L’étude de l’histoire des droits de l’homme suppose que soit d’abord précisée la naissance de ces droits depuis l’Edit de Nantes jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle (§1). L’évolution des droits de l’homme depuis le vingtième siècle, période qui démarre avec la Déclaration universelle des droits de l’homme (§2).
DE L’EDIT DE NANTES A LA FIN DU DIX-NEUVIEME SIECLE
Pour cette période de longue durée, les droits de l’homme connaissent quatre périodes essentielles. L’Edit de Nantes est la base de tous les droits de l’homme connus sous la configuration actuelle (I). Ils tirent également leur naissance de l’Angleterre (II), des Etats-Unis d’Amérique avec comme point de départ la Déclaration de Virginie suivie de celle de l’indépendance américaine (III). L’on n’oubliera pas de citer les différents documents présentés en forme des Déclarations de la République française (IV).
DE L’EDIT DE NANTES
Nous avons déjà dit en liminaire de ce travail qu’on considère souvent les Dix commandements énoncés dans l’Ancien Testament comme l’un des textes fondamentaux d’une sorte de « préhistoire des droits de l’homme ». Plus ancien encore, le Code d’Hammourabi, fondateur du premier empire de Babylone vers 1730 avant Jésus-Christ, est un recueil de 282 articles qui, à côté de règles établies pour les tribunaux, détermine les droits de la famille et du commerce. Ces textes, cependant, comme les textes grecs et romains du même type, pour importants qu’ils soient, ont pour seul objectif de fixer les règles de fonctionnement des sociétés humaines. Et ne se préoccupent pas encore des droits de la personne humaine.
C’est la révolte contre l’arbitraire des monarchies absolues qui va faire naître un nouveau type de revendications. Ce mouvement des libertés est le plus précoce et le plus soutenu en Angleterre. Il se poursuit en Amérique avec la conquête de l’indépendance, pour culminer pendant la Révolution française avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Mais Genève ne fut pas en reste, puisque, dès 1387, le prince-évêque Adhémar Fabri ratifia les ordonnances, coutumes, franchises et libertés des citoyens de la ville et s’engagea à les respecter, lui et ses successeurs, à perpétuité. Entre autres droits, les Franchises de Genève reconnaissaient aux citoyens ceux de n’être plus taillables et corvéables à merci et de ne plus pouvoir être arrêtés arbitrairement. Elles garantissaient, également aux étrangers, la sécurité des personnes et de leurs biens.
Deux siècles plus tard, l’Edit de Nantes , signé le 13 avril 1598, pris par Henri IV, apparaît comme un jalon pionnier de la longue histoire de la conquête des libertés publiques et individuelles. La proclamation de cet édit est devenue, aujourd’hui, une référence intellectuelle universelle. Cet édit de tolérance, unique en Europe, visait à faire coexister deux confessions, catholique et protestante, avec les mêmes droits au sein d’un Etat catholique. De nombreuses concessions furent accordées aux protestants : outre la liberté de conscience, ils pouvaient jouir de la liberté de culte. Sur le plan juridique, une amnistie rendit aux protestants l’intégralité de leurs droits civiques. Sur le plan politique, ils eurent accès à tous les emplois et eurent le droit de porter des remontrances au roi. Enfin, une centaine de places de sûreté leur furent accordées en signe de bonne foi.
L’édit de Nantes, bien qu’ayant clôturé en France la période troublée de guerre de religions, n’est pas le premier texte de ce type en France. Suite aux troubles constatés depuis quatre décennies, le roi de France, Charles IX, signe l’édit de Saint-Germain (ou édit de Janvier) le 17 janvier 1562 qui a le même esprit que le futur édit de Nantes en accordant la liberté de culte aux protestants dans les faubourgs. On peut noter également l’édit d’Amboise (19 mars 1563) qui réduit les droits aux seuls gentilshommes, ainsi que la paix de Saint-Germain (8 août 1570) qui accorde la liberté de conscience, la liberté de culte et quatre places fortes : La Rochelle, Cognac, Montauban et La Charité-sur-Loire. Ce qui fait la différence entre ces textes et l’édit de Nantes, c’est la mise en application réelle de ce dernier grâce à l’autorité d’Henri IV, qui était lui-même un ancien réformé.
LA NAISSANCE DES DROITS DE L’HOMME EN ANGLETERRE
L’Angleterre a efficacement contribué à l’émergence des droits de l’homme dans le monde. Nous pouvons citer les grands textes : la grande Charte de liberté de 1215, les droits de pétition de 1628, l’Habeas corpus de 1679 et la Déclaration des droits de 1689 .
La Magna Carta Libertatum de 1215
Dès le début du XIIIème siècle, la noblesse anglaise se révolte contre les excès de la monarchie. A la suite de la multiplicité des abus, les barons révoltés, émigrés en France, rédigent à l’abbaye cistercienne de Pontigny (dans l’Yonne) la Magna Carta Libertatum – aussi appelée Grande Charte des libertés d’Angleterre. Considérée comme le premier texte constitutionnel de l’Angleterre et le fondement de ses libertés, ce long texte en latin de 63 articles fut imposé par les féodaux anglais à leur suzerain Jean Sans Terre le 12 juin 1215.
La Charte énumère les privilèges accordés à l’Eglise d’Angleterre, à la Cité de Londres, aux marchands, aux dignitaires féodaux du régime ainsi que les garanties précises concernant la liberté individuelle des sujets : « Aucun homme libre ne sera arrêté ou emprisonné si ce n’est en vertu du jugement légal de ses pairs ou en vertu de la loi du pays ».
La Grande Charte est le premier texte établi contre l’arbitraire de la Couronne et prévoyant des mesures de protection précises des libertés individuelles. Il sera repris et élargi par la suite, entre autres le 5 novembre 1297 sous le règne d’Edouard 1er.
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