Synthèse de la revue critique de la littérature : axes thématiques de l’étude
Représentations du corps selon les cultures
Les sociétés ont construit des rapports différenciés au corps. Ces constructions normatives corporelles rendent compte des positions culturelles ou sociales que l’on retrouve sur la question pondérale et particulièrement celle de la silhouette, de la peau et du visage. Le corps producteur d’identité par son apparence à travers les tatouages, vêtements et maquillage qui le décorent, occupe une place importante dans les sociétés [9]. En Europe, il est utilisé pour communiquer, séduire, démontrer une appartenance à un groupe. En Afrique sub-saharienne, le corps est considéré dans une quadruple dimension :
➤ la dimension visible (extérieure) qui permet de percevoir, de se mouvoir et de communiquer,
➤ la dimension invisible (intérieure) constituée par la personne et son identité et enfin,
➤ les dimensions sociale et cosmique.
En Asie, le corps est généralement associé à l’esprit de la personne. L´hindouisme considère l´homme constitué de quatre corps à savoir : physique, éthérique (siège de force et vitalité), astrale (siège de désir et d´émotion) et mental (siège de l´âme) .
Les religions monothéiques accordent même une étincelle divine au corps qui doit être l´objet de tous les soins pour préserver son intégrité [10].
Dans les activités de relation avec le monde notamment les activités sociales, il existe une différence entre le corps propre qui est le corps dans sa réalité tel qu´il est conçu par l´usage de la vie et le corps en idée qui est celui conçu par l´entendement de la personne, ce dernier variant en fonction de différentes perceptions culturelles qui lui donneraient un sens. Cependant toutes les cultures restent unanimes sur le fait que la personne ne peut être identifiée seulement à son corps car celui-ci n´étant qu´une partie de la personne dont l´autre définit par le social [2].
Ce corps symbole de communication par diverses techniques corporelles qui sont les façons dont les hommes, sociétés par sociétés se servent de leur corps. Son image est modifiée à chaque instant et notre attitude à l´égard des différentes parties de notre corps peut être déterminée par l´intérêt que lui porte notre entourage. Dans les cultures africaines, le corps a un rôle important dans le processus d´intégration ´un individu au groupe social car il est l´objet de rites et de rituels qui jalonnent cette intégration et dont il garde les marques comme preuve de son appartenance au groupe ; ces marques précisant le statut, la place de l´individu dans le groupe.
L´art d´utiliser le corps nécessite les notions d´éducation et d´imitation sujettes à des changements en fonction des cultures, des générations, du sexe, de l’âge mais aussi en fonction du rendement car il n´y a pas de techniques ni de transmission s´il n´existe de sociétés et cultures [11,4].
Impact de la culture sur le corps
Dans la Grèce antique, la couleur de peau blanche d´une femme incarnait sa beauté, sa fragilité, et son besoin de protection. Par contre, le teint plus foncé d´un homme évoquait son courage, sa virilité et son ardeur au travail. L´on ne considérait l´un ou l’autre comme une valeur supérieure. C´est avec l´expansion de l´occident au-delà des frontières européennes au 15 e siècle que la couleur de la peau a pris une connotation ethnique, les significations attribuées à la couleur noire devinrent de plus en plus péjoratives. La peau noire associée dans l´imaginaire à toutes sortes d’épouvantails. L´ethnocentrisme a séparé l´ancienne représentation de couleur de la peau, les deux teintes s´articulant dorénavant selon des rapports inégalitaires et même antagonistes [12].
Dans la plupart des populations, les femmes ont une couleur de peau plus claire que les hommes, ce dimorphisme sexuel s´explique par le fait que ce sont les hommes qui sont les plus exposés au soleil ; aussi quelque soit les populations concernées, celles de couleur plus claire sont préférées des hommes à l´exemple type du cas des Massa et des Moussey au NordCameroun chez qui la couleur de la peau apparait comme un attribut essentiel de la beauté féminine au point où la dote de la mariée en dépend. La conséquence d´un tel investissement sur une sélection sexuelle où le critère esthétique de beauté repose sur une plus grande clarté de la peau serait à l’origine de l´installation d´une concurrence entre les hommes pour l´accès aux femmes plus claires avec des unions préférentielles entre femmes claires et hommes de haut rang social. Phénomène bien visible au Japon où la couche supérieure de la société apparait plus claire que les autres catégories ; pareillement en Inde ce schéma de stratification de couleurs est observable .
Les grandes civilisations ont mobilisé un ensemble plus vaste de significations. Le Christianisme antique amplifiait déjà le versant négatif de ces représentations avec un symbolisme chromatique très affirmé associant la couleur noire au péché, à la malédiction divine et la couleur blanche à l´idée de la pureté et de la virginité. La civilisation musulmane a hérité de ces émotions antiques liées aux couleurs, preuve de l´existence d´une image dévalorisée du noir avant l´époque coloniale. L´impact de la colonisation va être d´introduire le noir dans le jeu des rapports sociaux et de le rabaisser au bas niveau de l´échelle des positions sociales et des valeurs esthétiques. La conséquence remarquable de cette polarisation entre blanc et noir est une dévalorisation de soi de la part du sujet à peau noire confronter de façon permanente à une stigmatisation de sa couleur allant jusqu´à s´imprimer des modifications volontaires de sa couleur par des pratiques dépigmentantes.
Le recours aux substances dépigmentantes est une chose ancienne, la nouveauté dans les pratiques africaines actuelles réside dans l´utilisation de produits chimiques ou pharmaceutiques employés normalement dans le traitement des dermatoses pour s´éclaircir la peau [6,5]. Le danger vient de l´application de crèmes, savon, lait à base de substances toxiques qui utilisés à des concentrations très élevées constituent de véritables poisons. La dépigmentation volontaire de la peau a des répercussions importantes sur les communautés. Sa pratique crée une dépendance tant physique que morale nécessitant l´achat constant de ces produits couteux avec parfois des répercussions sur les fonds alloués aux dépenses et épargnes familiales. Elle a également un impact néfaste sur la définition des normes sociales qui régissent l´identité du genre : le mythe de la blancheur qui renforce la beauté mais aussi symbole de réussite, de pouvoir et d´émancipation [13].
Conséquences de la dépigmentation volontaire sur la santé
Rappels : histologie et physiologie de la peau
Histologie de la peau
La peau enveloppe la surface du corps, elle est en continuité avec les muqueuses et recouvre les cavités naturelles de l’organisme. Chez l’adulte, la peau présente une surface d’environ deux millimètre carré et un poids d’environ cinq kilogrammes. Son épaisseur varie selon l’endroit du corps de demi à cinq millimètre. La peau est composée de plusieurs couches : l’épiderme, la jonction dermo-épidermique, le derme et l’hypoderme.
L’épiderme
L’épiderme est la couche superficielle de la peau. C’est un épithélium de revêtement, pavimenteux, stratifié et kératinisé. Son épaisseur varie selon la localisation ; il mesure de 0,04 mm au niveau de la paupière à 1,6 mm au niveau des paumes des mains et des plantes des pieds. L’épiderme ne contient aucun vaisseau sanguin ni lymphatique, mais renferme de nombreuses terminaisons nerveuses libres. Il est composé de 4 types de cellules : 80% de kératinocytes ; 5 à 10% de mélanocytes ; 3 à 8% de cellules de Langerhans ; 2 à 5% de cellules de Merkel .
Les kératinocytes
Les kératinocytes sont d’origine ectoblastique. L’ectoblaste est le feuillet le plus externe chez l’embryon au stade de la gastrula qui, au cours du développement, se différencie en organes tels que la peau, les phanères (poils et ongles), les glandes cutanées, mais aussi le système nerveux et les organes sensoriels. Les kératinocytes se répartissent dans les 4 couches composant l’épiderme, ils sont en perpétuel renouvellement. Ce processus de renouvellement se déroule à travers les différentes couches de l’épiderme, de la couche basale à la couche cornée en 4 à 6 semaines.
Ils assurent le renouvellement et la cohésion de l´épiderme grâce aux desmosomes ; la synthèse de la kératine et la protection de l’organisme contre les rayons ultra-violets grâce à la mélanine.
Les mélanocytes
Les mélanocytes constituent la deuxième grande population de cellules de l’épiderme. Ils sont le siège de la synthèse de la mélanine et sont uniquement localisés chez l’adulte, dans la couche basale de l’épiderme. Les mélanocytes possèdent des dendrites en contact avec les kératinocytes de la couche épineuse. Chaque mélanocyte est en relation avec environ 36 kératinocytes, formant ainsi une « unité épidermique de mélanisation ». Les mélanocytes contiennent des mélanosomes, organites intracellulaires synthétisant la mélanine.
Les cellules de Langerhans
Les cellules de Langerhans dérivent des cellules souches hématopoïétiques situées dans la moelle osseuse et sont présentes dans tous les épithéliums pavimenteux stratifiés des mammifères où elles jouent un rôle dans les réactions immunitaires en capturant les corps étrangers (virus, bactéries, allergènes…). Après les avoir capturé grâce à la voie des endosomes, elles les apprêtent et les réexpriment en surface avec les molécules de classe II du CMH. Les cellules de Langerhans migrent ensuite à travers l’épiderme et le derme vers les ganglions lymphatiques où elles présentent l’antigène aux lymphocytes T CD4+ qui jouent un rôle essentiel dans l’initiation et l’amplification d’une réponse immune et adaptative.
Les cellules de Merkel
Les cellules de Merkel sont des cellules neuro-épithéliales dérivant des cellules souches de l’épiderme fœtal. Elles sont localisées entre les kératinocytes dans la couche basale au contact d’une terminaison nerveuse libre. Leur rôle est mal connu mais elles pourraient avoir un rôle de mécanorécepteurs sensoriels.
I. Problématique |