Ration legis de la loi portant statut d’anciens chefs d’Etat élus en RDC
Le ratio legis de la loi portant statut d’anciens chefs d’Etat élus en RDC sera dégagé en fonction de deux questions sous-entendues dans l’exposé des motifs de cette dernière : estce une garantie pour l’alternance au pouvoir ? (§1), est-ce une manière d’assurer ses arrières ? (§2) tout en se référant au droit comparé pour enfin dégager le contenu de la loi sous examen (§3).
Une garantie pour l’alternance au pouvoir ?
Il est judicieux qu’il y ait un statut aux anciens Présidents africains pour sécuriser les démocraties émergentes et y ancrer le principe de la limitation du nombre de mandats. Autrement dit, si la nation, constituante et législatrice, ne se préoccupe pas de ménager une vie après le pouvoir, l’alternance démocratique risque d’être lourdement hypothéquée : le président en exercice pourrait succomber à la tentation de faire changer préventivement les règles du jeu par le pouvoir de révision souverain pour se maintenir au sommet de l’État, et le Président battu pourrait ourdir quelque complot contre son successeur , pour effacer l’humiliation de la perte «sèche » du pouvoir et/ou se prémunir contre des poursuites judiciaires vexatoires. La démocratie n’aurait de chances de s’enraciner en Afrique qu’au prix de l’octroi d’un généreux statut à ceux qui ont servi la nation .
D’après l’exposé des motifs de la Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués, les dispositions de cette loi sus indiquée plaident en faveur de la paix, la stabilité des institutions et la consolidation des acquis de la démocratie. Depuis son accession à l’indépendance le 30 juin 1960, en dépit de son aspiration démocratique, la République Démocratique du Congo n’a jamais expérimenté l’alternance démocratique. Cette aspiration est souvent entravée par des crises politiques et rébellions à répétition.
De manière générale, ces crises tirent leur origine dans l’insécurité éprouvée par des anciens animateurs des institutions et de corps constitués de la République .
Dans la même perspective, l’article 104 alinéas 7 de la Constitution fixe le sort des anciens présidents de la République élus. Cependant, force est de constater à ce jour que ces mécanismes s’avèrent insuffisants pour garantir l’alternance démocratique, ainsi que la stabilité et la pérennité des institutions de la République pour la consolidation de la démocratie . En effet, comme le sous-entend l’exposé des motifs de la loin°18/021 du 26 juillet 2018 précitée, les avantages accordés aux anciens chefs d’Etat en plus de ceux qu’ils ont comme sénateurs à vie se justifient par le seul fait que le Président arrivé fin mandat, trouvait insuffisant et moins sécuritaire pour lui le statut de sénateur à vie accordé à tous les anciens Présidents de la République élus. Il lui a fallu cette loi, avec tous les avantages exorbitants qu’elle accorde aux anciens chefs d’Etat élus, pour enfin se convaincre et convaincre sa famille politique de laisser les élections se tenir. Plus concrètement, tant qu’il n’avait pas encore obtenu toutes les garanties sur sa vie après la présidence, il ne pouvait pas accepter de lâcher le pouvoir. D’où la nécessite de loi n°18/021 du 26 juillet 2018 précitée en vue de garantir l’alternance démocratique, ainsi que la stabilité et la pérennité des institutions de la République pour la consolidation de la démocratie.
Par contre, nous estimons qu’il n’y a pas des meilleures garanties que celles qu’offrent la Constitution et les lois de la République, à condition que le Président de la République les respecte et respecte le peuple qui l’a ainsi élevé aux plus hautes fonctions de l’Etat. Il n’est donc pas décent de mettre sur place une loi spéciale aux allures d’une prime à l’impunité ou d’une incitation à violer les lois de la République et à commettre des crimes économiques au profit de soi-même et de sa famille. D’autant plus que, même des vieilles démocraties ne dispensent pas leurs chefs d’Etat de respecter la Constitution et les lois de la République pour enfin espérer bénéficier paisiblement de leur nouveau statut, à la fin de leur mandat. A ces propos, les anciens Présidents français se contentent uniquement de leur statut constitutionnel des membres à vie du Conseil constitutionnel, prévu à l’article 56 de la Constitution française : « en sus des neufs membres prévus ci-dessous, font partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République ».
Le cas de l’Italie s’apparente à celui de l’article l04 alinéa 7 de la Constitution de la RDC car les ex Présidents italiens deviennent automatiquement aussi des sénateurs à vie .
Au Bénin, la Constitution prévoit à l’article 48 que « la Loi fixe la liste civile du Président de la République et détermine la pension à allouer aux anciens Présidents de la République » . De tout ce qui précède, nous avons constaté que sous d’autres cieux, c’est avec un soin tout particulier que sont choisis les éléments du statut des anciens chefs d’Etat élus, en écartant l’édiction d’un régime d’immunités contrairement à la RDC avec la loi portant statut des anciens chefs d’Etat élus. Parmi, les éléments de leur statut : la participation symbolique à la vie publique, l’appartenance éventuelle à une institution de la République ou soit l’allocation des pensions et autres avantages matériels pour préserver la dignité des anciens chefs d’Etat.
Une manière d’assurer ses arrières ?
D’après l’initiateur de la proposition de cette loi, l’objectif est de sécuriser matériellement et politiquement les anciens chefs de l’État . S’il est moralement correct qu’en plus d’être sénateur à vie, tout ancien chef de l’État bénéficie d’un traitement distinctif compte tenu des services rendus à la nation au plus haut sommet, il ne paraît pas justifier que les dispositions de cette loi sous examen, en l’occurrence l’article 7, mettent à l’abri des poursuites pénales tout ancien Président de la République pour les actes posés dans l’exercice de ses fonctions . En effet, pour être impersonnelle, une telle loi n’aurait de sens que si, elle s’appliquerait aux seuls chefs d’Etat qui, durant son règne, aura effectivement œuvré et milité en faveur de la paix et de la stabilité des institutions et qu’en plus d’être générales et non personnelles, les lois sont adoptées partout au monde pour régir le futur et non le présent. D’autant plus que, même des vielles démocraties comme les États-Unis et la France accordent un Statut spécial à leurs anciens présidents. C’est ainsi que malgré leur statut d’anciens chefs d’État, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont été poursuivi en justice après la fin de leurs mandats pour les actes posés pendant l’exercice de ces derniers. C’est pourquoi, rien ne justifie dans une démocratie émergente, que les ex-chefs d’État continuent de jouir de certaines immunités ou soit carrément soustraits à toute poursuite judiciaire. Rendus à la vie civile, ils devraient jouir uniquement des avantages matériels et de certains privilèges pour avoir servis la nation au plus haut sommet, ni plus, ni moins. Les immunités, voire l’impunité, blessent l’esprit du bien public, car elles banalisent la criminalité de l’État au sommet, ce qui se révèlerait comme une manière de réduire en cendres la République . A ces propos, il est de notre avis que la meilleure sécurisation des anciens chefs d’Etat est celle devant être garantie par eux- mêmes en œuvrant effectivement pour la bonne gouvernance à travers la répartition équitable du revenu national. Cette répartition équitable doit se matérialiser par l’amélioration des conditions sociales de la population, le respect sans faille de toutes les catégories des droits humains ainsi que la lutte contre l’enrichissement illicite, le détournement des derniers publics et d’autres richesses de la RDC, la lutte effective contre la corruption, l’impunité ou les régimes des intouchables.
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