PERTINENCE DU THÈME DE LA RECHERCHE
L ‘histoire nous apprend que le peuplement initial de l’espace géographique où se situe l’ actuelle capitale régionale est dû à la présence d’autochtones d’origine amérindienne pour s’enrichir progressivement avec le passage des explorateurs et l’arrivée des premiers occupants d’ origine européenne et, dans un passé proche, s’est diversifié davantage avec l’accueil des segments de population d’origine asiatique, africaine et des Caraïbes grâce aux politiques canadiennes d’immigration. L’avènement de l’immigration internationale contemporaine ne facilite pas les choses, car après un peuplement autrefois lent et difficile, dans le souci de son progrès, la ville se bat actuellement pour retenir ses jeunes et sa population immigrante sur son territoire et contrer les mouvements d’ exode vers les plus grandes métropoles (Gosselin, 2006: 48 ; Larrivée, 2006: 18). L’ immigration constitue l’un des outils importants dont s’ est doté le gouvernement du Québec pour relever ses défis de développement. Le plan d’ immigration du Québec pour l’ année 2008 illustre bien cette importance. Ce plan prévoit que le Québec sélectionnera entre 36 500 et 38 000 immigrants en 2008. Le quota prévu a atteint en 2007 le total de 36300 personnes sélectionnées alors qu’en 2005 le total d’ admissions prévues était de 43 321 (MICC2 2008). L’immigration est actuellement la principale source de croissance de la population active au Québec et elle en sera encore plus dans les années à venir. C’est pour répondre à ses responsabilités que le gouvernement du Québec a fait de l’intégration professionnelle des immigrants l’une de ses priorités. Mais au-delà de vouloir en faire un outil pour assurer la pérennité de sa machine économique, Jacques Robert (2005: 71) avance que la province reconnaît que l’immigration peut aussi l’aider à relever quelques-uns de ses autres défis, notamment le redressement démographique, et l’ouverture sur le monde. Toutefois, cette «solution» soulève quelques problèmes.
Certes en référence à notre étude, mentionnons aussi la reconnaissance des qualifications professionnelles étrangères dans un délai convenable. Cet effort facilitera en retour le rapprochement interculturel avec les Québécois puisqu’il conditionne indirectement l’intégration sociale, économique, et culturelle des immigrants à la société québécoise. Pourtant, l’insertion professionnelle des nouveaux venus n’est pas aussi rapide et réussie qu’on le souhaiterait. C’est de cette constatation que relève la pertinence d’étudier les questions d’ ordre socioculturel propres à la population immigrante localisée dans les régions périphériques du Québec. Une révision des considérations sociales et culturelles émanant des expériences du parcours d’établissement et d’adaptation de cette population dans une ville secondaire telle que Rimouski permettrait d’aborder la question sous un autre angle. À cet égard, Pierre Vincent (1994: 267-268) fait le constat que l’immigration pose un immense défi dans les territoires québécois. En particulier, la politique de régionalisation de l’immigration soutenue par le gouvernement du Québec peut favoriser le progrès des villes des régions périphériques ou ressources en leur permettant d’asseoir leur politique de développement sur la prise en compte des apports des communautés culturelles étrangères. Le Quotidien du 30 juin 2006 argumente par ailleurs que si l’immigration est censée participer au redressement démographique, l’apport des immigrants à ce titre n’est pas à négliger. Chantal Girard (2007: 27) avance que l’indice synthétique de fécondité avait atteint 1,62 enfant par femme en 2006, 1,52 en 2005 et 1,48 en 2004. Au Québec, le nombre moyen d’enfants par femme est passé sous le seuil de remplacement des générations (soit 2,1 enfants par femme) en 1970 et a poursuivi sa décroissance jusqu’en 1987 soit à 1,36. Il a ensuite augmenté et s’est maintenu au-dessus de 1,6 enfant par femme de 1990 à 1996, avant de retomber à 1,45 en 2000. La remontée récente ramène l’indice au même niveau qu’il y a une décennie.
Le maintien de cet indice au-dessus du seuil de remplacement des générations, l’accroissement naturel (naissances moins décès) et l’immigration font ainsi partie des préoccupations nationales, car cet ensemble contribue à la croissance de la population qui en retour influence l’économie nationale. En effet, la croissance démographique compte beaucoup pour les industries nationales qui ont besoin de main-d’oeuvre et qui doivent faire face au vieillissement de la population qui prend vite de l’ampleur dans les différents secteurs de production. Voilà pourquoi selon les arguments du Conseil du Patronat du Québec (2007: 5, 6, 10), il dépend du dynamisme des villes régionales du Québec comme Rimouski que leurs acteurs participent à la réalisation de la politique de régionalisation de l’immigration. Il importe également que ces villes innovent dans leurs efforts de rétention des nouveaux habitants en privilégiant par exemple des immigrants économiques capables de générer de l’emploi. L’ importance de l’intégration socioculturelle des immigrants ne se limite pas au contrat moral (ou adhésion volontaire) passé entre la société d’ accueil et l’ individu. Elle ne repose pas non plus exclusivement sur la volonté politique des autorités, ou sur la mise en oeuvre des démarches d’accueil et d’accompagnement. Il y a aussi la question de la facilitation du rapprochement interculturel qui forme un enjeu très important dans l’ établissement des personnes immigrantes. Cela signifie aussi l’ aptitude des nouveaux venus à découvrir la culture (us et coutumes) et à socialiser avec les membres du milieu hôte.
Comprendre le processus d’intégration socioculturelle
En effet, ce terme «intégration» est un concept polysémique qui fait référence à un processus et à un état d’être. Il évoque une réalité variable qui fait appel à des paramètres relativement clairs comme nous le dit Sylvie Fortin. (2000: 1). Ses origines remontent à l’oeuvre du sociologue Émile Durkheim (1858-1917). Pour celui-ci, le concept fait allusion à une propriété de la société elle-même, qui lui permet d’exister comme une unité cohérente malgré les différences entre individus qui y vivent: il n’y a pas d’ abandon complet de l’ identité des groupes coexistants. Fortin (2000: 2-3) commente le fait que, d’ après Durkheim, le lien fondamental entre les différentes formes de cohésion sociale et l’intégration des individus se révèle par la capacité potentielle d’une société à agir comme pôle intégrateur; son degré d’intégration dépend du type de solidarité qui y prévaut. En référence à Piché et Bélanger (1995: 10), nous ajouterons que, dans ce processus d’intégration, les migrants et les hôtes s’influencent mutuellement et finissent par se transformer de façon homogène avec le temps. Différents contextes sont donc utilisés pour montrer la variance dans l’application du concept «intégration».
Dans notre étude, nous mentionnerons Paecht (2004: 22-23) pour qui l’intégration sociale et économique consiste à considérer qu’à partir du moment où l’on travaille, on bénéficie des mêmes droits sociaux que les locaux, alors que l’intégration culturelle passe par l’acquisition de la langue et la possibilité de s’approprier la culture (ou des habitudes) du pays dans lequel on essaie de s’implanter. Collectivement, les notions précitées nous amènent à dire que cette intégration socioculturelle réfère à l’ensemble des connaissances, des comportements, des systèmes collectifs et des structures (sociales, religieuses, etc.) que pourrait apprendre l’individu (dans notre cas l’immigrant) concerné, en plus de ses expériences antérieurement acquises; et qui est transmis socialement par les acteurs locaux. Cette compréhension va de pair avec la contribution de Piché et Bélanger (1995), de qui on tire l’ idée de l’harmonisation – relative aux identités des parties concernées – facilitée par le «polissage» du temps. Ainsi, on identifie dans ce processus deux acteurs principaux qui y contribuent: le réel effort de la part de l’immigrant, ainsi que le rôle de facilitateur de la part de l’autorité locale et/ou des hôtes. (Paecht, 2004: 22-23)
La pertinence des politiques d’intégration
C’est le même avis que partage Mario Buzzanga (1975: 50-53) lorsqu’il dit que la personne qui vit dans une société en transformation peut échapper à la catégorisation définitive à condition d’être fort patiente. Il faut laisser faire le temps malgré le sentiment d’ incertitude que peut inspirer le milieu dans lequel cette personne se trouve. À la différence d’une société stationnaire où l’individu finit par devenir ce que les autres disent qu’il est, une société en transformation oublie facilement les défauts comme les qualités, la pauvreté comme la richesse. Ces états y sont vite effacés par le temps tandis qu’ une société stationnaire voit sa structure sociale et culturelle rester longtemps permanente. Ce dernier cas de figure (société stationnaire) semble caractériser un grand nombre de sociétés de provenance des immigrants dits de minorité visible du Québec (les populations de souche africaine, arabe et asiatique). Dans son étude, Marie Chevrier (1993 : 136, 157, 158) ajoute que l’on reproche à Rimouski divers «défauts » et faits tels que l’hiver, le manque d’ un réseau de transport adéquat, la difficulté d’obtention d’un emploi, l’éloignement des grands centres. Malgré la persistance des problèmes évoqués, nous mentionnerons qu’avec le temps il existe un réel progrès dans certains domaines grâce à un nombre de mesures incluses dans les actions approuvées par le Comité interministériel à l’intégration. Nous mentionnerons à titre d’exemple l’octroi des permis de travail aux étudiants internationaux dans un court délai à Rimouski .
Scientifiquement parlant, notre approche dans ce travail de recherche soutient l’idée de la définition d’une politique d’intégration socioculturelle propre à la ville, mais conforme au modèle d’intégration québécois; celui-ci étant fondé sur une approche citoyenne inclusive dont la démarche va de 1’accueil des nouveaux arrivés jusqu’à l’effort favorisant la pleine participation citoyenne (ou responsable) de tous les résidents issus de l’immigration. Cette intégration suscite une participation active conciliable avec le maintien des spécificités tant culturelles, sociales, économiques que morales tout en tenant pour acquis que l ‘ensemble s ‘enrichit de cette variété et de cette complexité. Cette affirmation fait ressortir une dualité du terme intégration: il s’agit de l’appartenance à la communauté politique d’ une part, qui abolit toutes les singularités des personnes (la population accueillante et la population immigrante). Il est question, d’ autre part, du maintien de «spécificités» qui concourent à l’enrichissement du patrimoine socioculturel de la communauté d’accueil provenant des nouveaux arrivants en plus de certaines valeurs culturelles des immigrants.
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