Évolution vers une gestion axée sur les résultats et la responsabilisation accrue du Personnel
Les personnes qui travaillent dans les ministères et les organisations sont titulaires du statut de « fonctionnaires » et représentent une minorité des emplois publics. Au Québec, environ 60 000 employés sont soumis à la Loi sur la fonction publique. De ce nombre, 70 % travaillent dans les ministères et 30 % dans les organismes gouvernementaux ou dans des services relevant des autorités judiciaires et de l’Assemblée nationale. Tous les autres travailleurs du secteur public québécois (environ 400000 personnes) n’ ont pas le statut de fonctionnaire, contrairement à l’opinion répandue (Bernier, 2006 : 4). En mai 2000, la nouvelle Loi sur l ‘administration publique instituait des changements majeurs dans la fonction publique québécoise. Cette loi reflétait les attentes d’une fonction publique qui voulait innover et responsabiliser tous les acteurs sociaux. Plus précisément, elle avait pour but d’ améliorer la qualité des services aux citoyens et aux entreprises, d’axer la gestion sur les résultats plutôt que sur les processus, d’alléger la réglementation, de séparer les unités centrales d’ avec celles des opérations, de regrouper des services, d’ accroître l’ imputabilité du personnel et en gérer la compétence différemment. Pour y arriver, l’État misait sur une plus grande responsabilisation des gestionnaires et sur une autonomie accrue de . \ l’ ensemble des acteurs publics quant au choix des moyens nécessaires à la réalisation de leurs mandats. On souhaitait accroître leur imputabilité et la transparence du système de gestion en imposant la reddition de comptes.
Les nouvelles façons d’agir qui découlaient de la Loi sur l’administration publique nécessitaient de maintenir un niveau élevé d’éthique. Cette loi oblige d’emblée les ministères et les organismes gouvernementaux à se transformer sur le plan des valeurs, des procédures de travail et des normes. Contrairement à une gestion éthique qui s’appuie sur des valeurs partagées et le jugement des personnes, l’approche déontologique qui prévalait, issue de normes comportementales fixées dans les codes de conduite, était désuète pour diverses raisons, dont deux qui apparaissaient plus fondamentales, à savoir « les exigences accrues des citoyens dans un contexte d’absence de consensus» et la, mise en place d’« un cadre de gestion basé sur l’ autonomie » (Sormany, 2006: 3). Or les changements occasionnés par cette nouvelle façon de gérer soulevaient des questionnements sur les comportements à adopter dans un contexte d’ autonomie accrue. Sur quels critères fallait-il s’ appuyer en l’absence de normes? C’ est dans l’ éthique que les dirigeants de l’État québécois espéraient trouver une réponse. Il s’ ensuivit une panoplie de dispositifs qui donnèrent lieu à de nouvelles lois et à des règlements sur l’éthique. Certains changements se sont traduits par des engagements concrets auprès de la clientèle, comme celui, par exemple, de la Déclaration de services aux citoyens. Une telle initiative mettait de l’ avant des valeurs telles que la compétence, l ‘impartialité, l ‘intégrité, la loyauté, le respect et la performance. La mise en oeuvre de la réforme et de certains autres projets corporatifs, comme le plan stratégique, le plan d’ action annuel de gestion et la reddition de comptes, concernait les affaires internes. Ces nouvelles initiatives étaient autant d’éléments essentiels à une gestion éthique.
Une gestion renouvelée autonomiste qui s’appuie timidement sur les personnes
La fonction publique du Québec emboîte le pas, comme d’autres l’ont fait, en misant sur un modèle de gestion qui concilie la qualité, les résultats et la performance. Selon Louis Côté, directeur de l’Observatoire de l’administration publique, les réformes administratives du Québec tendent vers un nouveau management public qui privilégie comme cibles la qualité des services à la clientèle, la gestion axée sur les résultats, l’allègement réglementaire, la séparation des unités centrales d’avec celles des ~pérations, la contractualisation et le regroupement de certains services, la mise en place de mécanismes d’ imputabilité et une gestion des ressources humaines qui prône le développement des compétences. En effet, « le nouveau management public vise le renouvellement de la culture et des comportements des fonctionnaires en centrant l’attention sur les résultats à atteindre, en faisant appel à la créativité et à la compétence des gestionnaires et en incitant à la recherche de la productivité, de l’efficacité et de l’efficience» (Côté, 2006: 9). Le NMP, sur lequel prend appui la modernisation de l’ État, vise à modifier le travail du personnel du secteur public par rapport au fonctionnement antérieur selon lequel la plupart des tâches des fonctionnaires n’étaient pas automatisées et exigeaient peu d’initiative et selon lequel les opérations dominaient. D’après Pierre Dionne (2004 : 7), la majeure partie du :xxe siècle s’est organisée autour de la vision de « l’organisation-machine ».
Les fonctionnaires se consacraient à leur rôle de soumission et à l’opération de leur engin tout en essayant d’obtenir l’admiration de leur employeur. Aujourd’hui, le travail fait appel à la créativité et à l’innovation, à la performance et à la collaboration avec d’ autres unités, tant à l’interne qu’à l’externe, au développement du sens critique et des connaissances, à la capacité de mettre les talents du personnel au service de l’employeur et à l’importance de demeurer aux aguets des nouvelles pratiques afin de soutenir la compétition. Dans une société du savoir comme la nôtre, les compétences du personnel, en l’occurrence celles des fonctionnaires, doivent être tenues à jour. Il n’ y a aucun doute que le travail des fonctionnaires est maintenant davantage complexe, mais il devient également plus · enrichissant. La monotonie est brisée et les compétences du personnel sont mises à contribution, ce qui accroît le plaisir au travail. L’État s’attend à ce que les acteurs publics s’investissent dans l’action et mettent à contribution leur savoir-être et leur savoir-faire. De nouvelles spécialisations sont à prévoir, la collaboration est indispensable, de même que le partenariat avec d’autres ministères et organismes. Ceux-ci deviennent des réalités sur lesquelles le secteur public doit miser, ce qui nécessite de s’ouvrir au progrès et de s’adapter aux changements. Le NMP prend appui aussi sur les technologies de l’information et de la communication et exige du personnel qu’il joue un rôle d’avant-plan en matière. de changement en privilégiant de nouvelles façons de faire qui répondront mieux et plus vite aux besoins des clientèles .et de l’organisation, et s’effectueront à moindre coût à l’intérieur de plages allongées.
Les impacts sur les fonctionnaires
Dans ce contexte de changement continu, le personnel de la fonction publique a déjà relevé des défis de taille, et ceux qui sont à venir ne seront pas moins impressionnants. Il reste encore beaucoup à faire pour poursuivre sur la lancée de la réforme du secteur public souhaitée. Au chapitre des tâches, les travailleurs devront constamment démontrer une grande capacité de jugement, de créativité et d’autonomie, accorder une haute importance à la formation assistée et autodidacte, au travail d’équipe, au développement des compétences et aux résultats. Cette nouvelle façon de fonctionner requiert aussi une grande marge de manoeuvre et le sens de l’éthique. Ils doivent, plus qu’auparavant, être performants et se 1 conduire de manière irréprochable, c’est-à-dire agir avec jugement, discernement et loyauté. Comme l’écrit Boisvert, « on voit le lien étroit qui unit la modernisation de l’administration publique et l’éthique: pour atteindre les objectifs d’efficacité fixés à celle-là, il est essentiel de briser la rigidité non seulement des modes traditionnels de gesti?n, mais aussi des modes de contrôle des comportements pour faire place à une plus grande autonomie des agents publics. [ … ] un mode de gestion de type nouveau management public va de pair avec un mode de gestion des comportements de type éthique» (Yves’ Boisvert et al. , 2003 : 18).
Avec des besoins aussi importants de compétences liées à un savoir-faire et à un savoirêtre, les ministères et les organismes doivent nécessairement mettre à jour leur plan de gestion organisationnelle en tenant compte des réalités suivantes: valoriser l’implication de tous les acteurs publics dans les choix de gestion et la prise de décision, mettre à profit leurs capacités, favoriser la communication et la cohérence entre les stratégies de gestion et les décisions, assurer le développement des connaissances, permettre d’accéder à des postes évolutifs, inciter à poser des gestes empreints de dignité et de reconnaissance, encourager’ une saine gestion des personnes qui prônent les valeurs de l’institution. Enfin, ce plan doit susciter le renouvellement, l’engagement, la mobilisation, l’innovation et la rétention des personnes compétentes.
Les impacts sur les gestionnaires
Les gestionnaires de l’État, quel que soit le niveau de gestion auquel ils sont affectés, auront de toute évidence à exercer un leaderslllp renouvelé pour ne pas dire transformationnel, davantage centré sur les personnes, puisqu’elles’ sont au coeur de la réalisation de la mission et de la performance. Jusqu’à maintenant, les gestionnaires ont eu à appliquer des décisions conformes aux lois et règlements dans des conditions plus ou moins faciles. À ce chapitre, la pression n’a pas diminué; au contraire, le délai de réponse est plus court et les demandes plus fréquentes et complexes. Aujourd’ hui, la main-d’oeuvre est plus mobile et réduite, souvent en formation, alors que les attentes par rapport à la nouvelle culture de performance axée sur la qualité des services aux citoyens sont élevées. En même temps qu’ils doivent gérer les tâches courantes et se familiariser avec les changements que comporte la modernisation de l’ État, les gestionnaires ont à faire l’apprentissage de nouveaux principes de leadership et à adapter leur gestion au contexte d’une économie du savoir dans laquelle l’humain prènd toute sa valeur.
Inévitablement, les gestionnaires devront donc, eux aussi, transformer leurs façons de faire pour correspondre aux exigences du NMP, car ils jouent un rôle de premier plan dans son actualisation. Lors d’une présentation à la Chaire La Capitale en leadership dans le secteur public, Momeau affirme que le gestionnaire n’ est plus un patron qui « contrôle », qui dit « j e» et « se sert de la peur », qui sait « comment faire » et « cherche des coupables », qui « crée le ressentiment » et « rend le travail monotone» (Momeau, 2006 : 33). Ce changement de rôle exige un savoir-être qui sait mettre à profit l’ intelligence du personnel. Le gestionnaire doit être, selon MomeaiI2 , un leader qui « dirige » et « mise sur la coopération », qui « dit nous )) et sait faire «confiance », qui « montre comment faire » par l’exemple, ,qui cherche « des erreurs » plus que les coupables pour ne plus les refaire, qui « crée l’enthousiasme» et « rend le travail intéressant » (Momeau, 2006 : 33).
REMERCIEMENTS |