Bilan des activites de depistage des lesions precancereuses et cancereuses du col de l’uterus

Le cancer du col utérin est une néoformation tissulaire due à une prolifération cellulaire excessive, anormale, anarchique, et autonome qui se développe aux dépens du col de l’utérus [1]. A l´échelle mondiale, le cancer du col de l´utérus est le 2 ème cancer le plus fréquent chez les femmes après celui du sein avec une fréquence de15% [2, 3]. Selon certains auteurs, 466000 nouveaux cas sont répertoriés chaque année dans le monde ; dont 3/4 vivent dans les pays en développement [4]. C´est le cancer le plus répandu parmi la population féminine de ces pays où, il représente la première cause de mortalité chez les femmes d´une cinquantaine d´années et, la 2ème cause (après la mortalité maternelle) chez la jeune femme et la multipare [5, 6]. Au Mali, depuis 1985, la fréquence du cancer du col utérin est en augmentation [7, 8]. Selon les données du registre des cancers du Mali, le cancer du col utérin vient en première position des cancers féminins, avec une fréquence de 26,6% et une incidence de 35,1 pour cent mille habitants [9]. La vaccination contre le HPV a été récemment lancée pour prévenir l’infection chez les jeunes filles par les quatre types de souches les plus importants, responsables de la genèse du cancer du col de l’utérus. Cependant la prévention de ce cancer devra encore reposer sur la détection précoce des lésions précancéreuses par la méthode d’inspection visuelle. Près de la moitié des cancers du col utérin ne sont pas diagnostiqués ou sont déjà incurables au moment de leur diagnostic dans nos pays [10]. Ce qui est déplorable pour un organe aussi accessible à l’exploration et au traitement.

En effet, l’apparition d’un cancer nécessite le passage par des lésions précancéreuses pouvant mettre en moyenne 15 à 20 ans à se développer après la persistance d’une infection à HPV à haut risque, lésions aux quelles plusieurs appellations ont été attribuées par les différentes classifications : dysplasies, néoplasies intra épithéliales (CIN), lésions précancéreuses de bas et de haut grade. En effet, dès 1980, des études ont rapporté que la simple observation du col utérin au spéculum et surtout, l’application de l’acide acétique et du lugol sur le col utérin a une sensibilité comparable sinon meilleure à celle du frottis cervico-vaginal [11]. Le dépistage par la méthode IVA-IVL a commencé au Mali en 2001 où il a permis d’avoir un échantillon statistiquement représentatif de la population étudiée [12].

Rappels anatomique et histologique

Rappel anatomique 

Le col est la portion fibromusculaire basse de l’utérus.
Il comprend :
Une partie supérieure appelée partie supra vaginale située au dessus du vagin et une partie inférieure appelée partie intra vaginale ou portion vaginalis qui fait saillie dans le vagin localisé plus bas par l’orifice externe (ostium externe) et communique avec le corps par l’orifice interne (ostium interne). Le col mesure 3 à 4 cm de long et 2,5 à 3,5 cm de diamètre, de forme cylindrique, de direction oblique légèrement en arrière. Ces dimensions peuvent cependant varier au cours de la vie de la femme en fonction de l’âge, de la parité et du statut menstruel. Chez la nullipare, le col est arrondi et son orifice externe a un aspect circulaire ou ovulaire de 3 à 4 mm de diamètre ; par contre il est volumineux et son orifice externe devient large et entouré de tubercules et de dépressions chez la multipare. Lorsqu’on place le spéculum, la partie visible du col est appelée exocol et la partie qui s’étend à l’intérieur de l’orifice cervical externe est appelée endocol. Le col est percé en son milieu par le canal endocervical qui relie la cavité utérine par son orifice interne à la cavité vaginale par son orifice externe .

Rappel histologique 

Le col est constitué d’un mélange de tissu conjonctif fibreux au sain du quel on rencontre des fibres musculaires lisses et des fibres élastiques. La portion intra vaginale du col de l’utérus comprend une muqueuse exocervicale et une muqueuse endocervicale qui sont normalement contigües sur une ligne exocervicale appelée zone de jonction pavimento-cylindrique (JPC) .

L’exocol 
Il est recouvert par un épithélium en continuité avec celui du vagin de type malpighien ou pavimenteux pluristratifié riche en glycogène. A l’examen visuel il apparait rose pâle. Son architecture histologique révèle 5 couches qui vont de la profondeur à la périphérie :
– Une couche germinatrice ou basale profonde : elle est faite d’une seule assise de cellule de petite taille, de forme cylindrique, tassées les unes contre les autres en palissade le long de la membrane basale ;
– Une couche basale externe formée par 3 ou 4 assises de cellules analogues mais un peu plus volumineuses. On retrouve des mitoses dans les cellules les plus profondes.
– Une couche intermédiaire formée de 5 ou 6 couches de cellules plus volumineuses, polyédriques et séparées par un espace intercellulaire ; Ces cellules ont un cytoplasme abondant et clair qui contient beaucoup de glycogène.
– Une couche superficielle ou zone de kératinisation intra épithéliale de DIERKS ; elle est formée de 6 à 8 couches de cellules qui s’aplatissent progressivement vers la surface. Leur membrane est épaisse, leur cytoplasme occupé par du glycogène que le lugol colore en brun acajou, leur noyau est petit et homogène.
– La zone de desquamation est constituée par des cellules qui se détachent facilement de la surface de la muqueuse. Elles desquament isolément et gardent leurs noyaux. Elles constituent les étalements des frottis exocervicaux.

L’endocol 
Il est tapissé par un épithélium cylindrique uni stratifié encore appelé épithélium glandulaire avec une seule couche de cellules hautes aux noyaux de couleur sombre et un cytoplasme mucosécrétant lubrifiant le col et le vagin. Il s’invagine dans le stroma cervical provoquant la formation des cryptes endocervicales donnant à l’épithélium un aspect granuleux à l’examen visuel. On observe parfois une prolifération localisée de l’épithélium cylindrique endocervical sous forme d’une excroissance rouge faisant saillie à partir de l’orifice externe (OE) appelé polype cervical. Il n’y a pas de mitoses ni de glycogénation dans l’épithélium cylindrique. A l’absence de glycogène intracytoplasmique, l’épithélium cylindrique ne change donc pas de couleur après l’application de lugol.

La jonction pavimento-cylindrique 
C’est la jonction de l’épithélium pavimenteux malpighien et de l’épithélium cylindrique. Elle se présente sous l’aspect d’une ligne étroite marquée par une dénivellation à cause de la différence d’épaisseur entre les épithéliums pavimenteux et cylindrique. Sa localisation varie au cours de la vie en fonction de certains facteurs tels que l’âge, la parité, le statut hormonal, l’utilisation de contraception orale, le traumatisme entrainé par l’accouchement et certaines conditions physiologiques telle que la grossesse. Chez la fillette et la nullipare l’orifice externe est arrondie, la JPC se situe à un niveau où très proche de l’orifice externe du col. Chez la jeune femme en début de la période de reproduction, sous l’influence des œstrogènes, le col se gonfle et s’élargit tandis que le canal endocervical s’allonge. Il en résulte une éversion sur l’exocol de l’épithélium cylindrique (ectropion) éloignant la JPC de l’orifice externe.

Chez la femme d’une trentaine d’année, en période de reproduction la JPC se rapproche de l’orifice externe et apparait sous la forme d’une ligne blanche après application d’une solution d’acide acétique à 5% à cause de la présence d’un épithélium pavimenteux métaplasique immature adjacent à la nouvelle JPC. A la période pré ménopause, la JPC se situe au niveau de l’orifice externe à cause de la diminution du taux d’œstrogène entrainant une diminution de la taille du col, et par conséquent, un déplacement plus rapide de la nouvelle JPC vers l’orifice externe et dans le canal endocervical. Après la ménopause la nouvelle JPC n’est plus visible ; elle a disparu dans l’endocol. L’épithélium pavimenteux métaplasique mature s’étend sur presque tout l’exocol. Elle se situe dans le canal endocervical donc n’est presque pas visible. Entre ces 2 épithéliums, il se forme une zone de remaniement (ZR) qui correspond à la région du col où se produit la métaplasie pavimenteuse ou malpighienne c’est à dire la région où l’épithélium cylindrique est remplacé par un nouvel épithélium pavimenteux métaplasique. Cette zone est fragile, ulcérable et subit des remaniements mécaniques et inflammatoires entrainant l’existence des lésions. Elle mesure d’après F. Fluhmann 6 mm de long en moyenne (1à10mm) chez l’adulte. Cette zone constitue donc généralement le point de départ de toutes les néoplasies cervicales à proximité de la JPC .

Principe physiopathologique des tests IVA/IVL

L’inspection du col de l’utérus à l’œil nu, après application d’acide acétique à 5% (IVA) et/ou de soluté de lugol (IVL), constitue un test simple de détection précoce des lésions cervicales précancéreuses et du cancer invasif débutant. La classification des résultats de l’IVA et de l’IVL repose sur les changements de couleur observés au niveau du col, cependant une parfaite connaissance de l’anatomie, de la physiologie et des pathologies du col, sont essentielles à la compréhension des principes de l’IVA et de l’IVL et à l’interprétation des résultats obtenus par ces tests de dépistage.

Table des matières

1. INTRODUCTION
2. GENERALITES
2.1. Rappels anatomique et histologique
2.2. Principe physiopathologique des tests IVA/IVL
2.3. Généralités sur les cancers du col utérin
3. MATERIEL ET METHODES
3.1. Cadre d’étude
3.2. Type et période d’étude
3.3. Population d’étude
3.4. Echantillonnage
3.5. Matériel de travail
3.6. Collecte des données
3.7. Gestion des données
4. RESULTATS
4.1. Fréquence des lésions précancéreuses et cancéreuses
4.2. Caractéristiques sociodémographiques
4.3. Caractéristiques cliniques
4.4. Caractéristiques histologiques
4.5. Analyses bivariées
5. DISCUSSION
5.1. L’approche méthodologique
5.2. Caractéristiques sociodémographiques de la population étudiée
5.3. Caractéristiques cliniques des patientes
5.4. Résultats histologiques
6. CONCLUSION

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