Contexte de gestion de l’étude
Depuis toujours, les hommes ont exploité et modelé les paysages littoraux notamment par leurs activités de pêche et d’élevage. Toutefois, cette pression toujours croissante sur les communautés naturelles induit désormais des problèmes de conservation et de gestion des habitats littoraux dont certains présentent des intérêts patrimoniaux directs et indirects (Godet 2008). Il convient donc d’estimer, dans une optique de développement durable, les parts relatives des contraintes environnementales et anthropiques sur la structuration des habitats intertidaux. C’est dans ce contexte qu’en 2000, la Directive Cadre sur l’eau (DCE) a vu le jour en Europe, obligeant les états membres, telle la France, à atteindre des objectifs communs en term es de préservation et de restauration de l’état des eaux douces continentales et des eaux côtières (Andersen & Conley 2009). Conséquemment, de nombreux programmes de recherche tentent désormais d’évaluer l’impact anthropique d’activités socio-économiques liées aux habitats côti ers afin de procurer les conna issances indispensables à la mise en place de mesures de gest ion durable (par exemple, le programme PNEC ‘Baie du Mont Saint-Michel’ 2002-2006, en France ).
Plusieurs indicateurs biologiques ont ainsi été développés afin de répondre aux attentes de la DCE. Ces indices permettent d’établir le statut de qualité écologique des environnements marins et d’évaluer la condition des communautés et la réponse de cell es-ci à d’éventuelles perturbations. Ce rtains indices univariés analysent la qualité écologique en comparant, suivant la logique du modèle de Pearson & Rosenberg (1978) la proportion d’espèces dites tolérantes aux espèces dites représentatives d’un milieu non pollué. Notons parmi ces indices univariés le Benthic Index (BI, Grall & Glémarec 1997, le AZTI Marine Biotic Index (AM BI, Borja et al. 2000), le BENTIX (Simboura & Zenetos 2002), le Benthic Quality Index (BIO, Rosenberg et al. 2004) et le Benthic Opportunistic Polychaetes Amphipods Index (BOPA, Dauvin & Ruellet 2007) . Des indices biologiques multivariés ont également été proposés tels le Ecological Quality Ratio (EQR, Quintino et al. 2006) et le AMBI multivarié (M-AMBI, Muxika et al. 2007). Ces indices multimétriques intègrent aux cla ssifications de sensibilité des espèces d’autres paramètres structurant la communauté tels que l’abondance, la richesse spécifique ou des indices de diversité.
Cependant, malgré une rapide prolifération de ce type d’indices, leur validité demeure parfois discutable et ce, particulièrement dans certa ins environnements (Dauvin 2007). D’une part, la majorité des indices proposés pour l’évaluation des communautés benthiques a été développé en domaine subtidal (Simboura & Zenetos 2002, Rosenberg et al. 2004), laissant de côté le domaine intertida l, où de nombreuses contraintes naturelles structurent les communautés benthiques. D’autre part, très peu d’in dices ont été spécifiquement développés pour les systèmes soumis à des activités de nature anthropique (Dauvin & Ruellet 2009). Certains indices ne parviennent ainsi pas à di scrimi ner ces perturbations anthropiques dans des zones de transition . L’ utilisation combinée de plusieurs indices semble être une approche judicieuse pour la caractérisation des assemblages benthiques. Il importe toutefois de tenir compte des limitations de ces indices lors de l’interprétation des résultats, spécialement dans un milieu intertidal où se déroulent des activ ités conchylicoles.
Site d’étude: l’archipel Chausey
Le site d’étude du projet RIMEL est l’archipel des îles Chausey. Depuis bientôt deux siècles, Chausey est le siège de nombreuses études naturalistes. À cet égard, nous avons récemment contribué à l’invehtaire des invertébrés marins de l’archipel (Godet et al. 2010). Cet inventaire a été fait à partir de données historiques allant de 1828 à 2008, dont les données issues de ce mémoire. Plus largement, le Golfe Normand-Breton, situé en Manche Occidentale (France), est caractérisé par de faibles profondeurs (60 m maximum) où le rôle des courants de marée est prépondérant. En effet, l’onde de marée provenant de l’océan Atlantique se propage de l’ouest vers l’est et s’amplifie graduellement lors de sa progression sur le plateau continental. À cette augmentation progressive de l’amplitude de marée s’ajoute la force de Coriolis, laquelle renforce l’onde sur les côtes françaises (Cabioch 1968). Au fond de ce golfe, l’archipel Chausey et la baie du Mont Saint-Michel sont soumis à un régime mégatidal dont l’amplitude de marée peut atteindre respectivement 14 et 15,5 m en période de vives-eaux printanières. Seuls quelques sites sur la planète possèdent des marnages supérieurs, dont la baie de Fundy (16 m) et la baie d’Ungava (16 m) au Canada (Thurston 1990). Composé d’environ 50 à 350 îles et îlots granitiques (marée haute vs marée basse), les îles Chausey, d’une superficie de 5100 ha, constituent le plus vaste archipel d’Europe.
Sa complexité combinée au fort hydrodynamisme du golfe génère une mosaïque particulièrement fragmentée d’habitats benthiques. Le domaine intertidal de Chausey s’étend sur 1995 ha, incluant 1388 ha de substrat meuble; il s’agit du seul archipel de la planète situé en régime de marée mégatidal possédant un aussi vaste domaine intertidal (Godet 2008) . Cette prépondérance des substrats meubles est pro pice à la culture de bivalves tels les moules (Mytilus edulis), les huîtres creuses (Crassostrea gigas) et les palourdes japonaises (Ruditapes philippinarum) . L’archipel est donc une mosaïque riche et complexe d’ habitats naturels, mais il constitue également un carrefour d’ activités humaines. Avec quelque 2000 tonnes de moules produites annuellement (en 2002), la mytiliculture est la plus productive des entreprises aquacoles à Chausey. Les installations mytilicoles (bouchots à moules) sont essentie llement concentrées dans la portion est de l’archipe!, où l’habitat de sédiments grossiers à Glycymeris glycymeris domine. Cet habitat, décrit par Godet (2008), couvre près du quart du domaine intertidal de substrat meuble de Chausey soit près de 350 ha. Ces estrans meubles sont caractérisés par une grande hétérogénéité sédimentaire et ils se situent à des niveaux bathymétriques généralement bas, soit principalement sous les basses mers de viveeau moyenne.
Les parcs mytil icoles se développent à Chausey depuis 1965, s’étendant aujourd’hui sur une superficie de 70 ha (Godet 2008) . Chausey possède une valeur patrimoniale importante et est protégé par des mesures de conservation . En 2004, l’arch ipel est officiellement devenu un site d’ importance communautaire au titre de la directive habitats. Aussi, l’archipel Chausey est une aire marine protégée puisqu’ il s’agit d’un site du réseau Natura 2000, réseau européen dont le principal objectif est de prése rver la diversité biologique tout en valorisant le patrimoine naturel (~~~oil1tJ…@~QQ_QJr ) . Cette aire marine protégée est également intégrée au projet de parc marin naturel du Golfe NormandBreton. Enfin, Chausey est un site pilote du Conservatoire du Littoral pour la gestion du Domaine Public Maritime en France. Toutes ces mesures de conservation ainsi que la concentrat ion d’ activités humaines (telles les différentes activités conchylicoles) font de Chausey un modèle d’étude intéressant pouvant être transposé à de nombreux autres habitats des côtes de la Manche.
Field sampling and laboratory methods
Sampling was do ne at six intertidal sites, including three musse l farm sites and th ree reference sites, from May 14 to 19, 2007 (Figure 3) . These sites are at about the same level in the intert idal zone and are located in the G. glycymeris dominated coarse sedimen t habi tat (Godet 2008) and, apart from the lack of aquaculture-related infrastructure, appea red to be si milar to farm sites in every way. In order to reduce edge effe ct s, as shown by Sorni n (1981), sam pling within farm sites was do ne only within the 80 m in the centre of the pai red musse l lines (Figure 4). Main currents and swells defined the upstream and downstream orient at ion of sa mples with upstream and downstream positions being located North and South of pai red lines (Sorn in 1981). For each site within the farmed area (Ml, M2, M3), t ra nsects were established both upstream and downstream of a centrally-Iocated pair of lines at four di st ances paralle l to those lin es: di rectly along th em (0 m) and at 1, 5 and 12.5 m from the lines (F igure 4). Sa mples were taken at four random locations along each transect (Ntotal = 192). The same sa mpl ing design was used at randomly selected reference sites (R1, R2, R3) to allow comparisons of small-scale spatial patterns. At reference site s, samples were taken in the same manner as in the farm sites but around im aginary bouchot lines established in random locations while respecting the orientation of main current s. For sediment analysis, two sub-surface sediment samples were collected with a syringe (3 cm diameter, 5 cm depth) to characterize sediment texture and organic content at each sam pie location.
Sediment sa mples were dried at 70c e for 24 hours and grain size (0.25 phi preci sion) determined using a dry sieve; re sults are expressed as percentages of the total sample weight (Ntotal = 192 ). The percent orga nic content of the sediments was calculated as the dry mate rial weight 1055 after combustion at 550c e until a constant weight was obtained (about 2 hours). Organic content was determined for four sites (Ml, M2, R1, R3; N total = 128). Samples for in fauna « ve re collect ed using a corer (16 cm diameter, 15 cm dept h, Ntotal = 192). Benthic samples were sieved (2 mm circular mesh because it was coarse sediments, F. Olivier, pers. comm.) within 8 hours of collection, and the retained material preserved in 5% buffered fo rmalin. Macrofauna was identified to the lowest taxonomie level poss ible and total abundance per t axa re cord ed. Colonial organisms (hydrozoans and bryozoans) were excluded from analyses beca use th ey could not be enumerated . Taxonomie names were checked and updated usi ng the World Register of Marine Species online database (Appeltans et al. 2010, www,marinespecies,o rg ).
Sediment characterization
Sediment orga nic content was low, varying between 1 and 3%, and did not differ significantly by t reatment or site (Table 1). However, sites were almost significantly different (Table 1); Ml and M2 musse l farm sites had similar sediment organic content (2 .16 ± 0.09 % and 1.92 ± 0.06 %, res pectively), whereas the R1 reference site had higher (2.44 ± 0.06 %) and R3 refere nce site lower (1.82 ± 0.08 %) orga nic contents. Chausey Archipelago samples were characteri zed as clean coarse sediment wit h a high co ntent of bioc las t ic mate ria l (i .e., sediment composed of fragments of organic skeletal materi als). ln general, reference sites were characterized by coarser sediments than were musse l sit es (Figure 5); mussel sites were characterized by medium (250-500 ~m) ta very coarse sand (1000- 2000 ~m), and re ference sites by coarse sa nd (500-1000 ~m) ta gravel (> 2000 ~m). Bath musse l and referen ce sites co ntained less th an 1% fine sediments « 125 ~m – mud and very f ine sa nd). Small -scale patte rns of size sorting of sediments differed between mussel and reference sites as indicat ed by t he sig nificant interaction between treatment and distance (Table 1). In short, there was no struct ure apparent in reference locations but sed iments in musse l sites showed spatial structure with samples from close to bouchots (0 m) being more coarse than those further from the structures. This trend was particularly clear for the Ml mussel site (Figure 6) .
Similarly, skewness also showed small-scale effects due to mussel farm structures with sediments close to bouchots being more fine-skewed than those further away whereas such trends were not apparent in reference areas (Table 1, Figure 6). Although there is a trend for spatial variation for increased sorting in one mussel site (Ml) relative to the other mussel sites and reference sites (Figure 6), this trend is not significant (F3•12 = 0.51, P = 0.68) . Although sites studied within treatments (i.e ., mussel versus reference) were visually similar in the field, analysis of sediments showed significant variation among sites in t erms of mean grain size, sorting, and skewness (Table 1). For ail these univariate sediment parameters, R1 and R2 reference sites were most similar, although R2 was characterized by slightly finer sediments (Figure 6) . These two reference sites were poorly sorted and symmetrical, whereas the R3 reference site was finely skewed (Figure 6) . M2 and M3 mussel sites were composed of fin er sediment than the Ml mussel site; both were moderately to poorly sorted, and Ml showed an inverse sorting trend. Skewness was almost symmetrical for the three mussel sites (Figure 6) . Multivariate analysis also showed that sediment grain size distribution differed in the immediate vicinity of the mussel aquaculture structures, resulting in coarser sediment close to the bouchots (0 m) than furth er away (5 and 12.5 m distances, Table 2). In contrast, no spatial pattern was observed in the reference sites. This relationship is illustrated by a non-metric multidimensional scaling (nMDS) plot, which clearly shows the significant interaction between treatment and di stance (Figure 7) .
REMERCIEMENTS |