Rôle de la texture dans le fluage.
Il a été constaté dans les études antérieures (notamment Van Hasselt, 1991 et Pouya, 1991) que la déformation d’un échantillon de roche halitique est fortement conditionnée par sa texture. Dans un échantillon donné le développement d’un micro mécanisme de déformation particulier plutôt que celui d’un autre peut s’expliquer par l’expression plus forte de certains éléments texturaux (inclusions fluides et solides, joints de grains, taille et orientation des grains de halite, etc ) au détriment des autres. A. une autre échelle on constate également que le fluage d’un grain de halite ne dépend pas uniquement de ses caractéristiques mécaniques propres mais aussi du contexte textural dans lequel il se trouve. D’une manière générale la seule présence des divers types d’éléments texturaux entraîne des modifications locales du champ de contraintes. D’autre part les joints de grains et les inclusions fluides peuvent agir comme puits ou sources de dislocations ce qui facilite F activation des mécanismes de migration des dislocations et augmente la ductilité du matériau. On constate en effet que la halite riche en inclusions fluides est nettement plus ductile que la halite limpide qui en est quasiment dépourvue.
Par ailleurs la disposition anisotrope des cristaux de halite à structure en chevrons dans la plupart des échantillons de sel laiteux confère a ce lithofaciès un comportement fortement anisotrope. Dans les lithofaciès de sel phénoblastique et de sel mixte laiteux/phénobîastique les phases non halitiques: matrice carbonato-argilo-sulfatée et nodules d’anhydrite ont un comportement plus ou moins rigide mais contrastant avec le comportement ductile des cristaux de halite. Chaque passage d’une phase minérale à une autre constitue une discontinuité mécanique. La distribution de ces discontinuités dans l’ensemble du matériau explique l’hétérogénéité de la déformation observée. On a ainsi mesuré des déformations locales dix fois plus grandes que la déformation moyenne de l’échantillon. Les matériaux non halitiques ont un comportement moins ductile que la halite et ont ainsi tendance à se fissurer. Les fissures qui apparaissent lors des essais sont le plus souvent localisées dans la matrice, aux contacts de celle-ci avec les nodules d’anhydrite et plus rarement à l’intérieur de ces nodules. L’extension de la fissuration est limitée par les dimensions propres des plages non halitiques et on constate que ces fissures n’affectent que très rarement les grains de halite qui continuent à se déformer de façon plastique.
Rôle des inclusions fluides dans le fluage.
Des essais de fluage avec ou sans gradient thermique ont été conduits en microcellule sur des échantillons de sel laiteux et de sel phénoblastique. L’observation du comportement des inclusions fluides durant ces essais a permis d’apporter des conclusions intéressantes sur le rôle des inclusions dans le fluage du sel gemme. La présence de très nombreuses inclusions fluides à l’intérieur d’un cristal de halite augmente sa ductilité. Dans un même cristal les zones laiteuses (septas) se déforment plus rapidement que les zones limpides et dans un même échantillon la déformation est plus forte dans les cristaux laiteux que dans les cristaux limpides. L’hypothèse a été émise que les inclusions fluides augmentent la mobilité des dislocations et donc accroissent la ductilité du sel gemme. En présence d’un gradient thermique les inclusions migrent vers la source de îa chaleur. Dans le sel laiteux la vitesse de migration d’une inclusion est proportionnelle au carré de son diamètre moyen et la direction de déplacement de la quasi-totalité des inclusions est parallèle ou subparallèle au gradient thermique. Ceci n’est pas le cas pour le sel phénoblastique où les directions de migration montrent une grande dispersion en raison de l’hétérogénéité minéralogique et mécanique qui fait apparaître dans ce type de sel des variations locales très importantes du gradient thermique. Au cours de leur migration, les inclusions peuvent traverser les joints de sous-grains, certains clivages et même des joints de grains entre cristaux de halite. Elles peuvent également déverser tout ou partie de leur contenu dans des vides tels que des ouvertures dans des joints de grains ou encore l’espace poral d’une plage de matrice microporeuse. Ces dernières observations amènent à émettre l’hypothèse qu’il existe des possibilités de transfert à grande échelle de saumures dans le massif salifère. Le processus à l’origine de ce transfert de saumures résulterait du couplage entre les deux mécanismes suivants:
Choix des conditions d’humidité.
En ce qui concerne l’application des conditions hygrométriques on a distingué deux types d’essais selon qu’ils soient à court ou à long terme. Les essais à long terme durent environ 4 mois dont 2 mois de linage en atmosphère sèche et deux mois de fluage en atmosphère humide (fig. 16). Ces essais ont pour objet l’étude de l’évolution dans le temps des micromécanismes de déformation sous l’influence de l’humidité. Cette période de deux mois permet d’atteindre, que ce soit en conditions sèches ou humides, le fluage stationnaire. Cinq essais ont été ainsi réalisés, deux sur le sel laiteux, deux sur le sel phénoblastique et un essai sur le sel de la mine d’Asse. A ces cinq essais il faut ajouter l’essai en microcellule réalisée par le BGR à Hanovre sur une lame de sel de dôme dans le cadre d’une coopération qui a eu lieu à ce sujet. Les essais à court ou moyen terme dont la durée esî inférieure à deux, mois ont pour objectif l’étude de certains phénomènes particuliers notamment le fluage transitoire provoqué par une augmentation du degré d’humidité relative, la thermomigration des inclusions fluides en condition de saturation de la porosité et la superposition du fluage dû à la sollicitation hygrométrique à celui dû à la sollicitation mécanique. Deux essais de ce type ont ainsi été réalisés sur le sel laiteux et un essai sur le sel de dôme. Pendant le fluage à sec, la microcellule est placée dans l’étuve où l’atmosphère est parfaitement sèche. Le capteur Elcowa indique entre 80 et 100°C une valeur du degré d’humidité relative égale à celle mesurée dans le vide soit théoriquement 0%. La inicroceilule est ensuite transportée dans l’enceinte SECASI où on impose le degré d’humidité relative désiré. Celui-ci a été fixé à des valeurs supérieures à 50%. Ce choix s’est fait sur la base des travaux effectués au BGR (Schulze, 1991) qui ont montré que la dépendance du fluage du sel gemme à l’humidité est faible pour des valeurs du degré d’humidité relative inférieures à 45% et devient plus importante à partir de ce seuil.
Récapitulatif des essais effectués.
Le tableau 2 récapitule pour chacun des essais effectués la référence de l’échantillon et les conditions de pression, de température et d’humidité imposées. A l’exception de l’essai de thermomigration tous les essais comportent deux phases: une phase dite sèche, puis une phase dite humide. Au début de la première phase (phase sèche) l’échantillon est mis progressivement sous contrainte thermique et mécanique dans un environnement sec dont le degré d’humidité relative est voisin de 0%. Ces conditions sont maintenues par la suite pendant une période suffisamment longue pour permettre l’établissement d’un fluage stationnaire. Cette période est supérieure à deux mois pour les essais longs (échantillons LI, L2, PI, P2, Dl et D2) et elle est d’environ un mois pour les essais courts (échantillons L3 et D3). La deuxième phase (phase humide) commence par l’augmentation du degré d’humidité relative jusqu’à une valeur qui sera maintenue jusqu’à la fin de l’essai excepté pour les échantillons P2 et D2 qui ont subi plusieurs paliers de degré d’humidité relative. Le décalage entre la mise sous contrainte et l’imposition d’un fort degré d’humidité relative est nécessaire pour bien distinguer l’impact de chacune de ces deux sollicitations.
En effet à partir d’un état stable et bien connu de la déformation sîationnaire, il est plus commode de repérer les changements qui interviennent suite à un incrément du degré d’humidité relative et de déterminer ainsi les mécanismes de déformation qui se développent spécifiquement sous l’influence de l’humidité. Au cours d’essais préliminaires, il a été constaté que l’application d’une contrainte de 17,5 MPa pendant ¡a phase sèche provoque une dégradation de certains échantillons suite à l’apparition de micro fissures et à l’ouverture de joints de grains. Ceci conduit à une augmentation de la porosité accessible à la vapeur d’eau et modifie artificiellement le comportement ultérieur de l’échantillon durant la phase humide de l’essai. Afin de remédier à ce problème une contrainte plus faible (<rj = 12,5 MPa) a été choisie pour les échantillons L3 et D3. Quant à l’échantillon L4 qui a fait l’objet de l’essai de thermomigration, la mise sous contrainte a été effectuée dans l’enceinte humide avec un degré d’humidité relative élevé (H.R = 80%) afin d’obtenir une bonne saturation des joints de grains après condensation. Au cours de cet essai, une faible valeur de contrainte a été appliquée (cr¡=5 MPa) afin d’éviter toute fissuration notable et une ouverture démesurée des joints de grains qui conduiraient à une évacuation préférentielle dans l’espace poral ainsi créé des inclusions fluides en migration. Vers la fin des deux essais de longue durée sur le sel laiteux du Bassin Bressan (échantillons Lî et L2) des fêlures sont apparues au sein de l’une des deux lames de verre maintenant l’échantillon en sandwich. La cause de ce phénomène réside probablement, d’une part dans la forte pression appliquée sur l’échantillon et d’autre part dans le taux de déformation très élevé atteint avec ce lithofaciès. Cependant, malgré les fêlures qui sont apparues, les lames de verre ont tenu jusqu’à la fin de l’essai et cet événement n’a eu que peu d’effet sur les courbes de image relevées. Une augmentation après 114 jours d’essai du degré d’humidité relative de 55% à 70% pour l’échantillon P2 a conduit presque instantanément à la rupture de celui-ci.
Résumé |