Les substances humiques
Chaque année, environ 2.5 10¹⁴g de carbone organique dissous (DOC) sont exportés des continents, par les rivières, dans la zone côtière (Cauwet, 2002; Emerson et Hedges, 2008). Dans les océans, le DOC représente, après le carbone inorganique dissous (DIC), le second plus grand réservoir de carbone, avec 7 10¹⁷g de carbone, alors que le DIC représente 3.8 10¹⁹ g de carbone (Emerson et Hedges, 2008; Hansell, 2002).
Dans les domaines aquatiques, 50 à 80 % du DOC est non identifié au niveau moléculaire (Wakeham et al. , 1997; Eglinton et Repeta, 2003; Perdue et Ritchie, 2003). Toutefois, la présence de certains groupements fonctionnels permet de définir des classes de composés (Tremblay et Gagné, 2009). L’ extraction sur des résines de type XAD/DAX ou d’ autres résines de type échangeuses d’ions permet d’extraire quelques-unes de ces familles de composés (Aiken et al., 1979; Thurman et al., 1978).
À un pH inférieur à 2, la résine DAX-8 permet de séparer le DOC en trois fractions : 1) une fraction hydrophile ne sorbant pas sur cette résine (Malcolm et MacCarthy, 1992; Martin-Mousset et al., 1997; Thurman et al., 1978), 2) une fraction appelée substances humiques (SH) sorbant sur la résine à pH acide et désorbant à pH basique (Malcolm et MacCarthy, 1992; Thurman et al., 1978), et 3) une fraction hydrophobe correspondant à une fraction retenue par la résine, mais récupérée par extraction par du méthanol ou de l’acétonitrile, après extraction des SH (Malcolm et MacCarthy, 1992).
Les SH sont une des principales composantes du DOC (Tremblay et Gagné, 2009). Les SH représentent 50 à 80 % du DOC des eaux douces, 15 à 50 % du DOC des estuaires et 10 à 30 % du DOC des eaux marines (Thurman, 1985; Tremblay et Gagné, 2009). Ces substances proviennent de la diagenèse primaire de la matière organique détritique. Durant cette diagenèse, plusieurs types de composés, tels que des lipides, des lignines, des polysaccharides, des proté ines, etc. sont fractionnés et/ou condensés par de nombreux processus chimiques et biochimiques (MacCarthy, 2001). Ces processus plus ou moins complexes conduisent à une humification de la matière organique (Gjessing, 1976; Stevenson, 1994).
Caractéristiques chimiques des substances humiques
Les SH sont des composés de couleurs allant du jaune au noir (MacCarthy, 2001). Ces substances sont composées en majorité de carbone, d’ hydrogène, d’oxygène et d’azote (Gjessing, 1976; Stevenson, 1994; Thurman et Malcolm, 1981). Elles sont divisées en trois catégories, selon leurs propriétés de solubilité: 1) les humines (HU) insolubles à tous les pH, 2) les acides humiques (AH) insolubles à pH<2, et 3) les acides fulviques (AF) solubles à tous pH (MacCarthy, 2001; Thurman et Malcolm, 1981).
Dans les environnements aquatiques, les HU et une partie des AH forment majoritairement la fraction particulaire de la matière organique. Les AF et une autre partie des AH composent principalement le DOC des eaux douces. La proportion de carbone tend à augmenter entre les AF et les HU, alors que la quantité d’oxygène a un comportement inverse. Le poids moléculaire des AF est généralement aux environs de 2000 Da. Le poids moléculaire des AH varie selon l’environnement. Il est aux environs de 2000 Da dans les milieux aquatiques alors que pour les AH extraient des sols, il peut atteindre 1.10⁶ Da (MacCarthy, 2001). Pour les HU, le poids moléculaire fluctue moins que celui des AH. Les SH sont des composés complexes ayant des structures chimiques mal connues. Les théories récentes suggèrent que les SH sont des agrégats moléculaires formés par des associations de molécules organiques de faibles poids moléculaires (Conte et Piccolo, 1999; Senesi, 1999; Sutton et Sposito, 2005). Les agrégats évoluent selon le milieu et les conditions physico-chimiques du milieu (Conte et Piccolo, 1999; Baalousha et al. , 2006).
Les SH sont des assemblages hétérogènes de molécules complexes possédant des caractères amphiphiles (hydrophiles et hydrophobes) et des propriétés acides (Pansu et Gautheyrou, 2003). Les propriétés acides et hydrophiles proviennent majoritairement des groupements carboxyliques et phénoliques et minoritairement des groupements quinones et amines (Gjessing, 1976; Stevenson, 1994). La présence de ces groupements permet la formation de liaisons hydrogène et de liaisons ioniques avec différents composés dissous et particulaires présents dans le milieu (Gagné et al. , 2011 ; Huang et al., 2003; Kah et Brown, 2006; Senesi, 1992). Les SH possèdent aussi des composantes hydrophobes (Gjessing, 1976), qui permettent des interactions avec des composés organiques hydrophobes. Les propriétés amphiphiles font des SH des surfactants qui leur permettent de se sorber sur un grand nombre de surfaces naturelles (argiles, oxyhydroxydes de fer et manganèse … ) (Alvarez-Puebla et Garrido, 2005; Chen et Schnitzer, 1978; Gu et al., 1994; Hiemstra et al. , 2010; Vigneault et al.; 2000; Visser, 1982). Les propriétés amphiphiles des SH peuvent moduler le rapprochement, l’adhésion et les interactions des SH avec des microalgues.
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GÉNÉRALE |