L’INTERFEROMETRIE DOPPLER LASER (I.D.L.).
Le principe de la mesure de vitesse par I.D.L. consiste à utiliser l’effet Doppler relativiste que subit un faisceau laser monomode incident de longueur d’onde À lors de sa réflexion sur un miroir métallique en mouvement. Le glissement en fréquence après la réflexion est directement relié à la vitesse instantanée v (t) du mobile, ce qui se traduit par la formule suivante (celle-ci est valable au premier ordre, pour un rayon pe_rpendiculaire au miroir et lors d’un déplacement du miroir parallèle au rayon incident) : Les vitesses v(t) étant toujours très petites devant la vitesse de la lumière, les variations relatives de la longueur d’onde du faisceau réfléchi sont si faibles que seuls des appareils interférométriques de type Michelson ou Fabry-Pérot peuvent les mettre en évidence. La technique issue du Michelson, développée et utilisée aux EtatsUnis [4], [5], est appelée VISAR (Velocity Interferometer System for Any Reflector), alors que l’I.D.L., dérivant du Fabry-Pérot, a été introduite et mise au point au C.E.A. [6], [7] et en équipe maintenant tous les laboratoires expérimentaux.
Les deux techniques, s’appuyant sur le même phénomène physique « Doppler » font cependant appel à des appareillages de conception très différente et présentent chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Il est cependant intéressant de noter que les laboratoires américains s’intéressent de plus en plus à l’I.D.L. [8] qui ouvre, il est vrai, des perspectives et des applications à la détonique plus larges [9] que le V ISAR. Dans ce chapitre, nous montrons comment l’I.D.L., qui était a l’origine destinée aux mesures de vitesse de surface libre d’échantillons soumis à des ondes de choc, a été adaptée à nos études spécifiques d’éjection de matière : – par la mesure de vitesse de petites cibles minces mises en mouvement par les éjecta [10] et [11], – par la mesure de la vitesse du projectile d’un lanceur au moment de son impact sur la cible d’expérimentation [ 12], – pour détecter le passage en fusion en détente de matériaux choqués [13] et [14].
DESCRIPTION ET PERFORMANCE DE LA CHAINE I.D.L.
Le faisceau lumineux monochromatique (de longueur d’onde >-. = 514,5 nm et de puissance 5 W) d’un laser argon monomode est transporté jusqu’à la cible métallique réfléchissante, dont on veut mesurer la vitesse, à l’aide d’une fibre optique de 600 1-1m de coeur. En sortie de fibre, une lentille illumine la cible en faisceau quasi-parallèle, puis collecte la lumière réfléchie jusqu’à une autre fibre optique juxtaposée qui transportera le faisceau réfléchi jusqu’à l’interféromètre de Fabry-Pérot [15]. En sortie du Fabry-Pérot, un système optique convergent focalise sur une fente d’analyse la figure d’interférence classique constituée d’anneaux concentriques. Cette fente qui sélectionne ainsi les pics lumineux relatifs aux diamètres de ces anneaux est ensuite reprise par un objectif qui forme son image sur la photocathode d’une caméra électronique à balayage. Lorsque la cible est au repos, le diamètre des anneaux reste évidemment constant. La mise en vitesse de celle-ci provoque une variation de fréquence de la lumière, qui se traduit à la sortie par une variation du diamètre des anneaux d’interférence directement fonction de la vitesse de cette cible. L’interféromètre de Fabry-Pérot utilisé permet de régler l’espace inter-lame entre 0 et 500mm, et la caméra électronique, de type TSN 503 ou 506, possède des temps de balayage variable de 100 ns à 20 ~s pour une longueur totale de l’interférogramme de 50mm. La gamme de vitesses mesurables avec un tel dispositif s’étend de 2 m/s à 10000 m/s. La précision est de l’ordre de 0,1% à la vitesse de 1000 m/s avec un espace inter-lame de 500mm. La résolution temporelle de la caméra est de 40 ns pour une durée de balayage de 20 ~s et de 0,2 ns pour lOO ns. Le temps de montée, fonction essentiellement du temps de remplissage optique de l’interféromètre, varie de 0,2 ns à 15 ns. Les avantages principaux de ce système résident dans le fait que l’on peut mesurer en continu dans le temps la vitesse sans perturber le mouvement de la cible, et que l’interprétation des résultats est aisée et rapide. Cette technique va être appliquée dans la suite à l’étude de 1 ‘éjection de matière sous choc et à la détermination des paramètres physiques liés à cette étude qui sont : la détection du passage en fusion en détente et la vitesse d’impact du projectile d’un lanceur.
APPLICATION A L’EJECTION DE MATIERE REPARTIE
a) Principe de la mesure Pour mesurer de manière quantitative la masse éjectée, supposee uniformément répartie en surface de l’échantillon choqué, on recueille l’éjection sur une cible mince, qui est disposée initialement à quelques millimètres en avant de l’échantillon, et dont on suit la mise. en vitesse par I.D.L.. L’hypothèse d’une collision totalement inélastique entre l’éjecta et la cible mince nous permet d’écrire la loi de la conservation de la quantité de mouvement avant et après collision : dM. V + (M + M) V = (dM + M + M) (V + dV ) (7) c c c c c Cette rel a ti on met en évidence 1 ‘augmentation de vi tesse V ~ V + dV que subit la cible mince lorsque à 1 ‘instant t et pendant c c c l’intervalle de temps dt, une masse éjectée dM arrive à la vitesse V sur la cible de masse propre M (augmentée de la masse éjectée M déjà recueillie). c Si l’on suppose, de plus, que la vitesse des particules éjectées reste constante durant leur temps de vol, la chronométrie de l’instant de réflexion du choc sur la surface libre (instant de départ de toutes les particules) associée à la connaissance de la distance initiale d entre la surface libre et la cible, nous 0 permettent de connaître la vitesse V des particules arrivant à chaque instant t sur la cible : v d + 0 -bt v (t ) d t c c c L’intégration de l’équation (7) devient alors simple et on aboutit a la détermination de la masse cumulée de matière M (V) arrivée sur la cible a tout instant , qui est décrite par la relation liant la masse initiale de la cible, l’histoire temporelle de sa vi tesse et sa distance initiale par rapport à la surface libre, soit La nature de la cible (en aluminium, acier ou nickel) et son epa1sseur (de 0,3 !Jm à plus de 500 !Jm) sont choisies pour chaque expérience en fonction de la quantité, de la vitesse et de la nature des éjecta attendus ; ceci nous permet ainsi de mesurer des masses éjectées variant de 1 11g/cm 2 jusqu’à 1 00 mg/ cm 2 •
La distance cible-échantillon est fixée, pour toutes les expériences, à 5mm, permettant ainsi de faire la pesée d’éjection avant que des perturbations dues aux ondes de détente qui suivent le choc n’affectent le mouvement de la surface libre. Afin de se démarquer de l’influence de l’air sur le mouvement de la cible mince, l’ensemble cible-échantillon est placé dans une enceinte où l’on fait un vide primaire d’environ 10-2 à 10-3 torr. Pour fixer les idées, on notera que la vitesse des particules éjectées s’échelonne depuis la vitesse de surface libre jusqu’à, parfois, une dizaine de milliers de m/s, alors que la vitesse de la cible que l’on mesure par I.D.L. varie de 1 m/s jusqu’à quelques centaines de m/s au maximum. Le dispositif expérimental que l’on utilise avec les lanceurs est représenté sur la figure ci-dessous. On remarquera la présence d’une bifibre pour mesurer la vitesse de la cible et d’une monofibre pour la mesure de la vitesse d’impact du projectile (voir I-3 de cette partie). Des sondes de chronométrie sont placées sur la surface libre du matériau considéré afin de connaître l’instant de départ des particules qui coïncide avec la réflexion du choc en surface libre. Avec les générateurs explosifs pour lesquels la pression du choc incident est généralement connue, un dispositif analogue est utilisé, avec des simplifications dans le montage puisque l’on ne mesure plus la vitesse de l’impacteur et que l’on supprime également le transmetteur en cuivre pour accoler directement l’explosif au matériau étudié.
b) Quantification des éjecta et difficultés expérimentales La planche no 1, présentée ci-après, montre un exemple d’interférogramme obtenu, ainsi que les résultats du dépouillement ultérieur qui donne 1 ‘histoire de la vitesse de la cible au cours du temps et, par suite, la courbe M (V) de masse éjectée cumulée fonction de la vitesse des particules. On notera que la courbe M (V) correspond à 1 ‘intégrale de la fonction de distribution masse-vitesse ~~ (V) des particules éjectées, définie comme suit ro dM M (V)= f -d-(v) dv v v Les résultats d’un tir se présentent ainsi sous la forme d’une courbe M (V), échantillonnée selon le nombre de pointés pris sur l’interférogramme correspondant à la vitesse de la cible (voir la figure ci-dessous) .; à cet effet, le dépouillement des interférogrammes est effectué à 1 ‘aide d’un projecteur de profil du type Optimus G de la Société WER TH (Giessen, RF A) couplé à un ordinateur VAX 780 par 1’ intermédiaire d’un micro-ordinateur de pilotage SHARP.
La principale difficulté de ces expériences consiste en la prévision des éjecta à mesurer afin d’adapter la nature et l’épaisseur de la cible mince employée. En effet, si la cible est choisie avec une masse surfacique trop faible pour les éjecta qu’elle doit collecter, celle-ci sera rapidement percée et détruite avant l’arrivée de la surface libre, ce qui se traduira par une perte précoce du signal I.D.L. sur l’interférogramme ; si, par contre, la cible est prise trop épaisse, sa mise en vitesse ne pourra pas être détectée par I.D.L. dont le seuil minimal est d’environ 2 m/s avec un Fab_ry-Pérot ayant un intervalle de 500mm. Pratiquement, il est donc difficile de trouver une cible idéale permettant d’obtenir un échantillonnage complet en vitesse tel que celui schématisé sur la figure ci-dessous. Pour pallier à cette difficulté et obtenir la représentation M (V) complète, nous allons utiliser les fonctions analytiques, issues du modèle théorique décrit dans la quatrième partie, afin d’extrapoler les points expérimentaux (obtenus avec une cible de taille intermédiaire) à l’ensemble du spectre en vitesse des particules éjectées. La figure ci-dessous montre un exemple type de résultats expérimentaux extrapolés par les fonctions du modèle hydrodynamique.
INTRODUCTION |