Opposition entre préoccupations environnementales et sociales : pensées de socialistes
Historiquement, les enjeux écologiques et les enjeux sociaux ont souvent été étudiés de manière à part, en étant souvent mis en opposition. La revue “les inégalités écologiques et sociales : l’apport des théories de la justice “ écrite par Fabrice Flipo en 2009, parle des études sur les inégalités sociales et écologiques en termes de théorie de la justice. Pour cette revue littéraire, j’ai décidé de m’intéresser à la partie des tensions fortes avec la justice sociale, (page 68) qui met en exergue le fait que beaucoup de théories sociales ont ignoré l’écologie et inversement. Par exemple, pour certains socialistes comme Léon Walras, l’écologie n’est pas considérée au sein du mouvement socialiste. Selon “human exemptionalism paradigm”, ce n’est pas dans la nature de l’homme de se sentir concerné “par les régulations écologiques qui régissent le comportement des autres espèces dans leur milieu.
D’autres philosophes et théoriciens sociaux ont aussi négligé l’écologie dans leurs études. C’est le cas, de Paul Ricoeur, et Emmanuel Lévinas qui ont négligé les écosystèmes et les animaux, considérant que l’homme était supérieur, et n’était pas un animal comme les autres. Selon, eux considérer l’homme au même niveau que les animaux ou les écosystèmes remettrait en cause l’humanisme. De manière générale, les mouvements socialistes ont vu la protection de l’environnement d’un mauvais œil, étant persuadés qu’il s’agissait d’une lutte mensongère, voir “malthusienne” défendu par la classe exploitante afin de protéger leurs rentes tout en faisant croire que leur combat était justifié par la rareté des ressources. Les débats étaient donc tendus entre les partisans de la protection de la nature, et ceux qui défendaient la protection de l’homme.
Du côté de la lutte écologique au détriment de la lutte sociale, l’article établit une critique de l’utilitarisme écologique. L’utilitarisme est une doctrine philosophique qui place l’utilité comme principe moral en insistant sur le fait qu’il faille considérer le bien-être collectif plutôt que le bien-être individuel. Il s’agit d’une éthique qui doit s’appliquer à chaque individu, ainsi qu’à la politique et au domaine social.
L’utilitarisme écologique, serait donc l’utilitarisme appliqué aux enjeux environnementaux. L’article met en avant le fait que l’utilitarisme politique ignore les inégalités sociales, puisqu’elle traite tous les consommateurs de manière égale. En effet, l’utilitarisme écologique va considérer les consommateurs comme égaux, sans mesurer les spécificités individuelles. Il va pousser les consommateurs à mieux consommer pour le bien-être collectif et de la planète, de manière plus responsable, sans tenir compte du fait que des consommateurs au pouvoir d’achat restreint ne pourront se permettre d’acheter ces produits. L’utilitarisme écologique est donc typiquement une doctrine qui va exclure les consommateurs au faible pouvoir d’achat, les excluant ainsi de la lutte écologique. Cette philosophie est un des exemples qui montre que l’écologie ignore le social.
Les dégradations environnementales : facteur de renforcement des inégalités sociales
Les inégalités sociales se définissent comme “des différences entre individus ou groupes sociaux portant sur des avantages ou des désavantages dans l’accès à des ressources socialement valorisées.” Ces ressources socialement valorisées varient selon le type de société. Dans les sociétés occidentales, qui valorisent l’activité économique et la richesse, les inégalités sociales vont être mises en exergue une partie sous la forme d’inégalités économiques (inégalités de revenus par exemple). Mais les inégalités sociales ne se limitent pas aux inégalités économiques, elles touchent aussi la santé, le travail, etc.
Une étude de Terra Nova, association française qui propose et diffuse des politiques innovantes et progressiste, a montré que les enjeux écologiques et sociaux étaient liés et interagissent mutuellement. En effet, les dégradations environnementales renforcent les inégalités sociales puisque ce sont les populations les plus précaires qui sont le plus touchées par les dérèglements climatiques alors qu’elles en sont les moins responsables. Les pays les plus riches sont responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre, soit 70% de l’accumulation des gaz à effet de serre depuis l’ère industrielle.
Au sein même de ces pays développés, ce sont les ménages les plus pauvres qui subissent le changement climatique. Les dommages écologiques sont donc fortement liés aux questions d’inégalités. En France, un rapport du Conseil Economique Social et Environnemental a établi le fait que les catégories sociales les plus riches polluent plus du fait de leur pouvoir d’achat élevé. Ainsi, en France, “la consommation des 20% des ménages les plus modestes représente 11% des émissions de CO2 alors que celle des 20% des ménages les plus aisés est responsable de 29% des émissions.
Selon la Revue Projet, revue réalisée par de nombreuses organisations non gouvernementales et associations françaises, les médias, le gouvernement met souvent en opposition les enjeux de justice sociale et de préservation de l’environnement, ce qui est une erreur puisque ces enjeux sont liés. Nous verrons dans la troisième partie de ce mémoire, qu’il est possible et nécessaire de lier enjeux écologique et enjeux sociaux pour mettre en marche une transition écologique acceptable par tous et effective.
Les inégalités sociales : facteurs d’aggravation de la crise écologique et frein à la transition écologique
Selon la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, “les inégalités sociales créent une polarité qui fige l’économie et freine la transition.” En effet, la situation de pauvreté représente un frein au développement de modes de consommations et de productions plus respectueux de l’environnement. Les produits issus d’une production alternative, comme les produits issus de l’agriculture biologique ont des coûts trop élevés pour les ménages les plus modestes les rendant ainsi inaccessibles. Ainsi, ils n’ont accès qu’à des biens de consommation alimentaire à bas coûts mais qui ont été produits dans des conditions écologiques et sociales contestables. Les produits respectueux de l’environnement étant seulement accessibles à une fraction minime de la société française, ils ne se développent ainsi pas.
La rénovation énergétique des logements pour réduire la consommation d’énergie est aussi difficile d’accès pour les ménages modestes n’ayant pas les moyens de tels investissements. “Vivre dans la pauvreté ou l’extrême pauvreté, c’est avant tout être privé de la possibilité de faire des choix. C’est être forcé de vivre dans des lieux insalubres, à l’étroit, ou même sans domicile. C’est être forcé de ne pas pouvoir opter pour une alimentation plus saine, pour des déplacements et des moyens de transport ou de chauffage qui respecte l’environnement. » Cependant, nous verrons dans la deuxième partie de ce mémoire que, dans le cas de la lutte contre la précarité énergétique, des solutions ont été mises en place par le gouvernement pour accompagner les ménages précaires dans la rénovation de leurs bâtiments, alliant ainsi urgence écologique et prise en compte de la précarité sociale.
Pour en revenir aux inégalités sociales, on observe que les diverses solutions écologiques pour lutter contre le réchauffement climatique apparaissent comme vecteur de division entre les classes sociales aisées et les classes plus modestes puisqu’elles ne sont pas accessibles à tous (rénovation des bâtiments, consommation de produits biologiques, etc). Ces inégalités face à l’écologie entraînent des comportements qui relèvent de l’ostentation. En effet, des études psychologiques menées par l’économiste Thorstein Veblen, ont démontré que les inégalités étaient vecteur de frustration et d’envie engendrant ainsi une course vers une consommation démesurée, à caractère ostentatoire qui est source de gaspillage.
Cette tension à court terme entre enjeux sociaux et environnementaux freine donc la mise en place de politiques environnementales pour accélérer la transition écologique.
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