Etabli en 2000, le consortium SasolChevron apparaît, avec 3 réalisations industrielles en cours, comme l’acteur principal du renouveau commercial de la synthèse de Fischer-Tropsch (SFT). Si aujourd’hui la SFT connaît un tel essor, force est de constater que son développement a été entravé, dans le passé, par les évènements politiques et le contexte économique, et ceci malgré une offre technologique abondante. Ces mêmes paramètres semblent maintenant avoir l’effet contraire : le développement des pays émergents, la modification des équilibres pétro-stratégiques et une certaine prise de conscience environnementale contribuent à rendre attractives et rentables des sources de matières premières et des productions qui annoncent de meilleurs auspices pour la SFT. Un cours du pétrole durablement élevé (au dessus de 40 €/bbl) permet de rendre compétitive cette technologie dont le coût d’une installation classique est estimée autour de 25000 €/bbl/jour de capacité installée . Les produits de synthèse trouvent alors des débouchés commerciaux importants, soit pour le blending des coupes Diesel et l’obtention de carburants moins polluants, soit pour le marché des intermédiaires chimiques telles que les oléfines.
Toutefois seules des économies d’échelle conséquentes permettent de garantir une rentabilité sur le long terme. Ainsi, les sites de moins de 50000 bbl/j de capacité de production, s’ils ont constitué la majorité des unités jusqu’à présent, devraient disparaître au profit d’entités de 200000 bbl/j ou plus . Face à ces projets gigantesques, quelques autres approches voient le jour. Les progrès effectués en miniaturisation des installations permettent d’envisager la logique d’économie d’échelle, non plus dans l’optique d’une croissance verticale comme pour les cas précédents, mais horizontale, selon le concept d’intensification des procédés. Les réacteurs monolithiques et miniaturisés se présentent alors comme de potentiels candidats pour la prochaine génération d’installations.
Cependant, le comportement de la SFT dans ce nouvel environnement réactif est encore mal cerné. Les informations nécessaires à la définition d’outils rationnels de dimensionnement manquent, de même que certaines technologies nécessaires à la mise en œuvre de ces systèmes monolithiques, sous une forme ou une autre. Le travail sur lequel porte cette thèse tente d’aller dans ce sens en présentant l’utilisation de réacteurs structurés par des micro-canaux associés à une phase catalytique Co/SiO₂ monolithique supportée en paroi pour la SFT. Les réacteurs employés sont constitués d’empilements de feuillets fonctionnalisés, certains afin d’être instrumentés, d’autres afin de fournir les éléments de contrôle fluidique ou de supporter les phases catalytiques actives. Ce mode de fabrication défini un réacteur à catalyse supportée en paroi, ou TWR.
Dans une première partie, et après avoir situé le contexte de la recherche vis-à-vis de l’état de l’art de la SFT et de ses réacteurs, un procédé de greffage du catalyseur sur un substrat en acier inoxydable est présenté. Il permet de réaliser un conditionnement et une mise en forme de l’espèce active compatible avec la géométrie et les dimensions de réacteur retenues. Le chapitre II. aborde plus spécifiquement la question de la gestion/création d’une interface nécessaire au greffage sur inox, alors que le chapitre III. traite du greffage du catalyseur à proprement parler.
Une seconde partie se concentre sur l’étude de ces revêtements en conditions réactives SFT et en régime permanent. Le chapitre IV. présente ainsi les performances comparées de deux configurations de réacteurs à catalyse supportée en paroi pour diverses conditions réactionnelles. Le chapitre V. regroupe enfin l’analyse de l’ensemble des résultats obtenus en réaction ainsi qu’une approche simplifiée de la modélisation de la vitesse de consommation du monoxyde de carbone.
Pour conclure, un rappel de différents résultats obtenus est proposé, accompagné de suggestions concernant d’éventuelles perspectives.
La Synthèse de Fischer-Tropsch
Le terme de Synthèse de Fischer-Tropsch (SFT) regroupe un ensemble de réactions chimiques catalysées permettant, à partir de gaz de synthèse , d’obtenir une large gamme de molécules hydrocarbonées (paraffines, oléfines, dérivés oxygénés…). Selon une désignation répandue, lorsque le gaz de synthèse est obtenu à partir de méthane, la SFT est considérée comme appartement à la famille des réactions de conversion du gaz au liquide (GTL). Si la source de matière première est le charbon, elle sera classée comme appartenant aux réactions de conversion du charbon au liquide (CTL).
La réaction en elle-même apparaît comme assez similaire à une forme de polymérisation. Selon les conditions retenues, la gamme des produits obtenus va grandement varier [1]. Ce sont les choix de catalyseurs, réacteurs et fenêtres opératoires qui déterminent l’orientation de la production ainsi que ses performances. En contrôlant ces paramètres, il est donc possible de fabriquer divers intermédiaires chimiques et pétrochimiques ainsi que des carburants synthétiques. Cependant la synthèse reste, même après une sélection poussée de ces facteurs, assez peu sélective. Il en résulte par exemple une production de carburants couvrant aussi bien les fractions essences, Diesel que les cires.
Un peu d’histoire…
La première mention de fabrication d’un hydrocarbure à partir de gaz de synthèse par réaction catalytique remonte à 1902 lorsque Sabatier et Senderens [2] procédèrent à la fabrication de méthane sur nickel et cobalt à partir d’un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène. Six ans plus tard Orlov [1], réussit à fabriquer de l’éthylène sur un catalyseur bimétallique nickel-palladium. En 1913 paraissait le premier brevet exploitant cette gamme de réactions, déposé en Allemagne par la société BASF [1], et revendiquant la préparation d’une huile à partir de gaz de synthèse sur catalyseurs cobalt-osmium.
Le procédé fut ensuite perfectionné par Fischer et Tropsch [1,3,4], qui rapportaient en 1924 la fabrication d’hydrocarbures synthétiques à l’aide d’un catalyseur au fer. Ce procédé présentait toutefois l’inconvénient majeur d’utiliser un catalyseur se désactivant très vite à pression atmosphérique. En travaillant à pression élevée (50 bar) et à forte température (450°C) ces premiers travaux aboutirent au procédé « Synthol », ayant une forte sélectivité en produits oxygénés. Par la suite, d’autres procédés furent développés (« ARGE », « Synol », « Robinson-Bindley »…[5,6]). La principale production recherchée alors était celle des chaînes hydrocarbonées longues non-ramifiées ; le meilleur catalyseur alors employé consistait en une formulation Co-ThO2-MgO-Kieselguhr (100:5:8:200 en masse) utilisée en réacteurs à lit-fixe. Ce catalyseur s’est révélé être le plus performant mis au point sur une période couvrant les quarante années suivantes [6].
A la fin de la seconde guerre mondiale, la plupart des installations avaient été détruites ou démantelées. Un grand nombre de renseignements les concernant fut rapatrié en GrandeBretagne, mais surtout aux Etats-Unis, où fut entamée une vaste évaluation, dirigée par le ministère de l’énergie (D.O.E., Department of Energy). Cette opération initia le lancement d’un certain nombre d’unités pilotes, comme à Brownsville (Texas, procédé « Hydrocol », 5000 bbl/j) ou en Louisiane avec le Bureau of Mine Plant en 1950. Mais dans le même temps, la découverte et la mise en exploitation de vastes champs pétrolifères au Moyen-Orient (Ghawar, Arabie Saoudite) provoqua la fermeture progressive des dernières installations utilisant des procédés de type SFT [7] : le faible coût du pétrole rendait ce type de production peu intéressant.
Parallèlement, l’Afrique du Sud, souhaitant valoriser ses importantes réserves charbonnières, ouvrait à Sasolburg son premier site de production de carburants synthétiques. Malgré des débuts difficiles, l’entreprise développa et améliora les procédés ARGE et Kellogg. Par la suite, deux autres sites CTL-FTS furent commissionnés : Sasol II et III ouverts en 1976 et 1983. Ils permirent à l’Afrique du Sud d’amoindrir les effets de la révolution iranienne (principal fournisseur pétrolier de l’Afrique du Sud), de l’embargo lié à l’apartheid et des chocs pétroliers [8].
Les crises internationales et l’instabilité des prix du pétrole relancèrent alors l’intérêt général porté à la SFT. Les percées industrielles les plus visibles furent le développement et l’implantation des procédés S.A.S. (Sasol advanced Synthol) chez Sasol et MossGas ainsi que le S.M.D.S. (Shell Middle Distillate Synthesis) en Malaisie par Shell en 1992 [9]. Depuis, la plupart des grands groupes pétroliers ont investi d’énormes efforts financiers pour entrer dans le club technologique assez fermé du GTL-FTS. ExxonMobil par exemple est en mesure de proposer son propre grand procédé (A.G.C.-21) visant à exploiter les importants gisements gaziers découverts dans les années 70. De plus petites compagnies (Rentech, Statoil, Syntroléum), misant sur de plus petits projets destinés à des applications de moins grande envergure mais permettant la rentabilité de gisements isolés ou diffus, développèrent également ces technologies au même moment [10].
Aujourd’hui, les propriétés des carburants de synthèse obtenus par SFT pourraient favoriser le développement de ces procédés. Contenant très peu ou pas de soufre ni d’aromatiques, les carburants synthétiques se présentent comme des carburants « propres », et conformes aux propriétés imposées par les législations en vigueur ou en cours de mise en application dans de nombreux pays. Présentant un indice de cétane généralement supérieur à 75, ils ont de très bonnes performances moteur, permettant un rendement énergétique plus intéressant que celui de l’essence. Mais ce qui pourrait favoriser un essor durable pour ces technologies serait un prix durablement élevé du pétrole. Or, si les crises internationales ou régionales influent à court terme sur les cours, c’est plus probablement le développement économique accéléré de la Chine, de l’Inde ou du Brésil, allié à un manque d’infrastructures de production pétrolière qui vont maintenir des prix assez hauts (prédits autour de US$50/bbl pour le pétrole et US$60/t pour le charbon) dans le moyen à long terme, et donc rendre attractif le GTL-FTS [11]. Les politiques actuelles de développement et d’implantation mises en œuvre par les acteurs majeurs du domaine semblent en tout cas en témoigner.
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