Les préjugés dans les relations interculturelles
Les sociétés contemporaines, confrontées à la diversité culturelle, se posent la question de l’altérité. Accueillir l’étranger : ce précepte biblique provoque toujours des vicissitudes dans le monde occidental. Face aux travailleurs immigrés et leurs enfants, aux réfugiés, l’opinion publique a opposé et oppose encore des comportements de méfiance pilotés par des préjugés largement développés dans l’espace public. Rejeter devient alors une logique aveuglante, bien souvent au nom de la préservation d’une tradition ou d’une identité.
représentations qui l’accompagne. Entre réalité et fantasme, les préjugés occupent une part prépondérante : générateurs d’attitudes, éléments déformateurs, miroirs grossissants du rapport à l’autre. Les chercheurs en sciences sociales s’attachent plu à réfléchir sur les discours et les pré- jugés que sur la réalité des choses. Bien sûr, on retrouve cette réalité au bout du compte, car les préjugés ont des effets dans le champ social et dans le champ politique : ils sont parfois même à la base de certains actes. Ainsi, le racisme s’exprime principale- ment à partir de ces présupposés partagés, reposant bien souvent sur des argumentaires qui s’avèrent faux, fallacieux ou irrationnels. Aussi, la dis- crimination est un phénomène complexe qu’il faut absolument appréhender à plusieurs échelles et à plu- sieurs degrés. Si l’on s’en tient au seul siècle, le rejet, fondé sur des pré- jugés raciaux a mené des sociétés entières, aveuglées par les systèmes de propagande reposant sur une information diffusée en masse, a pu prendre la forme extrême du génocide. En 1915, les Arméniens de l’Empire ottoman ont été victimes d’un racisme qui a abouti à une extermination pro- grammée de cette minorité chrétienne en terre d’Islam, entre 1941 et 1944, les juifs d’Europe ont subi un sort aux formes sensiblement identiques mais de plus grande amplitude sous l’impulsion de l’État nazi. Plus récemment, au Rwanda en 1994 ou en Bosnie-Herzégovine en 1994-1995, des massacres ont révélé que le racisme de masse pouvait encore exister à la fin du XXe siècle. Cette forme de rejet, organisée à l’échelle d’un État, a connu des formes différentes dans des degrés moindres à l’image du modèle de l’apartheid sud- africain mis en place après 1945, ayant également cours aux États-Unis qui proposait un « développement séparé » des communautés blanches et noires. La discrimination existe également au niveau des relations interpersonnelles, dans le champ économique, social, politique et culturel, français : à l’école, dans le domaine de l’emploi, dans l’espace public en général. Le racisme exprimé à l’égard des travailleurs migrants prend toute sa place. Dans ce cadre, les crises économiques sont bien souvent des facteurs déclencheurs, à l’image des conséquences du « jeudi noir » de 1929 à New York ou du « choc pétro- lier » de 1973 sur l’image des étrangers en France.
Des stéréotypes du juif au XIXe siècle
Quels qu’en soient les degrés, l’ensemble de ces comportements ont un point commun : ils sont provoqués par des préjugés qui sont parfois érigés au rang de « doxa », sorte d’idée reçue généralisée à l’échelle de la masse. Ce qui fait que dans le rapport siècle, le présentant comme avide d’argent, de pouvoir et agent d’un complot international ont suc- cédé des stéréotypes sur l’Arabe, violent, sanguinaire et fanatique et sur d’autres groupes de personnes comme les noirs, naïfs et proches de l’anima- lité, les Asiatiques, discrets et auto- nomes, les Portugais, travailleurs… Bien sûr, ces préjugés évoluent à tra- vers le temps. Ainsi, lorsqu’on s’attache à analyser les attitudes de l’opinion publique française, il n’est pas suffisant de poser les problèmes économiques comme base de la discrimination. Certes, c’est une explication nécessaire mais pas suffisante, et sans doute faut-il évoquer des éléments supplémentaires qui tiennent à des aspects culturels, religieux et historiques. Dénoncer le fanatisme musulman, voir dans chaque Arabe en France un intégriste s’appuie sur l’image du Sarrazin au Moyen Âge qui a resurgi comme la figure du danger. De la même manière, dire que la « crise des banlieues » est un problème social est sans doute juste, mais l’explication n’est pas là aussi suffisante. Il est indispensable de réfléchir plus en pro- fondeur pour bien comprendre les choses.