L’attention
Davidson et Powell (1986) relèvent que « la plupart des connaissances scolaires de la plupart des enfants est acquise à l’école ». Ainsi les enfants qui ne sont pas attentifs pendant les enseignements ne les apprennent que partiellement, voire pas du tout » (p. 29). De même, Houart et Romainville (1998) décrivent l’attention comme un processus de base nécessaire aux apprentissages. Pouhet (2005) ajoute que l’attention est intimement liée à l’état physique du sujet (fatigue, maladie, humeur) ainsi qu’à sa motivation. L’attention peut être décrite comme « un état d’esprit dans lequel l’individu se place volontairement pour recevoir de l’information et la gérer, comme une ressource attribuée à des processus mentaux et facilitant la sélection d’informations ou encore comme un processus qui choisit certaines informations et en ignore d’autres » (Poissant, Falardeau & Poëlhuber, 1993, p. 290). Pouhet (2005) l’exprime en terme de : focalisation de l’esprit sur une tâche, sélection des stimuli pertinents pour cela et inhibition des autres, à savoir lutte contre les distracteurs exogènes et endogènes. L’attention peut être focalisée sur une ou plusieurs tâches ainsi que brève ou maintenue.
Elle est toujours plus ou moins coûteuse sur le plan cognitif et limitée. Elle peut être « rappelée à l’ordre ». Par rapport à l’attention des élèves en classe, Houart et Romainville (1998) avancent que l’attention « peut être définie comme le processus par lequel une personne détermine ses priorités de traitement de l’information. …Faire attention au message de l’enseignant en classe, c’est l’isoler des perturbations de l’environnement extérieur et intérieur, volontairement ou parce que celui-ci nous interpelle. …Plutôt que de dire que l’élève n’a pas été attentif, on devrait plus prudemment affirmer qu’il n’a pas été stimulé à traiter de manière prioritaire le message de l’enseignant » (p. 44). Il s’agit donc d’un processus interactif. L’attention est difficile à appréhender par l’observation directe. Pour de nombreux élèves, elle évoque différentes représentations comme une attitude adéquate (bien se tenir), un traitement de l’information (écouter, participer, répondre), une compréhension et une réflexion. Pour beaucoup d’autres, décrire l’attention revient à la paraphraser : écouter attentivement, se concentrer (Houart & Romainville, 1998). Une façon de permettre aux élèves d’appréhender l’attention est de définir les critères comportementaux observables qui la caractérisent ou la permettent. Plusieurs études ont « prouvé l’association entre le temps passé sur la tâche et la réussite des élèves » (Denham & Lieberman, 1980, Karweit, 1984, Stallings, 1980, cités par Davidson & Powell, 1986, p. 29). Il est cependant illusoire d’espérer des élèves qu’ils soient attentifs lors de chaque cours, tout au long de la journée, ce dont la plupart des adultes seraient incapables d’ailleurs. Pour ce qui est d’engager l’attention des élèves, l’ensemble des auteurs abordés relève l’importance de l’intérêt des élèves, de leur motivation. Houart et Romainville (1998) privilégient l’approche métacognitive, « c’est-à-dire une approche qui vise à développer la prise de conscience, l’analyse et la régulation, par l’élève lui-même, de ses manières d’apprendre et l’enrichissement de celles-ci par la confrontation avec ses pairs » (p. 50). Selon Poissant et al. (1993), l’attention en classe est favorisée par la réduction des difficultés et la formulation d’objectifs précis, partagés avec les élèves. Au niveau de propositions d’aide aux élèves souffrant de troubles de l’attention, Pouhet (2005) cite l’action sur l’environnement en facilitant l’inhibition des stimuli non pertinents. En ce sens, il conseille que la pièce soit dépouillée et que l’enfant puisse travailler sans être dérangé et au calme, tous les distracteurs devant être supprimés.
La perception
Selon Viau (2009), les perceptions sont des jugements. Ils se portent sur les événements, les autres et soi-même. Il s’agit d’un processus interprétatif du vécu, souvent inconscient, qui s’appuie sur les connaissances et qui « génère un savoir que notre mémoire emmagasine et qui, au fil du temps, nous amène à créer notre propre image du monde et de nous-mêmes » (Viau, 2009, p. 22). La perception est ainsi subjective mais selon l’auteur, « il n’existe pas de fausses perceptions, car elle correspondent à ce que nous pensons réellement. Toutefois, vu leurs caractères subjectif et interprétatif, elles peuvent être réalistes ou irréalistes » (Viau, 2009, p. 23). L’auteur distingue deux types de perceptions : les générales, comme l’estime de soi ou être bon à l’école, et les spécifiques. Ces dernières sont relatives au contexte et dans celui de l’école, elles font références aux matières ou aux activités pédagogiques. L’auteur en repère trois, à savoir les perceptions de la valeur de l’activité, de sa compétence et de sa contrôlabilité. Les perceptions spécifiques « exercent une influence importante sur la dynamique motivationnelle de l’élève » (Viau, 2009, p. 24). En effet, selon les perceptions qu’a l’élève de l’activité en cours, il choisira de s’y engager ou pas, de persévérer, « et ce, dans le but d’apprendre » (Viau, 2009, p. 12). La perception d’une même situation « dépend du stimulus, du contexte et de l’apprentissage, facteurs qui changent son interprétation en fonction d’autres informations dont dispose le sujet » (La perception n.d. para 2). L’activité pédagogique entre dans ce cadre. Elle est un facteur primordial dans les perceptions de l’élève puisque susceptible de déclencher la dynamique motivationnelle (Viau, 2009). La perception projective tient compte des idées que se fait un individu d’une situation ; il s’agit d’une anticipation de ce qui pourrait être perçu dans cette situation. La perception actualisée concerne la compréhension d’une situation lorsque celle-ci vient juste de s’achever. La perception différée se rapporte à l’interprétation d’une situation alors que celle-ci est terminée. Une façon d’y accéder est d’utiliser des traces audiovisuelles.
Entretiens en autoconfrontation
L’image audiovisuelle est le support principal des entretiens en auto confrontation qui peuvent être simples ou croisés. Ils s’appuient sur l’hypothèse que plus les traces sont nombreuses, plus la personne sera en mesure de revivre avec précision la situation filmée. L’autoconfrontation simple réunit une seule personne et le chercheur, alors que l’autoconfrontation croisée en rassemble plusieurs. Lors des entretiens en autoconfrontation simple, qui seront utilisés dans cette recherche, le chercheur guide plus ou moins intensément le visionnement, dans son déroulement chronologique. Il « incite l’acteur à décrire ce qu’il faisait, pensait, prenait en compte pour agir, percevait ou ressentait, afin de reconstituer ses actions, communications, interprétations, focalisations et sentiments dans la situation. Les questions portent sur la description des actions et évènements vécus » ( Guérin, Riff & Testevuide, 2004, p. 16). Selon Boubée et Tricot (2011), l’autoconfrontation est une observation différée qui possède l’avantage de ne pas interrompre l’activité, de replacer la personne dans le contexte de son activité et de suppléer aux défaillances de la mémoire. Ses inconvénients sont un coût élevé en temps pour les participants et le fait qu’elle « n’évite pas entièrement les questions sur la « sincérité » ou encore l’introduction d’une cohérence dans les actions, relevées généralement dans toutes les pratiques » (Boubée & Tricot, 2011, p. 128). L’entretien en autoconfrontation exige un effort réflexif et une verbalisation des observations, qui s’adressent à la personne elle-même et au chercheur. L’autoconfrontation s’attache à l’activité de l’individu, qu’il s’agit de différencier de la tâche. La tâche se situe au niveau du prescrit alors que l’activité se trouve elle au niveau de l’action. En outre, « ce qui se fait, que l’on peut considérer comme l’activité réalisée, n’est jamais que l’actualisation d’une des activités réalisables dans la situation où elle voit le jour » (Clot, Faïta, Fernandez & Scheller, 2001, p.18).
Recherche collaborative
La particularité de ma recherche est son côté collaboratif, c’est-à-dire que les élèves ne sont pas les objets de la recherche, mais les sujets de celle-ci. Cela signifie que certains aspects de la recherche ont été construits ensemble, alors que d’autres ont été imposés. En outre, mon intérêt a principalement porté sur ce qu’eux-mêmes pouvaient observer de leurs comportements et sur l’analyse qu’ils ont amenée de leurs expériences ; mon rôle était ici essentiellement de cadrer la pensée, de relancer la réflexion, d’animer. Cet aspect collaboratif a impliqué qu’avant même de débuter quoi que ce soit, j’ai expliqué aux élèves, de manière générale, ce que je souhaitais expérimenter, à savoir leur perception de l’influence de la musique sur leur attention en classe. J’ai ensuite passé en revue les étapes par lesquelles nous passerions, en insistant sur le fait que les traces audiovisuelles ne seraient pas utilisées à leur encontre. J’ai obtenu leur accord pour s’engager sérieusement dans cette recherche. J’ai en outre demandé aux parents de signer une autorisation de filmer en classe (annexe 1). J’ai finalement demandé à trois élèves leur accord pour être les acteurs de la dernière partie de la recherche, celle-ci ne pouvant simplement pas être faite avec tous les élèves, pour des questions de gestion de classe et de temps également. J’ai expliqué les raisons de ce choix à tous les élèves, qui s’appuyait sur plusieurs critères.
Tout d’abord, mon choix s’est orienté vers les élèves montrant des difficultés particulières à entrer dans la tâche et à y rester. J’ai également préféré travailler avec des élèves que j’avais déjà eus en classe au moins l’année précédente, avec lesquels le lien de confiance était construit, ce qui assurerait plus de facilité, de liberté, dans les échanges. Finalement, j’ai évité de choisir des élèves qui risquaient d’être souvent absents. Les élèves ont tous accepté ma proposition, et donc leur participation ou non à la dernière phase. Les trois élèves engagés pour la phase n° 3 sont Mia, Jo et Rito (prénoms d’emprunts). Les portraits qui suivent sont issus des dossiers de l’élève (rapports pédagogiques, en logopédie et psychomotricité, pédiatriques). Mia, 13 ans, est dans la classe depuis une année. Son retard scolaire est de trois ans environ. Elle présente un potentiel évident, freiné par une dyslexie-dysorthographie extrêmement importante. Mia s’exprime bien oralement et fait preuve de pertinence dans ses propos. Mia peine à s’investir, notamment dans le travail en français, et met sur pied différentes stratégies pour ne pas entrer dans la tâche ou y rester. Une fois au travail, elle est peu persévérante et se laisse vite perturber. Mia entretient de bonnes relations avec ses pairs comme avec les adultes, bien que se montrant parfois impertinente. Dans les rencontres en face à face avec l’adulte, elle se montre peu sûre d’elle et ne s’exprime que si elle se sent en confiance. Elle semble néanmoins apprécier ces moments. .
1 INTRODUCTION |