Itinéraire therapeutique des malades chroniques

La dermatologie est une discipline médicale qui s’occupe des maladies de la peau et des phanères. Les affections relevant de la dermatologie sont nombreuses et variées, en consultation de médecine générale, elles représentent environ 10% des demandes de soin (1). Ces affections peuvent être bénignes, ou encore graves. Ces affections graves peuvent être des maladies chroniques, invalidantes, ou des affections aigues engageant le pronostic vital. Les dermatoses bénignes peuvent être traité en milieu périphérique par un personnel non spécialisé, Au Mali, plusieurs programmes visent à renforcer les compétences des agents en périphérie dans ce domaine (2,3). Cependant la prise en charge des affections graves nécessitent assez souvent une consultation en milieu spécialisé. Dans notre contexte, l’insuffisance de personnel qualifié, la répartition inégale sur le territoire, rendent la prise en charge des maladies cutanées périlleuses pour nombre de malade. En outre le faible niveau d’alphabétisation (4) surtout en milieu rural, l’ancrage des pratiques thérapeutiques traditionnelles sont d’autant de facteurs qui retardent la prise en charge adéquate par défaut d’orientation des malades. Les patients résidants en dehors des centres urbains et surtout dans les localités les plus éloignés de la capitale consultent souvent lorsque la maladie est en stade avancé, les lésions sont ainsi dénaturées par divers produits issus soit de la médecine traditionnelle, ou de médicament en vente illicite. En plus des conséquences médicales, les traitements inappropriés peuvent avoir une incidence sur le pouvoir financier des malades. A l’entrée dans les structures spécialisées, le patient peut ainsi se retrouver démuni, avec des difficultés à réaliser les examens complémentaires et/ ou à s’acquitter des prescriptions médicales.

Une meilleure connaissance du parcours thérapeutique des malades graves permettra de mieux orienter les patients, afin d’améliorer la prise en charge. Le but de ce travail premier du genre dans notre pays est de décrire le parcours thérapeutique emprunté par le malade grave reçu en consultation dermatologique au cnam.

Anatomie de la peau

Barrière entre le milieu extérieur et intérieur de notre corps, la peau est un organe complexe dont le fonctionnement a deux finalités :
• la première, assurer la communication entre notre propre organisme et le milieu environnant ;
• la deuxième, protéger notre organisme des agressions extérieures. Chez l’homme, elle est un des organes les plus importants du corps en regard de sa surface et de sa masse avec environ 2 m² pour 5 kilos de poids. Sa connaissance est primordiale pour la pratique de l’esthétique, à la fois au niveau des résultats et des effets secondaires. Sur le plan structural, la peau est constituée de 3 parties principales de l’extérieur vers l’intérieur: L’épiderme, le derme et l’hypoderme.

Epiderme

L’épiderme mesure, suivant les zones de l’organisme, de 1 à 4 millimètres. Il est le plus fin au niveau des paupières où il mesure environ 0,1 millimètre, il est plus épais au niveau des paumes et plantes de pieds où là, il peut atteindre 1millimètre. Le derme est 20 fois plus épais, il est le plus épais au niveau du dos où il peut atteindre 3 à 4 millimètres.

Il est en constant renouvellement. C’est un épithélium stratifié pavimenteux orthokératosique. Les kératinocytes représentent 80% des cellules de l’épiderme et ont un rôle fondamental comme barrière cutanée. La restitution ad integrum de cette barrière cutanée est un des objectifs des traitements esthétiques. En effet, son rôle protecteur assuré par la couche cornée est la résultante de modifications biochimiques, métaboliques et immunologiques qui se font au niveau du kératinocytes tout au long de sa migration de la couche basale jusqu’à sa desquamation finale. Des études récentes soulèvent l’hypothèse que le stratum corneum assurerait un rôle régulateur de la prolifération et différentiation épidermique. Ceci ouvre des horizons importants sur le rôle des peelings notamment superficiels.

Néanmoins, il est important de savoir qu’aujourd’hui la fonction des kératinocytes ne se limite pas uniquement à un rôle de barrière, mais que ce sont également des cellules qui ont une activité immunologique à part entière, pouvant ainsi exprimer des antigènes de classe et certaines molécules d’adhésion comme ICAM1 leur conférant une activité de cellules présentatrices d’antigènes. Ils produisent aussi de nombreuses cytokines (IL-1, IL-8, IL-6, TNF…).

Le kératinocyte migre à travers l’épiderme depuis les couches basales jusqu’aux cellules cornées en 3 semaines en moyenne pour une peau normale. Au microscope optique, les kératinocytes de l’épiderme peuvent être ainsi divisés en quatre couches qui sont de la profondeur à la superficie : la couche basale où ils ont un maximum d’activité proliférative, la couche spineuse, la couche granuleuse, et la couche cornée. Au fur et à mesure de leur montée dans l’épiderme, les kératinocytes perdent cette fonction de prolifération pour entrer dans une phase de différenciation qui, au final, aboutit à la couche cornée, qui assure cette fonction primordiale de barrière cutanée. Celle-ci est schématiquement constituée de piles de cellules nucléées aplaties, les cornéocytes soudés par des jonctions serrées avec un ciment extracellulaire constitué principalement de lipides (céramides, acide gras libres, tryglicérides, cholestérol).

Les kératinocytes basaux comprennent trois populations :
• les cellules souches de l’épiderme que l’on trouve plus particulièrement au niveau des crêtes épidermiques inter-papillaires ;
• les cellules amplificatrices qui se divisent avant d’entrer dans les compartiments de différenciation cités juste avant ;
• les cellules post-mitotiques qui restent en position basale.

Au cours de sa migration au sein de l’épiderme, le kératinocyte voit apparaître en plus des filaments de kératine, au sein de cytoplasme, des granulations basophiles qui sont bien identifiées au niveau de la couche granuleuse, couche où apparaissent les marqueurs de la différenciation terminale de l’épiderme. Par la suite, de manière brutale, les kératinocytesperdent leur noyau et se transforment en cornéocytes qui constituent les couches cornées, ensemble de cellules sans noyau, mais fonctionnelles, réunies par un cément. L’ensemble assure la fonction de barrière de l’épiderme.

Les hémi-desmosomes accrochent les kératinocytes basaux à la matrice extracellulaire et les desmosomes, les kératinocytes entre eux. Au niveau de la couche cornée ces desmosomes se transforment en cornéo-desmosomes. La fonction barrière de la couche cornée est renforcée à sa surface par l’existence d’un film invisible fait d’un mélange de sueur et de sébum, c’est le film hydrolipidique qui rend la peau pratiquement imperméable à l’eau, mais laisse passer des petites molécules permettant ainsi d’appliquer certains médicaments et certains cosmétiques.

Au total donc, la différenciation épidermique peut être considérée comme un processus de maturation continue et orientée des kératinocytes avec des changements morphologiques, et biochimiques, le tout aboutissant à la formation de la couche protectrice superficielle constamment renouvelée .

Aujourd’hui, l’identification des antigènes constituant l’épiderme par immunohistochimie permet d’avoir une approche plus précise de leur localisation et de leur disparition.

Ainsi, les kératines qui sont les filaments intermédiaires des cellules épithéliales ont une expression différente entre les cellules de la couche basale et les cellules de la couche cornée (kératines k1 à k20). En ce qui concerne les cellules souches kératinocytaires, elles sont situées au niveau du bulge (zone entre la glande sébacée et le point d’attache du muscle érecteur) du follicule pilosébacé. Les principaux marqueurs reconnus pour leur identification aujourd’hui sont K15, CD200, CD34, CD271, mais leur identification demeure difficile car un marqueur spécifique est toujours recherché. Elles ont aussi comme caractéristique d’exprimée plus fortement les intégrines Béta 1 et le facteur de transcription P53 [7,8].

Les données immunohistochimiques permettent également de mieux connaître les molécules constituant les desmosomes qui peuvent être divisées en molécules transmembranaires et en molécules constituant les plaques situées sur le versant interne de la membrane cellulaire. Les principales molécules transmembranaires sont les desmogléines (1, 2, 3) ainsi que les desmocollines (1, 2 et 3). Les principales molécules des plaques sont les desmoplakines (1 et 2) l’envoplakine, la périplakine, la plakoglobine, et les plakophillines (1 et 2).

À noter qu’il existe un troisième type de molécule qui n’est ni une molécule de plaque ni une molécule transmembranaire et qui s’appelle la cornéodesmosine. Elle se situe dans la partie superficielle de l’épiderme.

La molécule qui constitue les grains de kératohyaline de la couche granuleuse est la profilagrine qui au niveau de la couche cornée se transforme en filagrine. Les molécules de l’enveloppe des cornéocytes sont nombreuses. Les plus connues sont la loricrine et linvolucrine.

L’étude immuno-histochimique de ces molécules permet d’étudier les conséquences des traitements physiques au niveau de la barrière cutanée. À côté des kératinocytes, 20% des autres cellules sont constituées par :

➤ les mélanocytes qui sont la deuxième grande population cellulaire de l’épiderme et dont la fonction est d’assurer la synthèse des mélanines. Ces dernières ont pour rôle de donner à la peau sa couleur, les phéomélanines étant des pigments jaune-rouge et les eumélanines des pigments brun-noir. La répartition entre phéomélanines et eumélanines est à l’origine du phototype cutané ;

➤ les cellules de Langerhans représentent la troisième population cellulaire de l’épiderme (3 à 8% des cellules épidermiques), elles appartiennent au groupe des cellules dendritiques présentatrices des antigènes au lymphocyte T. Produites au niveau des organes hématopoïétiques, elles migrent vers l’épiderme où elles sont considérées comme des cellules dendritiques indifférenciées avec un marqueur spécifique qui est l’antigène CD1a. Le rôle des cellules de Langerhans est de capturer les antigènes, d’en assurer l’endocytose et de les réexprimer à leur surface avec les molécules de classe II du CMH pour activer les lymphocytes T ;

➤ les cellules de Merkel constituent la quatrième population cellulaire de l’épiderme. Ce sont des cellules neuroépithéliales, qui dérivent des cellules souches de l’épiderme foetal et qui ont une fonction de mécanorécepteur. Ces cellules sont particulièrement abondantes au niveau des lèvres, des paumes, de la pulpe des doigts et du dos des pieds. Elles sont à l’origine de la tumeur de Merkel.

Table des matières

1. Introduction
2. Objectifs
3. Généralités
4. Patients et Méthodes
5. Résultats
6. Commentaires et discussion
7. Conclusion

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