Le système Jacques Crozemarie

Le système Jacques Crozemarie

Durée du détournement 

Date de départ : il crée l’ARC en 1962. Il en devient immédiatement président. Date de fin : L’association et son président sont visés dès avril 1988 par un rapport de l’inspection générale des affaires sociales qui dénonce la mainmise du président Jacques Crozemarie sur le pouvoir de décision de l’affectation partiale des dons pour la recherche2. L’affaire débute réellement en 1991 par un rapport confidentiel de l’inspection générale des affaires sociales dénonçant les énormes dépenses de l’ARC, qui semblait consacrer 72 % des sommes versées par les 3,5 millions de donateurs à son fonctionnement et sa publicité, et seulement 28 % à la recherche contre le cancer. En 1996, un juge d’instruction est désigné et rapidement, Jacques Crozemarie, qui maintient que 45 % des ressources de l’association ont été affectées à la recherche en 1993, est mis en examen. Un rapport de la cour des comptes française, publié en 1993, confirme le premier rapport en affirmant que 27 % seulement des sommes collectées sont attribués à la recherche. La cour précise aussi que certains agissements semblent relever de l’abus de biens sociaux, et saisit ainsi les autorités judiciaires. L’affaire prend de l’ampleur quand les médias diffusent les premières informations sur ces dérapages. Le 18 janvier 1996, l’équipe dirigeante de l’ARC est entièrement renouvelée et Jacques Crozemarie est évincé de l’association. Au total, les détournements et le système, mis en place par Crozemarie, dureront environ 34 ans (!).

Méthodes 

Il dirige l’ARC de façon très personnelle dans les décennies, qui suivent sa création. Le président Jacques Crozemarie avait la mainmise totale sur le pouvoir de décision de l’affectation partiale des dons pour la recherche2. Le président de l’ARC, Jacques Crozemarie (J.C.), ne laissait à personne d’autre le soin de signer les chèques. Il avait approuvé des contrats d’exclusivité le liant à ses fournisseurs, de manière exorbitante. Il s’entoure d’intermédiaires (complices), grassement servis, dont des dirigeants du groupe International Developpement (ID), principal sous-traitant de l’ARC, chargé de la communication, notamment Michel Simon, pour détourner l’argent des donateurs, grâce à de fausses factures, faux honoraires, fausses prestations, surfacturations sur le papier destiné aux mailings et aux revues etc. Le groupe International Development, le navire-amiral des prestataires, dirigé jusqu’en 1995 par Michel Simon et Pascal Sarda, facture pour près de 200 millions de francs de prestations par an à l’ARC. Pour les mailings, les campagnes de publicité, la publication et l’envoi de la revue Fondamental, les aménagements dans les laboratoires des chercheurs, le traitement du fichier des donateurs… La plupart de ces prestations, pour ne pas dire toutes, sont soit surfacturées, soit fictives. Ainsi, la société Publicadvise, quand elle travaille pour l’ARC, réalise des marges cinq fois plus importantes qu’avec ses clients « normaux », comme Dassault ou Aerospatiale. Ainsi, pour La lettre de Fondamental numéro 5, publiée en 1993, International Development multiplie sa marge habituelle par six. Pour le seul routage d’un numéro de la revue Fondamental, en 1991, l’entreprise réalise un bénéfice de 10,5 millions de francs. L’examen de factures prélevées au hasard, dont le montant total s’élève à 78 millions de francs, montre qu’ID réalise 49 millions de marge nette, soit plus de 50 %. Le duo Simon-Sarda a ainsi inventé des stands fictifs d’information ambulants sur le cancer _ sans que jamais la moindre de ces manifestions n’a eu lieu _, d’équipements hospitaliers fantômes, de prestations fictives. Elles correspondent en réalité à des travaux effectués dans les appartements parisiens, les maisons de vacances et chasses de Messieurs Crozemarie, Sarda, Simon et associés.

Mensonges et manipulations 

Il se fait appeler « Docteur » ou « Professeur », bien que n’ayant aucune formation médicale (il était, en fait au départ, Cadre administratif à l’INSERM). Il apparaît systématiquement dans les campagnes publicitaires de l’ARC, en particulier à la télévision et ainsi il connaît une forte notoriété personnelle. Pour asseoir la notoriété de l’ARC, il sut s’entourer, au départ, de cancérologues connus du grand public : Lucien Israël, Georges Mathé et Léon Schwartzenberg. Il était « officier de la Légion d’Honneur », depuis le 4 février 1986.Il sait tisser son réseau : Jacques Crozemarie était membre de la Grande Loge nationale française. Via la télévision, il culpabilisait « les égoïstes, les irresponsables, les bien portants qui ne donnaient pas à l’ARC ». Grâce à ses campagnes télévisuelles (car J. C. est charismatique), le chiffre d’affaires de l’ARC ne cessait d’augmenter. Jusqu’à culminer, dans les meilleures années, autour de 600 millions de francs. Les chercheurs, bien rétribués par l’ARC, étaient contents. Les chercheurs qu’il finance lui fournissent aussi un très honorable paravent. A la moindre critique de la presse, à la moindre mise en cause publique, il brandit les pétitions. Astucieuse stratégie : sans l’argent de l’ARC – du moins la part qui reste pour la recherche – de nombreux laboratoires devraient réduire considérablement leurs activités et leurs ambitions. Sans avoir la cruauté de reproduire ici les lettres de soutien que lui ont adressées sans discernement, à la première sollicitation, d’éminents scientifiques, notons que beaucoup d’entre eux n’hésitaient pas à qualifier de « scandaleuses », par écrit, les « rumeurs » qui circulaient sur l’ARC et Jacques Crozemarie. Le procédé avait toute l’efficacité de l’argument d’autorité. « Les meilleurs, ceux qui luttent chaque jour contre le cancer, sont à mes côtés contre les aigris, les méchants, les ennemis de la santé publique », pouvait dire l’ancien président de l’ARC. Après les premières enquêtes de la presse sur la galaxie financière qui l’entoure, à la fin de 1994, Jacques Crozemarie réagit. Il envoie à 13 millions d’exemplaires un placard publicitaire indigné, orné de belles signatures de chercheurs. Coût de l’opération, réalisée par l’incontournable International Development : 63 millions de francs.

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