Limites de l’anthropométrie traditionnelle
Les données anthropométriques traditionnelles sont des mesures unidimensionnelles qui correspondent à des distances entre des points de repère anatomiques ou à des circonférences à des endroits spécifiques . Ces mesures sont prises avec des outils simples et non coûteux tel que le mètre à ruban, le compas et l’anthropomètre .
L’anthropométrie traditionnelle est utilisée depuis des siècles, il est alors prudent de prédire qu’elle ne sera pas désuète dans un futur prochain. Toutefois, ce domaine fait face à des limitations qui peuvent être surmontées par l ‘anthropométrie de surface 3D. Cette dernière devient même essentielle pour certaines applications où la fonctionnalité des articles conçus dépend de leur ajustement au corps humain. On cite dans ce cadre la conception des casques pour pilotes et les équipements de protection.
La première limitation vient du fait que plusieurs contours ambigus peuvent dériver des mesures traditionnelles. Ainsi les mêmes spécifications anthropométriques peuvent produire des articles qui sont différents du point de vue forme. En effet, à cause de la nonunicité de la reconstruction à partir des contours mesurés, la majorité des surfaces des modèles de corps humain sont en pratique déduites à partir d’interprétations artistiques [69]. Ceci est le cas pour les mannequins utilisés dans l’industrie du vêtement; les applications ergonomiques tel que le modèle biomécanique et informatisé d’un humain ComBiMan [11]; les modèles biodynamiques tel que le mannequin ADAM [49].
Le deuxième problème découle du fait que les mesures traditionnelles dépendent de l ‘orientation du segment à mesurer. À titre d’exemple, la mesure «oreille jusqu’au haut de la tête», définit le haut de la tête comme étant le point vertical le plus haut en ayant la tête orientée selon le plan de Frankfurt proposé par Ranke [63]. Ce dernier est un plan horizontal passant par une ligne liant le tragion droit (devant de l’oreille) au point le plus bas de l’orbite de l’oeil droit . Il représente un plan standard pour l’orientation de la tête . les sujets portent des casques. Le haut de la tête défini selon le plan de Frankfurt ne coïncide pas avec le haut de la tête des deux sujets après qu’ils ont endossé les casques. En effet, la disposition de la tête dans le casque dépend du contour du crâne. Ceci implique que l’utilisation des mesures traditionnelles dans la conception d’équipement pour la tête ou le visage induit une erreur inconnue et anticipée dans les points de référence. Puisque les concepteurs ont peu ou pas d’informations sur la surface, ils n’ont aucun moyen de détecter cette erreur. Ainsi plusieurs tailles sont crées à cause de l’erreur d’alignement et non à cause de la variabilité de la forme de la tête elle-même. Plusieurs de ces tailles ne conviennent à personne vu que l’erreur ajoutée génère des équipements ou des vêtements disproportionnés.
Un test effectué par Robinette [66] sur les casques HGU-53/P dans les forces aériennes américaines a révélé que deux tailles seulement (une pour les hommes et l’autre pour les femmes) conviennent au même pourcentage de la population que les six tailles originales. Par exemple, la taille six est disproportionnée, ce qui fait que même si elle est plus grande en volume que la taille cinq, elle ne convient pas à des têtes plus larges.
Une vue plus générale de ce problème est la dépendance des mesures traditionnelles au système de coordonnées utilisé au cours de l ‘acquisition des données.
La collecte des données anthropométriques traditionnelles est un long processus (~ 45 min/personne). Ceci représente une autre limitation à laquelle est confrontée l’anthropométrie traditionnelle. En effet cette contrainte alourdit les coûts des projets de collecte de données anthropométriques et les rend moins fréquents.
L’anthropométrie traditionnelle est aussi confrontée à la variation des mesures selon l ‘opérateur humain qui collecte les données. Si on suppose que le protocole de mesure utilisé est le même, il y a trois sources de variation entre les mesures. D’abord les mesures prises par le même opérateur peuvent être différentes si l’opérateur répète la tâche à plusieurs reprises. La tension exercée sur le mètre à ruban est un facteur qui influence les mesures effectuées. Un opérateur peut serrer plus le mètre à ruban qu’un autre. Une dernière source de variation réside dans l’interprétation des points de repère anatomiques.
Le manque d’information sur la relation spatiale entre la personne et l’équipement ou le vêtement endossé est un autre problème qui se pose dans l’anthropométrie traditionnelle. Cette dernière se base sur la mesure de distances entre des points de repère anatomiques qui deviennent invisibles quand l’équipement est porté.
Anthropométrie de surface en trois dimensions
L’anthropométrie de surface en trois dimensions est une alternative prometteuse pour répondre aux exigences de divers secteurs industriels où les données anthropométriques présentent une composante essentielle du processus de conception.
Avantages de l’anthropométrie de surface en trois dimensions
L’anthropométrie de surface en trois dimensions se base sur des modèles 3D obtenus par numérisation du corps humain. La résolution (de l’ordre de 5 mm) de ces modèles est suffisamment élevée pour décrire les détails de la surface du corps humain. Ceci permet de surmonter un problème majeur dans le domaine de l’anthropométrie, à savoir le manque d’information sur la forme.
Les systèmes de numérisation sont également très avantageux par rapport aux méthodes traditionnelles de mesures en terme de vitesse d’acquisition des données. En effet, le temps de numérisation est inférieur à une minute comparé aux 45 minutes dans le cas traditionnel. Par ailleurs, la numérisation n’implique pas de contact qui peut être gênant pour certains sujets.
L’utilisation de capteur 3D élimine les erreurs de mesure qui sont dues aux facteurs humains. Ceci renforce la précision et la reproductibilité des mesures anthropométriques tridimensionnelles.
Le problème d’alignement évoqué dans le cas de mesures traditionnelles est moins critique pour les données tridimensionnelles. En effet, même si elles dépendent de la posture dans le cas de numérisation du corps entier et de l ‘expression faciale dans le cas de numérisation du visage, ces données sont suffisamment complètes et nombreuses pour pouvoir être réorientées dans différents systèmes de coordonnées.
L’anthropométrie de surface en trois dimensions permet la visualisation et la mesure de l ‘alignement du corps humain avec l ‘article porté. Dans le premier modèle, la personne porte des vêtements moulants et dans le deuxième un uniforme de vol [67]. La possibilité de visualiser ainsi que de mesurer la relation spatiale entre la personne et l ‘article porté permet au concepteur de mieux percevoir les ajustements à effectuer ainsi que de les quantifier afin de concevoir un produit qui convient mieux à la personne ciblée.
Techniques de numérisation du corps humain
Dans la dernière décennie, des progrès remarquables ont été effectués dans le cadre du développement de systèmes de numérisation complète du corps humain.
Il existe plusieurs techniques de numérisation de surface telles que celles basées sur la projection de lumière structurée, le temps de vol d’un faisceau laser et les techniques de vision numérique qui permettent de déterminer la profondeur à partir d’images stéréo, de l’ombrage et de la texture. La plupart des systèmes de numérisation du corps humain sont basés sur la lumière structurée. Ces techniques peuvent être classées en trois catégories :
• Numérisation point par point
Cette technique utilise une diode électroluminescente (DEL) et un détecteur de positi on (PSD). La lumière émise par la diode est focalisée par une lentille sur la surface à numériser. La lumière réfléchie est ensuite focalisée par une autre lentille sur le PSD. La profondeur du point de la surface est obtenue par triangulation à partir de la position du rayon réfléchi sur le détecteur . Afin de numériser la surface en entier, la lumière est projetée horizontalement et verticalement. Cette technique est utilisée par le système de numérisation développé par Hamamatsu Photonics [31].
• Numérisation basée sur la projection d’un plan de lumière
Un plan de lumière est projeté sur le sujet à numériser, générant ainsi une courbe sur la surface. Cette courbe est captée par une caméra CCD située en dehors de l’axe de projection du plan de lumière. Les distorsions observées sur la courbe reflètent les variations de profondeur de la surface . Cette méthode permet de numériser simultanément plusieurs centaines de points de la surface. La source de lumière et la caméra CCD sont ensuite balayés verticalement ou horizontalement pour numériser la surface entière à partir d’un point de vue donné. Des systèmes de numérisation qui utilisent cette technique sont le scanner de l’université de Loughborough (LASS) [36], Vitronic VIR0-3D [75] et Cyberware WB4 [20].
• Numérisation basée sur les franges de moiré
Ces techniques se basent globalement sur la projection d’une grille de lumière sur le sujet à mesurer. Une caméra capte la déformation de la grille réfléchie par la surface du corps. La superposition de la grille réfléchie avec la grille originale génère des franges de Moiré. Ces dernières sont analysées pour extraire l ‘information de profondeur. Parmi les systèmes de numérisation du corps humain qui utilisent les franges de Moiré, on cite le capteur Triform de Wicks and Wilson Ltd [89] et le capteur de [TC] ² .
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