Le système de l’Union européenne de défense contre le dumping trouve ses origines dans l’article 207 du TFUE consacré à la politique commerciale commune. Cet article constitue une base juridique des mesures de défense commerciale, « dont celles à prendre en cas de dumping ».
La règlementation antidumping de l’Union a été promulguée pour la première fois en 1968 et depuis lors a été modifiée à plusieurs reprises et de façon substantielle. La version actuelle du règlement antidumping de base est celle du Règlement (CE) n° 1225/2009 tel que codifié en juin 2016. Les règles de l’Union sont explicitement fondées et s’inscrivent dans le respect de celles contenues dans l’Accord antidumping de l’OMC.
Le règlement antidumping de base détermine les conditions dans lesquelles des droits antidumping provisoires et définitives peuvent être imposés. Ainsi, comme l’article premier du règlement de base le précise, une action antidumping peut mener à l’imposition des droits antidumping lorsqu’un produit fait l’objet d’un dumping et sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice à l’industrie de l’Union.
Bien que jouissant d’un pouvoir discrétionnaire considérable dans la gestion de la procédure antidumping, il est important de signaler que la conformité des mesures prises par la Commission est soumise à trois niveaux de contrôle. Le premier niveau de contrôle intervient au cours de la détermination s’il est de l’intérêt de l’Union que des mesures soient prises. Conformément à l’article 21 du règlement antidumping de base, la Commission doit apprécier les intérêts pas seulement des producteurs européens, mais aussi les intérêts des importateurs, des utilisateurs ainsi que des consommateurs. Une chose importante, une telle détermination « ne peut intervenir que si toutes les parties ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue ». En effet, la Commission doit respecter les exigences procédurales, y compris les droits des parties intéressées.
Le deuxième contrôle, même si dans une moindre mesure, est effectué par les Etats membres de l’Union. En effet, une décision de la Commission d’instaurer des droits antidumping définitifs peut être bloquée par le comité des instruments de défense commerciale si une majorité qualifiée de ses membres émet un avis contre la proposition de la Commission. Le troisième niveau de contrôle intervient avec le droit de recours devant la CJUE. C’est précisément ce niveau de contrôle ex post qui nous intéresse dans cette contribution.
LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DES MESURES ANTIDUMPING
Le contentieux en matière antidumping est en progression constante. Les rapports sur l’activité juridictionnelle en témoignent clairement . Le contrôle effectif du juge de l’Union européenne, qui a conduit à plusieurs annulations voire invalidations des règlements en la matière , a sans doute participé à conforter les opérateurs économiques dans leur volonté de contester davantage les mesures antidumping . L’aspect le plus important de ce contrôle réside dans le fait qu’il peut aboutir à l’annulation ou l’invalidation de l’acte attaqué.
Dès lors, il est utile de procéder à un bref rappel des effets juridiques qui accompagnent le recours en annulation (section 1) ainsi que le renvoi préjudiciel (section 2). Ce sont en effet les deux options principales à la disposition des opérateurs afin de contester la légalité d’un règlement antidumping. Une possibilité indirecte de contester ces actes existe aux articles 268 et 340 du TFUE, ouvrant également la voie à une action en dommages-intérêts contre les institutions de l’UE . Cette possibilité de contestation indirecte est peu utilisée en matière antidumping, principalement car elle est très rarement couronnée de succès . A la fin de chaque section nous allons nous pencher sur les obligations qui découlent du contrôle juridictionnel pour les institutions responsables de l’acte annulé ou invalidé.
LES EFFETS DE L’ANNULATION DES DROITS ANTIDUMPING
A l’appui d’un recours en annulation visé à l’article 263 TFUE, inspiré du recours pour excès de pouvoir français, un certain nombre d’opérateurs économiques peuvent contester la légalité de règlements instituant des droits antidumping devant le Tribunal de l’Union européenne .
Ce recours direct appartient aux opérateurs qui sont « directement et individuellement » concernées par les mesures antidumping . Cela est le cas, en général, des producteurs et des exportateurs, mais aussi des importateurs associés à ces producteurs et exportateurs. Ces personnes sont concernées directement par les constatations relatives à l’existence d’une pratique de dumping du fait qu’elles ont eu une influence sur le calcul du montant du droit antidumping à acquitter, par les prix de revente pratiqués pour les produits en cause vis-à-vis des acheteurs indépendants . La situation est différente pour les importateurs indépendants qui ne seront pas autorisés à introduire un tel recours, étant donné que la procédure antidumping n’est pas dirigée contre eux . Comme nous le verrons plus loin (section 2), ils ne sont pas pour autant dépourvus de l’action en justice.
Une fois la requête introduite et jugée admissible, la question de l’étendue du contrôle exercé par le juge de l’Union se pose. Le champ d’application de l’examen prévu à l’article 263, deuxième alinéa, du TFUE est intrinsèquement limité. Les mesures antidumping ne peuvent être annulées que pour « incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application [y compris les dispositions de mise en œuvre ainsi que l’Accord antidumping dans le cadre de l’OMC], ou détournement de pouvoir ». Eu égard à la jurisprudence constante de la CJUE, il est établi que cette dernière examine très attentivement les enquêtes administratives sous l’angle des aspects procéduraux. En effet, la CJUE accorde généralement à la Commission, en tant que juge des faits, un large pouvoir discrétionnaire dans la conduite de ses enquêtes. Ainsi, dans l’affaire NTN Toyo Bearing, la CJUE a adopté la position selon laquelle, dans une situation, qui suppose l’appréciation de situations économiques complexes, « le contrôle juridictionnel doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir » .
En revanche, la CJUE s’est montrée plus réticente en ce qui concerne le contrôle de légalité approfondi des cas soumis à son examen. Nonobstant cette position, la CJUE se montre cependant prête à exercer un examen approfondi des analyses de la Commission, comme en témoigne l’affaire Detlef Nölle à l’occasion de laquelle la CJUE a procédé à un examen au fond du choix du pays tiers de référence .
Une fois l’illégalité constatée par le juge, l’arrêt d’annulation emporte directement la nullité de l’acte contesté, et ce en vertu de l’article 264 du TFUE . La CJUE le déclare nul et non avenu. L’arrêt a un effet erga omnes et est pourvu d’une autorité de chose jugée . Toutefois, le contentieux relatif aux mesures de défense commerciale comporte, comme nous allons le voir, des particularités.
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