Mesure de la viscosité du liquide moussant de l’Ecopol
La mesure de la viscosité du liquide moussant donne une indication sur la stabilité de la mousse : plus la viscosité du liquide est grande, plus la mousse est stable [14]. La viscosité est aussi une donnée importante pour l’étude de l’interaction choc/mousse. L’industriel Bio-ex estime la valeur de la viscosité de l’Ecopol pur à 1300mPa.s à 20°C et pour une vitesse de rotation de 60tr/min. Cette valeur est obtenue directement à l’aide d’un viscosimètre de Brookfield, équipé d’une aiguille de 3mm de diamètre et d’un bécher de 8.25cm. Ce viscosimètre mesure le couple exercé par le fluide sur l’aiguille ainsi que la vitesse de rotation de l’aiguille et fournit une valeur de la viscosité en s’appuyant la théorie d’un fluide newtonien, expliquée en partie §2.1.5.4. Ce viscosimètre peut mesurer la viscosité d’un fluide non-newtonien mais il faut utiliser un adaptateur en spirale de Brookfield pour afficher directement la bonne valeur de viscosité apparente, ce que n’a pas fait l’industriel. La viscosité apparente de l’émulseur pur a donc été examinée en détail au LBMS et des mesures ont été effectuées à l’Institut de Physique de Rennes (IPR) dans le cadre d’une collaboration scientifique. L’influence de la concentration en émulseur sur la viscosité du liquide moussant a aussi été étudiée. Le viscosimètre utilisé au LBMS est un Lamy Rhéomat RM100. Il est équipé d’un système de mesure MS-DIN 11 (mobile) et d’un corps de mesure MK-DIN 2. Avec ce système, la viscosité d’un fluide newtonien est donnée entre 0.006 et 154 Pa.s. La plage de couple de 0 à 10mN.m est annoncée avec une précision de +/- 1 et la plage de vitesses de 0.5 à 1500 rpm est fournie avec une précision de +/- 0.5%. Afin de garder une température constante, le système de mesure est plongé dans un bain-marie (RTE-101 Bath Circulator de Neslab), permettant de mesurer le couple à une température constante de -12°C à +130°C à +/- 0.2°C. La viscosité apparente pour une vitesse de rotation donnée s’écrit de la façon suivante : , détails dans la parite §2.1.5.4.
Les valeurs des coefficients k et n et de la viscosité apparente pour 50tr/min sont résumées dans le tableau 7. L’influence de la température et de l’ajout d’eau déminéralisée ont aussi été étudiés dans le cas du mélange avec une concentration de 40%, cas le plus intéressant selon l’étude de la stabilité de la mousse. La loi en puissance semble encore valable pour un mélange avec 30% d’émulseur ; le liquide moussant est non-newtonien pour cette concentration. Le coefficient n semble être constant pour les concentrations de 100 à 40%, soit une valeur de 0.30. Seul le coefficient k varie avec la concentration d’émulseur. Il diminue avec la concentration, presque de moitié pour une concentration à 50%.
Les figures 46 à 48 présentent l’évolution de la vitesse de rotation ω en fonction du couple C pour différentes proportions d’émulseur : 100% et 40%. La vitesse de rotation est le paramètre contrôlable dans le viscosimètre et le couple est la valeur de sortie mesurée. Il existe une différence significative entre les valeurs du couple mesurées lorsque la vitesse de rotation croit (bleu) ou décroit (rouge) sur ces figures. Ceci peut peut-être s’expliquer par le fait que le mélange passe d’un état désorganisé à organisé (bleu) ou inversement (rouge). Les mesures effectuées avec un mélange de 40% d’Ecopol et de 60% d’eau déminéralisée ne semblent plus dépendre de la croissance ou décroissance de la vitesse de rotation. Le mélange se réalise aussi plus facilement avec une eau déminéralisée, on choisira donc de travailler avec l’eau déminéralisée autant que possible afin d’obtenir un mélange bien homogène et une mousse plus stable. Une étude en parallèle à l’Institut Physique de Rennes a été menée avec un tensiomètre de Teclis. Pour une solution aqueuse contenant 40%, 20% et 10% d’Ecopol, la tension de surface est équilibrée instantanément à 24+/- 2 mN/m. Cette valeur est faible par rapport à 35 mN/m, valeur classique pour des solutions simples de tensioactifs. Deux courbes ont été réalisées avec un rhéomètre MCR301 de Anton Paar pour une solution concentrée à 100, 40, 20 et 10% d’Ecopol en mode oscillatoire pour tracer la contrainte exercée sur le liquide moussant en fonction de l’amplitude (figure 49) et en mode continu pour mesurer la viscosité en fonction du taux de cisaillement (figure 50). Sur la figure 49, la flèche indique la fin d’un régime linéaire associée à la contrainte-seuil, au-delà de laquelle le fluide se met en écoulement, notion définie dans la partie §2.1.6. Cette contrainte-seuil dépend fortement de la concentration. Elle vaut quelques pascals pour des solutions pures ou peu diluées, et devient très faible (~0.1-0.2Pa) pour la dilution la plus faible. Une contrainte-seuil de quelques pascals est effectivement pertinente pour ralentir, voire bloquer, le drainage d’une mousse. De plus, la viscosité est faible à un fort taux de cisaillement, ceci est observé sur la figure 50. En plus d’avoir un seuil, ces solutions s’avèrent fortement rhéofluidifiantes, ce qui est favorable pour la moussabilité [21].
Etude numérique sous Autodyn pour une charge nue de 300g de C4 La détonation de la charge placée au sol et au centre du conteneur métallique ainsi que la propagation du souffle ont été simulées à l’aide du logiciel Autodyn. Les parois du conteneur sont modélisées par le solveur Lagrange et l’air par Euler. Du fait de la géométrie cubique de la configuration, il est possible de ne simuler qu’un quart du conteneur. La taille des mailles choisie est de 10mm. La convergence de la solution a été vérifiée pour des mailles de 5mm et de 20mm. Les trois capteurs sont placés respectivement à 0.8m, 1.1m et 1.4m du centre de la charge, comme le montre la figure 55. La figure 58 représente le champ de surpression dans le plan contenant les trois capteurs, 1.7ms après la détonation de la charge de 300g de C4. Le croisement de l’onde réfléchie par la paroi et de l’onde de choc secondaire au niveau du premier capteur à 0.8m de la charge est visible. Cette onde secondaire provient de l’interaction entre l’onde de détonation et la surface de la charge explosive : lors de sa transmission vers l’air, une onde de raréfaction se forme et se propage par implosion vers le centre des produits de détonation. A la fin de ce processus, une nouvelle onde de choc dite secondaire se forme. Des ondes additionnelles tertiaires, quaternaires, etc… (non visibles ici) peuvent aussi se former à l’interface produits de détonation/air mais sont surtout visibles pour des explosions aériennes massives [130]. L’onde de choc secondaire est visible sur le profil de pression P1 présenté en figure 59. La phase négative n’est plus visible pour le troisième capteur car l’onde secondaire la rattrape rapidement.
Dans le cadre de cette étude, on se limitera à l’analyse des signaux jusqu’à l’arrivée de l’onde secondaire au capteur C1 placé à 0.8m de la charge. Une simulation a aussi été conduite avec une charge surélevée de 10cm par rapport au sol. Cette configuration est plus conforme à la réalité des essais réalisés où une rehausse en matériau léger a été placée sous chaque charge afin de protéger la dalle d’essai. Lorsqu‘une onde de choc sphérique impacte une surface plane comme le sol par exemple, une onde de choc réfléchie sphérique se forme et se propage en aval de l’onde incidente (figure 60). Au-delà d’une certaine incidence, l’onde de choc incidente ne peut être redressée par une réflexion unique sur le sol. Une zone de compression à trois chocs se forme alors (figure 61) : proche de la surface du sol se propage une onde unique appelée pied de Mach (célérité u4 parallèle à la surface) tandis qu’à une certaine distance, le milieu I passe par deux ondes de choc successives pour atteindre l’état III.
Visualisation de l’interaction choc/mousse
La première série d’expérience (essais de 1 à 3), présentée dans le tableau 13, a permis de mettre en évidence les multiples réflexions à l’interface air/mousse et mousse/air ainsi que de visualiser le front de fragmentation de la mousse une fois le choc transmis. La surface de la mousse a été estimée par le logiciel ImageJ en prenant le contour de la mousse. La célérité du choc a aussi été mesurée à partir des temps d’arrivée de l’onde de choc sur les capteurs de pression et à l’aide des images de caméra rapide. La source d’incertitude sur la célérité du choc est principalement liée à la dimension du champ couvert par chaque pixel, estimée à 0.28mm. Elle est de l’ordre de 3% sur la mesure de célérité déterminée par méthode optique et moins de 5% sur la mesure des temps d’arrivée de l’onde sur les capteurs de pression (incertitude due à la précision des capteurs de pression en tube à choc). La mousse a été générée à l’aide d’un diffuseur équipé de pores millimétriques, comme l’a défini la partie §3.2. Ce diffuseur a été préalablement trempé dans le liquide moussant. La mousse ainsi générée est déposée sur un des hublots démonté avant le tir, comme le montre la figure 97. Une fois le hublot remonté, la mousse est emprisonnée dans la chambre de mesure. Les essais 1 et 2 visualisés par interférométrie font apparaître de multiples réflexions à l’interface air/mousse et multiples réfractions après l’interface mousse/air [6]. Les réflexions à l’interface air/mousse sont bien visibles sur la figure 98 (essai 1) de l’instant t1+94μs jusqu’à t1+312μs. A la sortie de la mousse, l’onde incidente a été réfractée par les différentes bulles constituant la mousse : des ondelettes sont ainsi visibles dans l’air sur la figure 98 (essai 1) de l’instant t1+312μs à t1+375μs et sur la figure 99 (essai 2) de l’instant t1+375μs à t1+469μs.
A la sortie de la mousse, le front du choc est déformé, n’est plus vraiment droit, ce qui est du au fait qu’il y a pas la même quantité de mousse en haut que en bas. Grâce à la visualisation directe (essai 3, figure 100), la fragmentation des films liquides est plus facilement visible que par interférométrie différentielle. Dès l’instant t1+62μs, les premiers films sont fragmentés par le passage de l’onde de choc. Une fois l’onde passée dans le volume de mousse, il semble qu’une partie du liquide des films soit propulsée dans le sens de l’onde et forme un « jet liquide » [139] et qu’une partie reste accrochée aux parois (essai 3, figure 100, instant t1+62μs à t1+375μs, et essai 2, figure 99 instant t1+281μs à t1+375μs). A partir de l’analyse de la propagation de la zone sombre, il est possible d’estimer la vitesse de propagation du liquide derrière le choc à 80m/s à +/- 3%. Nous sommes en revanche limités par le système optique pour mesurer la taille et la forme des gouttelettes ainsi formées, les objets de taille inférieure à 0.28mm étant plus petits que le champ couvert par chaque pixel de caméra. A partir de l’instant t1+281μs et jusqu’à t1+375μs, le front du choc semble se courber : en effet, la mousse étant au contact de la paroi supérieure et inférieur, la propagation du choc y est ralentie par rapport à la zone centrale où la mousse n’est maintenue que latéralement.
Diagramme x-t et trajectoire de l’onde dans la mousse
D’une part lorsque le choc incident (I) arrive sur l’interface air/mousse, une onde est réfléchie par la mousse (R) et une onde est transmise dans la mousse (T) qui induit une mise en vitesse de la mousse fragmentée. Le capteur juste avant l’interface air/mousse enregistre la discontinuité de pression liée au passage de l’onde réfléchie par cette interface (R), comme le schématise la figure 110. Les profils de pression enregistrés par les capteurs situés dans la mousse sont différents selon la taille des bulles comme le montre ce schéma. Dans les deux cas de mousse GB et PB, l’instant ta détermine l’arrivée de l’onde transmise dans la mousse. Elle est suivie par une montée progressive en pression jusqu’à Pc, atteint à l’instant tc. Les instants ta, tp et teq sur chacun des capteurs définissent les droites (T), (Tp) et (Tc) dans le diagramme x-t. Dans le cas de la mousse PB, plus aucune discontinuité en pression n’est observée mais seule une montée progressive vers une pression d’équilibre, Pc. Dans la mousse GB, une discontinuité en pression est bien présente, la surpression passe de 0 à Pp, surpression de l’onde précurseur, transmise instantanément à la mousse. Cette discontinuité est suivie d’un plateau dont la durée et l’amplitude diminue au fur et mesure que l’onde progresse dans la mousse. D’autre part, l’onde réfléchie par la mousse (R) rencontre un peu plus loin la surface de contact (CS) et se réfléchit en une onde (Rcs) qui vient modifier le front de mousse et induire une onde dans la mousse (Tcs). L’onde (Tcs) se croise avec la réflexion de l’onde transmise (Rm) dans la mousse, ainsi il est impossible d’analyser précisément cet état qui est complexe [38]. En effet les profils de pression enregistrés dans la mousse PB autour 4ms sont difficiles à interpréter sur la figure 108, il y a une décroissance en pression suivie d’une remontée. Ceci peut s’expliquer par la superposition de plusieurs ondes : l’onde réfléchie par le fond du tube, la détente venant du tube moteur et l’onde réfléchie venant de l’interface air/mousse (Rcs). Si le tube avait été plus long, l’onde réfléchie aurait bien été dissociée de la détente. Dans la mousse GB, l’onde réfléchie par le fond du tube est bien visible autour de 3ms sur la figure 109, elle arrive d’abord sur le dernier capteur, numéro 6. L’analyse des pressions s’est concentrée sur l’onde réfléchie par la mousse (R) et sur les ondes transmises dans la mousse (T), (Tp) et (Tc).
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