La sobriété énergétique constitue sans aucun doute un levier indispensable dans la réussite de la transition énergétique. Présenté depuis 2015 dans la loi sur la transition vers une croissance verte à son article 1, la sobriété énergétique se présente comme un comportement de priorisation des usages énergétiques essentiels individuels ou collectifs dans le but de réduire la demande de consommation en énergie en fonction de l’offre disponible. Elle se base donc sur le changement des habitudes de consommation des individus.
Comme développé dans le chapitre introductif, le virage de la sobriété énergétique reste encore à prendre. Malgré le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ces dernières années, les consommations d’énergie dans le secteur résidentieltertiaire ne cessent de progresser. Le changement profond des comportements dans ce secteur pour une consommation sobre de l’énergie constitue donc aujourd’hui un levier à mettre en place.
Énergie : un bien à caractéristiques particulières
Selon la théorie du consommateur, les individus tirent leur bien-être de la consommation des différents biens acquis en fonction de leur budget. Formellement, l’utilité du consommateur peut être modélisée comme : U = f(q1, q2, …, qh…, qn)
avec qh la quantité du bien h consommée, n variant entre 1 et n.
L’énergie permet de consommer plusieurs services tels que : le chauffage, la cuisson, l’éclairage. L’énergie ne peut donc pas être considérée comme un bien de consommation finale mais plutôt comme un bien utilisé en combinaison avec une technologie de consommation pour produire des services énergétiques désirés par les consommateurs. Par exemple, nous combinons l’électricité et les plaques à induction pour cuisiner, l’électricité et la télévision pour voir un film ou jouer à un jeu vidéo…
Lancaster, 1966] est le premier à avoir mis en évidence que ce sont les services rendus par un bien qui créent l’utilité plutôt que la consommation d’énergie en elle-même. Par exemple, les individus utilisent de l’électricité pour faire leur lessive. L’utilité, dans cet exemple, provient de la satisfaction de l’individu d’avoir des vêtements propres et non de la quantité d’énergie utilisée.
En considérant le cas de l’énergie, le consommateur détermine donc un ensemble de services que l’énergie lui permet de consommer en fonction des prix de l’énergie, des ressources disponibles, de la technologie utilisée pour produire le service consommé et du prix de cette technologie. Dans cette logique, l’activité de consommation peut donc être perçue comme une transformation des biens en services, en association avec des technologies de consommation.
Deux facteurs influencent la courbe de demande d’énergie :
— L’efficacité énergétique des équipements
— La sobriété énergétique (le choix de la quantité consommée) .
Efficacité énergétique des équipements
[Gillingham et al., 2009] définissent l’efficacité énergétique comme le service fourni par une unité d’énergie. Par exemple, lorsqu’une télévision est énergétiquement efficace, nous pouvons voir un même film avec la même qualité de service mais avec une plus petite quantité d’énergie.
La sobriété énergétique
Ce second facteur, la sobriété, représente la décision individuelle et volontaire de réduction des consommations d’énergie. C’est un choix de changement de comportement pour aller vers des pratiques éco-responsables. Cette décision relève des préférences subjectives des individus. [Gillingham et al., 2009] définissent la conservation d’énergie comme la réduction du montant total de l’énergie utilisé pour produire les services.
La sobriété énergétique diffère de l’efficacité énergique car cette dernière fait principalement référence à l’amélioration des facteurs techniques pour permettre la réduction de la consommation d’énergie.
Cette distinction entre l’efficacité énergétique des équipements et la sobriété énergétique est importante pour trois raisons [Gillingham et al., 2009, Ferrara and Serret, 2008] :
— Premièrement, elle permet de comprendre les circonstances dans lesquelles une amélioration de la performance énergétique des technologies peut conduire à une augmentation de la demande des services énergétiques [Ferrara and Serret, 2008].
— Deuxièmement, elle montre qu’il y a une différence entre la dynamique de consommation de court terme et celle du long terme. A court terme, les technologies de consommation sont fixes. Les consommateurs peuvent ainsi être contraints par leur système de chauffage, par exemple, avec peu de possibilités d’échapper à une hausse de prix. La réponse à court terme est donc parfois significativement plus petite que la réponse induite par un changement de prix à long terme.
— Troisièmement, les concepts d’efficacité énergétique et de choix individuels permettent de distinguer l’efficacité énergétique de l’efficacité économique. L’efficacité énergétique est un concept purement physique alors que l’efficacité économique représente une maximisation des bénéfices nets de l’individu et de la société. Pour [Gillingham et al., 2009], l’efficacité économique n’induit généralement pas une efficacité énergétique. Il importe de vérifier les conditions sous lesquelles les choix sont (économiquement) efficients pour un niveau d’efficacité énergétique donné. Cette efficacité économique dépend des conditions de marché (prix de l’énergie, informations disponibles, prix et qualité des équipements…) et des comportements individuels de consommation (maximisation ou non du bien-être personnel). [Belaïd et al., 2020] analysent cette efficacité économique en s’intéressant séparément aux effets de l’efficacité énergétique et des prix de l’énergie sur la demande des services énergétiques. Ils concluent que l’effet rebond pour la consommation d’électricité en France atteint des moyennes très élevées comprises entre 38% et 86%.
La recherche conjointe de cette efficacité énergétique et économique a conduit à la construction d’une série de modèles sur la dynamique de la consommation d’énergie. Nous présenterons les grands courants pour mieux replacer dans la littérature nos contributions.
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