Influence de la composition de la solution

Une méthode de choix : la fluorescence.

Développée vers la fin des années 80, la détection par fluorescence reste la méthode la plus populaire dans le milieu médical. Plusieurs compagnies, dont les plus connues sont Affymetrix [14], Agilent [15] et Nanogen [16], commercialisent des instruments prêts à l’emploi et faciles à manipuler. Après avoir fixé différents fragments d’ADN sur une surface solide (en verre le plus souvent) et dans des matrices à forte densité de plots (ex : 1 plot tous les 16 μm sur une puce vendue par Affymetrix), le principe de la fluorescence (Figure 4) consiste à hybrider les sondes avec des séquences cibles marquées par un fluorophore. Les cibles peuvent être des fragments d’ADN dans le cas du séquençage et du diagnostic médical ou d’ARN dans le cas de l’étude de l’expression d’un gène. La puce obtenue est ensuite rincée pour éliminer toute fluorescence parasite puis lue par un scanner. Les régions fluorescentes indiquent les plots ayant réagi. Comme chaque plot correspond à une séquence d’ADN spécifique, nous pouvons remonter aux séquences fixées ou déterminer les gènes qui se sont exprimés, en nous référant à la complémentarité des fragments d’ADN.

Des fluorophores sensibles à des longueurs d’onde différentes peuvent être simultanément utilisés. Ceci augmente la capacité d’analyse en parallèle de la puce et la rend plus adaptée à l’étude de l’expression d’un gène, en permettant une mesure relative des rapports d’expressions des différents ARN messagers. Cette technique est très sensible, car elle permet de mesurer des quantités pouvant atteindre une concentration de l’ordre du pg/ml et est aussi applicable à l’étude des réactions antigène-anticorps. Cependant, malgré ces avantages, et comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, la fluorescence présente deux ennuis majeurs : d’une part, elle nécessite une étape de marquage qui est longue, onéreuse et pouvant entraîner la modification des propriétés du matériel biologique utilisé. D’autre part, elle ne permet pas le suivi en temps réel de la réaction. Nous perdons ainsi toutes les informations concernant les interactions se déroulant avant le rinçage. Ceci est préjudiciable notamment dans le cas où le complexe ligand/récepteur, qui se forme en présence des cibles, se dissocie à l’étape du lavage. C’est le cas, par exemple, des interactions entre des fragments d’ADN ayant une courte longueur (8 bases par exemple). En effet, le rinçage dissocie les duplex faiblement hybridés et ne laisse alors aucune cible fluorescente sur la surface. Nous avons alors tendance à croire qu’aucune réaction n’a eu lieu. Ce qui n’est pas exact puisque les sondes et les cibles interagissent avant rinçage et que cette dernière étape détruit les duplex formés.

En ce qui concerne l’analyse des interactions en fonction du temps, l’excitation des fluorophores par un champ électromagnétique confiné sur la surface, a donné à la fluorescence une nouvelle compétitivité. En effet, par cette nouvelle technique, les molécules fluorescentes présentes en solution ne sont pas excitées, et donc, de ce fait, elles ne fluorescent pas : seules les molécules voisines de la surface sont détectées [17]. Ce mode d’utilisation de la fluorescence est encore au stade de développement dans les laboratoires. Reste le problème du marquage. Pour le résoudre, les scientifiques développent des stratégies de transduction permettant d’observer en temps réel et en parallèle les interactions entre les cibles et les sondes en exploitant les variations des propriétés physiques de la surface de la puce. Ces modifications, dues à la formation du complexe ligand/récepteur, se traduisent par des changements des propriétés électriques, de la masse ainsi que des propriétés optiques de la surface. Comme les molécules utilisées, en particulier les fragments d’ADN, sont nanoscopiques, les variations qu’elles induisent sont faibles. Pour pouvoir les mesurer, les méthodes de transductions utilisées doivent les amplifier. Voici donc, en bref, les méthodes d’analyse les plus répandues. Elles sont groupées en trois catégories : les méthodes électrochimiques, étudiant les variations de charge, les méthodes acoustiques, exploitant les variations de masse et les différentes méthodes optiques, mettant à profit les variations des propriétés optiques de la surface. Cette dernière catégorie de transducteurs sera décrite très brièvement car elle a été traitée de façon très détaillée dans la thèse d’Emmanuel Maillart, un autre doctorant de notre équipe [18].

Détecteurs potentiométriques : Les détecteurs potentiométriques mesurent l’accumulation des charges électriques à la surface d’une électrode. Pratiquement cela se traduit par une mesure d’une différence de potentiel entre une électrode de mesure et une électrode de référence pour une intensité de courant nulle. Le principe de mesure est gouverné par l’équation de Nernst [21] qui relie la variation de potentiel au logarithme de la concentration des ions mesurés. Ces capteurs existent sous trois versions différentes : Dans la première, les réactions qui se déroulent en solution produisent des ions spécifiques. Deux électrodes sont plongées dans la solution à analyser. L’une d’entre elles, l’électrode de mesure, est couverte d’une membrane sélective perméable aux ions produits. L’autre, l’électrode de référence, est imperméable. La différence de potentiel entre les deux électrodes est enregistrée. Elle permet d’analyser la réaction. Ce principe est connu sous le nom de ISE pour ion-selective membrane qui est notamment à la base des pH mètres (Figure 5). Dans la deuxième, les sondes sont directement fixées sur l’électrode de mesure qui constitue alors la surface où se déroule l’interaction. Elle détecte donc directement les accumulations de charges. Ces dernières sont reliées à la concentration des cibles. L’interaction est ainsi suivie en direct par une variation de potentiel.

Enfin, dans la troisième version, les sondes sont immobilisées sur la grille d’un transistor à effet de champ [22] (Figure 6). Lorsque la structure du transistor (un semi-conducteur (Si) recouvert d’un diélectrique (SiO2)) est placée sous tension, un courant, sensible aux modifications de charges du semi-conducteur, circule entre la source et le drain. Or les interactions cibles/sondes entraînent une variation de la densité de charge à l’interface Si/SiO2. Une mesure de la variation de la tension, établie entre la grille et la source afin de maintenir constante la valeur du courant, permet donc de repérer les associations spécifiques entre sondes et cibles. Cette technique, remarquable par la simplicité de son principe de fonctionnement, a été mise au point au début des années 1970 [23]. Dans le cadre des interactions ADN/ADN, J. Fritz et al. [22] ont noté que ce type de capteur possède une limite de détection de 2nM. Parmi les avantages des capteurs potentiométriques citons la simplicité de leur mode d’emploi ainsi que la petite taille des transistors à effet de champ. Cependant, toutes ces techniques, à l’excepté du transistor à effet de champs, ont une faible sensibilité qui est typiquement de l’ordre du μM. En plus, le bruit de fond provenant des différents ions présents en solution est très élevé.

Méthodes optiques : Les variations du coefficient d’absorption, de la fluorescence et de l’indice de réfraction de la surface d’un capteur affectent les propriétés optiques du faisceau lumineux qu’elle réfléchit (intensité, phase, polarisation…). Ces informations, transportées par la lumière, sont à la base des capteurs optiques qui forment le plus large groupe de transducteurs [30]. La majorité de ces capteurs (95 %), utilisent la technique de la fluorescence exposée plus haut. Les autres méthodes font appel à des phénomènes d’interférence en lumière monochromatique (FarField) ou poly-chromatique (système cannelé). Elles mesurent la variation de l’indice de réfraction induite, à la surface, par l’interaction biologique. Ceci revient à mesurer les effets sur la polarisation et sur la phase du faisceau réfléchi par la surface. Les capteurs optiques issus de cette dernière technologie sont basés sur l’éllipsométrie ou sur l’utilisation des ondes évanescentes (ex : La Résonance des Plasmons de Surface, les miroirs résonants, les guides d’ondes…). Comme nous l’avons déjà mentionné, les diverses techniques optiques ont été exposées en détail dans la thèse d’Emmanuel Maillart, autre doctorant de notre équipe.

C’est pourquoi nous nous contenterons de décrire dans cette thèse la résonance des plasmons de surface, méthode de transduction que nous avons utilisée dans toutes les expériences. Cette technique exploite les ondes évanescentes et a été mise au service de la biologie au début des années 1980 quand Liedberg et al. ont montré son efficacité dans la détection de gaz et de composants biochimiques [31]. Plusieurs sociétés dont la plus importante est Biacore AB (Suède) [32] ont investi dans le développement des instruments à base de la résonance des plasmons de surface et ont acquis un savoir-faire et une maîtrise du procédé qui rendent cette technologie de plus en plus facile à utiliser. L’introduction de ces appareils de mesure fonctionnant en mono capteur, dans les laboratoires de chimie, de biologie et même dans le monde médical a entraîné une véritable révolution dans l’étude des interactions bio moléculaires. En effet, cette technologie a permis de suivre en temps réel et sans aucun marquage des cibles, le déroulement des réactions biologiques entre un ligand et son récepteur et ainsi, de remonter aux caractéristiques des interactions observées (constantes d’association et de dissociation [33]) et aux propriétés des molécules étudiées (trouver la séquence d’ADN, la nature de l’anticorps…).

Ainsi, la résonance des plasmons de surface est de plus en plus implantée dans les laboratoires de recherche en raison de sa simplicité, de son élégance et de son large domaine d’application qui s’étend de la défense, à la détection des OGM [34], et même à la protéomique [35]. Nous l’avons utilisée sous deux configurations différentes : dans la première, l’analyse des interactions a été effectuée en mono capteur c’est à dire sur un plot unique et large (c’est le principe de l’appareil vendu par Biacore), et, dans la deuxième qui n’est autre que l’imagerie par résonance des plasmons de surface, l’étude a été menée en parallèle, sur plus d’une centaine de plots. Les paragraphes suivants expliquent le phénomène physique et décrivent les systèmes optiques mis en place au laboratoire ainsi que leur mode d’emploi.

Table des matières

INTRODUCTION
A.1 HISTORIQUE DES PUCES A ADN
A.1.1 Découverte de l’ADN
A.1.2 Origines des puces à ADN
A.1.2.1 Genèse des puces à ADN
A.1.3 Evolutions affectant les puces à ADN
A.1.3.1 Les surfaces rigides [9]
A.1.3.2 La synthèse des oligonucléotides
A.1.3.3 Méthodes de lecture
A.2 PLAN DE LA THESE
CHAPITRE I SYSTEMES DE LECTURE D’UNE PUCE A ADN A METHODES DE LECTURE DES INTERACTIONS BIOLOGIQUES
A.1 UNE METHODE DE CHOIX LA FLUORESCENCE
A.2 METHODES ELECTROCHIMIQUES
A.2.1 Détecteurs potentiométriques
A.2.2 Détecteurs ampérométriques
A.2.3 Détecteurs conductimétriques
A.3 METHODES ACOUSTIQUES
A.4 METHODES OPTIQUES
B LA RESONANCE DES PLASMONS DE SURFACE
B.1 HISTORIQUE
B.2 CARACTERISATION ET UTILISATION DES ONDES ELECTROMAGNETIQUES DE SURFACE
(PLASMON DE SURFACE)
B.2.1 Propriétés des ondes plasmons
B.2.2 Excitation des plasmons de surface
B.2.2.1 Couplage par un prisme
B.2.3 Mesure de l’épaisseur d’une couche biologique mince par RPS
B.2.4 Sensibilité
B.3 CONFIGURATIONS POSSIBLES ET PROTOCOLE D’UTILISATION
B.3.1 Montage en « mono-capteur »
B.3.2 Montage pour l’imagerie en mode RPS les multicapteurs
CONCLUSION
CHAPITRE II TRAITEMENT CHIMIQUE DE LA SURFACE A ETAT DE L’ART DES TRAITEMENTS DE SURFACE
A.1 SYNTHESE IN SITU
A.2 LIAISON DIRECTE
A.3 ÉLECTROPOLYMERISATION
A.4 LIAISON INDIRECTE UTILISATION D’UN SYSTEME INTERMEDIAIRE
A.4.1 Système Avidine – Biotine
A.4.2 Système de multicouches
A.4.2.1 Les maleimides et les thiols
A.4.2.2 Ester de NHS et amines
A.4.2.3 Les thiocyanates et les amines
A.4.2.4 Immobilisation par formation d’interactions électrostatiques
B FONCTIONNALISATION DE LA SURFACE D’OR
B.1 UTILISATION DE POLYMERES REACTIFS
B.1.1 Description des polymères
B.1.2 Protocoles et résultats
B.2 DEVELOPPEMENT DE LA CHIMIE DE SURFACE UTILISEE DANS CETTE ETUDE
B.2.1 Principe
B.2.1.1 MUA
B.2.1.2 PEI
B.2.1.3 ExtrAvidine
B.2.2 Préparation de la multicouche suivie sur le banc mono capteur
B.2.3 Préparation de la multicouche dans un bêcher
B.2.4 Dépôt des oligonucléotides biotinylés
B.2.4.1 Technique de dépôt
B.2.4.2 Optimisations du procédé
CONCLUSION
CHAPITRE III MATÉRIEL BIOLOGIQUE ET MUCOVISCIDOSE A DESCRIPTION DU MATERIEL GENETIQUE
A.1 QU’EST-CE QUE L’ADN
A.2 LES MUTATIONS ET LEURS EFFETS SUR LA STABILITE DU DOUBLE BRIN D’ADN
A.2.1 Les délétions
A.2.2 Les substitutions
A.3 LA TEMPERATURE DE FUSION
A.3.1 Définition de la Température de fusion (Tm)
A.3.2 Paramètres influençant la température de fusion
A.3.2.1 Influence de la séquence
A.3.2.2 Influence de la composition de la solution
A.3.3 Calcul de la température de fusion
A.3.3.1 Formules proposées pour le calcul de la Tm
A.3.3.2 Calcul théorique et comparaison
B LA MUCOVISCIDOSE
B.1 DESCRIPTION PHENOTYPIQUE [158-165]
B.2 DIAGNOSTIC
C DESCRIPTION GENETIQUE DE LA MUCOVISCIDOSE
C.1 LE GENE DE LA MUCOVISCIDOSE
C.2 TRANSMISSION DE LA MALADIE
CONCLUSION
CHAPITRE IV REALISATION D’UNE PUCE A ADN A RAPPELS
B FAISABILITE ET SPECIFICITE DU MULTICAPTEUR
B.1 CHOIX DES SONDES ET DES CIBLES
B.2 DISTRIBUTION DES SEQUENCES SUR LA LAME
B.3 PROTOCOLE EXPERIMENTAL
B.3.1 Mise en route de l’expérience
B.3.1.1 Enregistrement des courbes de réflectivité
B.3.1.2 Choix de l’angle de travail
B.3.1.3 Passivation de la surface
B.3.2 Étude de la spécificité et de la sélectivité du capteur
B.3.2.1 Passage en séquentiel
B.3.2.2 Passage d’un mélange contenant plusieurs séquences
RECAPITULATIF
C OPTIMISATION DE LA DISCRIMINATION POUR UNE SUBSTITUTION
C.1 CHOIX DES MUTATIONS ET CONCEPTION DES SONDES
C.2 PROTOCOLE EXPERIMENTAL ET ANALYSE DES RESULTATS
C.2.1 Analyse des résultats en fonction de la longueur des oligonucléotides
C.2.2 Analyse en fonction des Tm
C.2.3 Modélisation
RECAPITULATIF
D ÉTUDE DE SIX MUTATIONS SUR L’EXON 10
D.1 CONCEPTION DES SONDES
D.1.1 Description de la stratégie
D.1.2 Calcul des Tm
D.1.3 Résultats théoriques
D.2 PREMIERES EXPERIENCES
D.2.1 Protocole expérimental
D.2.2 Résultats expérimentaux
D.2.3 Comparaison entre l’expérience et la théorie
RECAPITULATIF
CONCLUSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES

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