Les apports potentiels de la biologie synthétique
La connaissance des réseaux génétiques n’est pas nouvelle, si l’on considère que l’Homme a pratiqué des sélections animales et végétales depuis des milliers d’années et qu’il sait depuis peu modifier directement le patrimoine génétique de divers organismes. En revanche, ce qui différencie la biologie synthétique de l’ingénierie génétique, c’est la volonté de créer des systèmes génétiques à partir de blocs standardisés et interchangeables, à l’image des circuits électroniques et de leurs composants (Figure 4). Ces blocs peuvent être des séquences d’ADN codantes, des promoteurs, des sites de fixation du ribosome (RBS), des terminateurs ou tout autre séquence ADN utile à la construction de circuits génétiques. Les « biobricks », développées et stockées au sein du MIT (Massachusetts Institute of Technology), sont un type de standardisation (French et al. 2011). Ainsi, tous les ans depuis 2005 une compétition (International Genetically Engineered Machine, iGEM) est organisée par le MIT afin de démontrer le potentiel de l’approche synthétique de la biologie. J’ai eu la chance d’y participer en 2009. L’étude menée par Wang et al. en 2012 est l’exemple type de l’application du concept « biobricks » afin d’améliorer la qualité des biosenseurs cellulaires utilisés dans des environnements complexes (Wang et al. 2012).
Ce groupe a élaboré un circuit génétique capable de détecter et d’intégrer trois signaux environnementaux (l’arsenic As3+, le mercure Hg2+ et le cuivre Cu2+) et d’améliorer significativement le rapport signal sur bruit. Le circuit se divise en deux modules répartis sur deux populations cellulaires d’Escherichia coli. Chaque module est l’équivalent d’une porte logique « ET » en électronique (Figure 5A). La première porte logique est constituée des deux gènes hrpR et hrpS, et d’un promoteurs, PhrpL, provenant du système hrp (hypersensitive response and pathogenecity) de Pseudomonas syringae. Les gènes hrpR et hrpS codent deux protéines régulatrices qui vont s’associer pour former un hétérodimère qui activera le promoteur hrpL. En amont de hrpR et hrpS ont été placés respectivement les systèmes génétiques synthétiques ArsR‐ParsR et MerR‐PmerT , activables respectivement par l’arsenic et le mercure. En présence d’arsenic As3+, ArsR exprimé de manière constitutive, lève la répression du promoteur ParsR et entraine l’expression de hrpR. En présence de l’ion mercurique Hg2+, MerR, exprimé de manière constitutive, se lie au promoteur PmerT et entraine l’expression de hrpR. Le promoteur hrpL, quant à lui, contrôle l’expression du gène luxI qui code une enzyme permettant la synthèse d’une molécule de quorum‐sensing, la 3‐ oxohexanoyl‐homoserine lactone (3OC6HSL), capable de diffuser librement à travers la membrane cellulaire.
La seconde porte logique est constituée du même système génétique hrpR‐hrpS‐ PhrpL, mais dont l’expression des gènes hrpR et hrpS a été placée sous le contrôle des promoteurs PluxI et PCusC respectivement. PluxI est activé par la lactone (3OC6HSL) tandis que PCusC est activé par la protéine CusR (naturellement présente chez E.coli) en présence de cuivre (II). Le promoteur PhrpL contrôle ici l’expression du gène rapporteur rfp codant une protéine fluorescente rouge. Ainsi, la population de cellule possédant la première porte synthétisera la molécule 3OC6HSL uniquement en présence d’As3+ et de Hg2+, qui activera le promoteur PluxI de la seconde porte présente au sein la seconde population de cellule. Si l’ion Cu2+ se trouve également dans le milieu, alors la protéine RFP sera synthétisée. Ce qui peut se resumer par la formulation logique suivante : Si (As3+) et (Hg2+) et (Cu2+) alors (RFP) ou ( As3)∧(Hg2)∧(Cu2)⇒(RFP) Comme le montre la Figure 5B, l’implémentation chez E. coli de cette porte logique ternaire fonctionne bien, la production de fluorescence est obtenue uniquement lorsque les trois métaux sont présents. De plus, le faible bruit « noir » (signal en l’absence d’au moins un métal) a été obtenue en ajustant l’affinité des sites de fixation des ribosomes (RBS) de chacun des promoteurs utilisés en fonction de leur réponse native respective. Le promoteur ParsR a été couplé à une séquence RBS (rbs30) dite « très forte », le promoteur PCusC a une séquence RBS (rbs31) « forte », le promoteur PmerT a une séquence RBS (rbs32) « faible », et le promoteur PluxI à une séquence RBS (rbs33) « très faible ». Ainsi, la sensibilité et l’intensité de la réponse native de ces promoteurs a été modulée pour diminuer le signal de fluorescence en l’absence d’un métal et pour l’accroitre lorsque les trois métaux sont présents. Le niveau de réponse des promoteurs peut aussi être ajusté en variant la quantité de protéine régulatrice présente dans le cytoplasme. Typiquement, en augmentant la quantité de protéine ArsR, la sensibilité du senseur diminuait.
La spectrométrie optique sur gel de silice hybride
Dans ce travail, les gels ont été étudiés par spectroscopie UV‐Visible entre 300 et 900nm, afin de caractériser les transformations cristallochimiques des particules de nontronite, immobilisées ou non dans des GSH, et après incubation en présence de bactéries. L’excellente conduction optique des gels permet de travailler directement. L’utilisation de réflexion diffuse UV‐Vis sur poudre est largement répandue en minéralogie et dans l’industrie des matériaux, afin de caractériser le statut de métaux de transition comme le fer dans des échantillons minéraux (e.g. oxydes de fer) ou pour évaluer les propriétés optiques de certaines matières minérales (Delineau, 1994 ; De Donato, 1993). Dans le cas présent, la relative transparence et la bonne conduction optique des GSH permettent d’acquérir des spectres électroniques en transmission des particules de nontronites dispersées dans la matrice siliceuse (Esnault, 2010). L’absorbance est mesurée in vitro et in vivo sans être obligé de sécher ou de réduire en poudre le gel de silice. Avec la connaissance du volume du gel, de la concentration en particules et du trajet optique, la loi de Beer‐Lambert s’applique simplement. Les modifications des transitions électroniques des GSH après traitement biologique ou chimique sont analysées en transmission par spectrométrie d’absorption UV‐Vis dans le but de caractériser l’évolution du statut du fer dans la structure des nontronites NAu‐2. Les spectres UV‐Visible ont été enregistrés grâce au spectrofluorimètre Xenius FLX (SAFAS) entre 300 et 800 nm. Dans cette gamme spectrale, les spectres obtenus résultent principalement de processus d’absorption sélective des photons incidents en fonction des caractéristiques minéralogiques et chimiques des particules. Les bandes d’absorption obtenues sont liées à des absorptions sélectives des photons, en fonction des caractéristiques chimiques des particules de nontronite. Les transitions électroniques du fer(III) génèrent des bandes d’absorption intenses entre 340 et 600 nm. Elles résultent principalement des transitions électroniques :
‐ des orbitales 3d des ions : Fe2+ (4s0, 3d6) Fe3+ (4s0, 3d5)
‐ entre ligands et métal (O‐Fe) ou entre metal‐métal au sein des sites octaédriques et tétraédriques.
Les spectres d’absorption obtenus sont aussi perturbés par des phénomènes complexes de réflexion et diffraction du rayonnement au sein du gel, dus aux propriétés texturales du réseau de silice (tortuosité, porosité et arrangement des agrégats) et au changement d’indice de réfraction aux interfaces silice‐eau. On constate ainsi une augmentation progressive de la ligne de base en‐deçà de 400 nm, bien visible sur des gels enrichis avec une smectite non ferrifère de type montmorillonite (Oulkadi 2013).
Les plans d’expériences pour la production de données tri-linéaires
Le plan d’expérience permettant la production de données trilinéaires relatives est décrit par la Figure 15A et a été réalisé au sein d’une microplaque Eppendorf PP 96 puits noir stérile. A l’aide du système de pipetage automatique Eppendorf epMotion 5070, 200 l de milieu DCAA sont distribués dans chacun des 84 puits, puis à partir d’une solution de FeCl3 à 6 mM (préparée dans du milieu DCAA dépourvu de MgCl2 et K2HPO4), une dilution en cascade d’un facteur trois est effectuée entre les colonnes 1 et 12 afin d’obtenir la gamme de concentration en fer désirée. En parallèle, les souches LIEC01 et LIEC08 ont été pre‐cultivées dans 3 ml de milieu LB contenant 500 mg/l kanamycine pendant 12h à 37°C (agitation 250 rpm ; Thermo Scientific MaxQ 4000) puis rincée deux fois dans du milieu DCAA. La DO600 a ensuite été ajustée à 1. À l’aide du système de pipetage automatique, chacune des souches a été distribuée selon le ratio (xx :yy) décrit dans la Figure 15 pour une DO600 finale de 0,1. La microplaque a ensuite été incubée à 37°C sous une faible agitation (130 rpm) pendant 24h à l’aide du dispositif décrit précédemment (figure 3). Afin d’étudier l’impact de la présence de pyoverdine sur le comportement du système génétique bfrB/pvdA, la même expérience a été réalisée avec les souches P. aeruginosa PAO1 ΔpvdA bfrBE2Orange (LIEC03) et P. aeruginosa PAO1 ΔpvdA pvdA‐dsRed express2 (LIEC10).
Liste des abréviations
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