévateur du voile du palais (ou muscle péristaphylin interne) : Il est tendu de la base du crâne à la face dorsale du voile. Il élève le voile en l’attirant vers le haut, formant le mécanisme de clapet de l’occlusion vélo-pharyngée. Cette action est primordiale dans la phonation. De plus, il ouvre la trompe d’Eustache.
– Le muscle palato-pharyngien (ou pharyngo-staphylin) appartient à la musculature du pharynx. En haut, il s’insère par trois chefs, et se termine en éventail par deux chefs. Ces muscles jouent un rôle essentiel dans la physiologie vélaire. En rapprochant les deux arcs palato-pharyngiens, ils contribuent à la fermeture du sphincter vélo-pharyngé durant la déglutition, empêchant le passage d’aliments vers le rhinopharynx et la cavité nasale.
– Le muscle palato-glosse (ou glosso-staphylin): muscle fixateur de la langue, il est tendu de l’aponévrose palatine au bord latéral de la langue et au septum lingual. Il rétrécit l’isthme du gosier, élève la base de langue et joue un rôle de rappel du voile. Précisons que c’est le muscle de la déglutition.
– Le muscle uvulaire (ou muscle de la luette) est pair et médian. Il élève et raccourcit l’uvule palatine.
Physiologie
On parle généralement de complexe vélo-pharyngé. Le sphincter vélo-pharyngé ferme l’isthme pharyngo-nasal :
– par un mouvement de clapet vélaire,
– par un mouvement de sphincter.
Les muscles les plus importants pour la physiologie vélaire sont le muscle élévateur du voile et le muscle palato-pharyngien. Ces deux muscles travaillent en synergie avec le muscle constricteur supérieur du pharynx afin de former un véritable sphincter vélopharyngé. La mobilité vélaire est capitale dans la phonation, mais aussi dans la déglutition et la respiration. L’intervention du voile dans l’aération de l’oreille moyenne est également primordiale car elle assure l’ouverture de la trompe d’Eustache.
L’occlusion vélo-pharyngée se modifie de la naissance à l’âge adulte. Cette transformation des éléments intervenant dans la phonation mais également dans la déglutition est en relation étroite avec la maturation de leur commande nerveuse centrale. Ceci explique l’étroite synergie de fonctionnement existant entre le voile et les autres éléments impliqués dans ces deux fonctions.
Les différentes fonctions du voile
Le rôle du voile dans la phonation
Le voile effectue une gymnastique impressionnante pour que la chaine parlée puisse être émise, faite de phonèmes oraux et nasaux, ce qui implique de nombreux passages de l’occlusion à l’ouverture ou vice-versa, dans un temps très court (de l’ordre de 1/100ème de seconde). Les différents muscles du voile sont impliqués de façon très diverse dans la phonation. Dans l’articulation, le voile et la paroi pharyngée sont les premiers à entrer en action. Le vélo-pharynx reste dans cet état, de telle sorte que de très faibles oscillations suffisent pour fermer ou ouvrir le cavum. L’émission de phonèmes fait intervenir une impulsion laryngée initiale, modifiée par les cavités supra-glottiques qui jouent le rôle de filtre et de résonateur. Le larynx fonctionne comme un interrupteur périodique d’air expiré. La fréquence des sons émis dépend de la pression sous-glottique laquelle est fonction de la tension des cordes et de l’effort des muscles expirateurs. Le son est par ailleurs caractérisé par son timbre dont la richesse en harmoniques varie avec les formes des résonateurs. Un deuxième élément aussi important intervient dans la qualité du timbre : c’est son aspect vocalique dépendant des cavités de résonance. Selon qu’il existe ou non une vibration des cordes, on distingue des phonèmes sonores et des phonèmes sourds.
Le degré d’occlusion vélo-pharyngé détermine leur caractère oral et nasal et la position de la langue, leur type dental, prépalatal, médiopalatal ou vélaire, tandis que la position des lèvres induit leur caractère labial ou labio-dental.
Le mécanisme respiratoire fournit l’apport énergétique nécessaire à la mise en vibration de ces cavités ouvertes, mais l’efficacité de ce système est largement tributaire des résistances fournies à la colonne d’air par les mouvements vélaires et le degré d’occlusion vélo-pharyngée. Si le voile joue un rôle essentiel dans le timbre de la voix, modifiant la forme et la dimension des résonateurs, son rôle est au moins aussi important dans l’émission des consonnes qui nécessite un gradient de pression largement dépendant de l’occlusion vélo-pharyngée (la description des phonèmes sera abordée ultérieurement). Le voile du palais joue également un rôle dans la voix : le timbre de la voix peut être modifié lors d’une participation anormale du voile du palais dans l’émission de la parole. Nous serons donc devant une situation physiologique appelée rhinolalie, qui est synonyme de déperdition (ouverte) ou d’empêchement (fermée) de l’air expiré dans la phonation ; le symptôme est le nasonnement.
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