FONDEMENT D’UNE LARGE AUTONOMIE FISCALE
Le pouvoir fiscal des communes trouve sa source dans la combinaison de trois dispositions constitutionnelles indissociables : les articles 41 , 162 et 170, § 4 , de la Constitution. Les articles 41 et 162 consacrent le principe de l’autonomie communale, cette notion signifiant que « l’autorité communale règle tout ce qui est d’intérêt local, pour autant que la loi ne limite pas son pouvoir de décision et sous la réserve du contrôle de l’autorité supérieure » . Il s’agit donc d’un concept relativement large puisque les compétences attribuées aux pouvoirs locaux par la Constitution n’y sont pas expressément énumérées, la loi fondamentale privilégiant la notion plus vague d’intérêt communal. Or, le Conseil d’Etat considère depuis longtemps que l’établissement d’un règlement taxe relève de l’intérêt communal , à condition d’avoir pour objectif principal de permettre à la commune de mener à bien ses missions et d’assurer le bon fonctionnement de ses services . L’article 170, § 4, de la Constitution, confirme d’ailleurs explicitement la possibilité pour les autorités communales d’établir des impôts dans le but de se procurer les moyens nécessaires aux intérêts dont elles ont la charge , soumettant cette compétence au respect du principe de légalité de l’impôt.
Ces dispositions constitutionnelles sont mises en œuvre par l’article 117 de la Nouvelle loi communale , l’article 42 du Décret communal flamand et l’article L1122-30, al. 1er , du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation (CWADEL) qui disposent que « le conseil règle tout ce qui est d’intérêt communal ». C’est donc sur ces bases légales que les communes établissent leurs règlements taxes. Cette autonomie fiscale est en outre extrêmement large puisqu’elle confère aux autorités locales la possibilité de déterminer a priori librement les bases, l’assiette, les taux, les exonérations et les redevables des impositions dont elles apprécient la nécessité en fonction des besoins auxquels elles estiment devoir pourvoir , ceux-ci devant toutefois nécessairement être d’intérêt communal .
LIMITES A L’AUTONOMIE FISCALE
Si l’autonomie fiscale des pouvoirs locaux se révèle très étendue, elle n’en demeure pas moins soumise à une série de limites importantes, découlant du cadre institutionnel belge et international. Parmi celles-ci, nous pouvons relever les obstacles liés aux compétences territoriales et matérielles des communes (A), les limites d’origine constitutionnelle et légale (B), le contrôle exercé par les autorités de tutelle (C), de même que les restrictions liées au droit européen (D). L’objet limité de cette contribution ne permettant pas de les évoquer toutes en profondeur, nous nous contenterons d’en analyser les principaux aspects.
Limites territoriales et matérielles
Les communes ne peuvent exercer leurs compétences matérielles et fiscales que sur leur territoire . Un lien de rattachement est donc nécessaire entre le territoire communal et l’imposition établie. Cela signifie qu’un règlement-taxe doit nécessairement s’adresser « aux personnes et aux choses qui se trouvent sur son territoire et aux professions, industries ou commerces qui s’y exercent » . Le critère de rattachement territorial retenu par la jurisprudence est donc relativement large puisqu’il vise tant la situation personnelle du redevable, limitant la compétence taxatrice aux personnes domiciliées sur le territoire communal ou y possédant des intérêts, que la situation matérielle liée à la localisation de l’évènement ou du fait donnant lieu à la perception de l’impôt.
Notons dès à présent que les communes ne sont pas liées par leurs compétences matérielles dans l’établissement d’un règlement-taxe, en raison d’une « déconnexion des compétences fiscales et matérielles ». Elles peuvent ainsi décider de taxer toute situation quelconque qu’elles souhaitent imposer, et ce même si elles ne disposent pas de compétences normatives en la matière. L’objectif principal poursuivi doit néanmoins impérativement consister dans le prélèvement des « moyens nécessaires pour financer les services assurés par l’administration » . Des objectifs secondaires peuvent également être poursuivis à condition d’être accessoires à l’objectif budgétaire principal et de relever de l’intérêt communal, en respectant la hiérarchie des normes . Une commune ne peut donc en principe pas, par exemple, utiliser son pouvoir fiscal pour sanctionner un comportement infractionnel, le droit pénal n’étant pas d’intérêt communal . Nous reviendrons largement sur la problématique des objectifs secondaires admissibles ou non dans les deuxième et troisième chapitres de ce travail.
Limites constitutionnelles et légales
Une seconde limitation importante au pouvoir taxateur communal trouve son origine dans l’article 170, § 4, de la Constitution. Comme nous l’avons vu, cette disposition étend tout d’abord, en son premier alinéa, le principe constitutionnel de légalité de l’impôt aux impositions communales, en imposant l’intervention du conseil communal dans l’établissement des règlements-taxes. Il ne s’agit donc pas d’une limitation à l’autonomie fiscale communale à proprement parler, mais bien d’une confirmation de celle-ci, tout en la modalisant . En revanche, le second alinéa de cet article prévoit une limite très importante au pouvoir de taxation des communes. Il dispose en effet que la loi détermine « les exceptions dont la nécessité est démontrée ». Ce faisant, il autorise le législateur à établir toutes les exceptions à l’autonomie fiscale communale qu’il estimerait nécessaires. Selon la Cour constitutionnelle et la doctrine majoritaire, seul le législateur fédéral se voit attribuer une telle compétence limitative en vertu de l’article 170, § 4, alinéa 2. Toutefois, la Haute juridiction constitutionnelle autorise les régions et communautés à recourir à la théorie des pouvoirs implicites afin de régler elles aussi cette matière. En vertu de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles , elles peuvent en effet prévoir des exceptions à l’autonomie fiscale des communes à condition qu’elles soient nécessaires à l’exercice de leurs compétences, que la matière se prête à un régime différencié et que l’incidences des mesures prises soit seulement marginale .
Relevons enfin que les exceptions adoptées sur base de cette habilitation constitutionnelle, quoique pouvant être implicites, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe de l’autonomie fiscale communale . Aussi, faisant largement usage de cette possibilité offerte par la Constitution, le législateur fédéral a-t-il fortement réduit la possibilité pour les communes de déterminer librement l’assiette de leurs impôts . Il a par exemple interdit aux autorités locales d’établir des impôts sur les jeux et paris ou encore de lever des impôts sur les revenus similaires à ceux visés dans le Code des impôts sur les revenus 1992 . L’ensemble des exceptions légales établies serait trop long et fastidieux à développer dans le cadre de ce travail. Nous vous recommandons dès lors la lecture de la contribution de J. ASTAES et V. SEPULCHRE dans le Manuel de droit fiscal 2014-2015 , détaillant toutes les dispositions pertinentes et les nombreuses controverses qu’elles ne manquent pas de susciter.
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