COVID-19 – Les conséquences comptables et financières (règles françaises)
Immobilisations corporelles, incorporelles et financières : comment les évaluer en période de crise ?
En quelques jours, la crise sanitaire déclenchée par la pandémie du Covid-19 a rapidement ébranlé la sphère financière et s’est muée en une crise économique généralisée dont on ne connait pas encore l’ampleur. Au-delà de la chute des valeurs en bourse, c’est la menace d’une récession mondiale et d’une crise financière qui s’annonce. Et ce sont donc toutes les entreprises des secteurs industriel et commercial ainsi que bancaire qui semblent être touchées. Dans ce contexte de crise économique généralisée, toutes vont être amenées à revoir leur business plan et à reconsidérer l’évaluation de leurs actifs. S’agissant des entreprises industrielles et commerciales, nous rappelons ciaprès les principes comptables applicables à l’évaluation des immobilisations corporelles, incorporelles et financières. Sur l’impact de la crise sur l’évaluation : – des devises, valeurs mobilières de placement et matières cotées, voir notre article 2.1 « Volatilité des cours de bourse : quelles conséquences sur les VMP et matières cotées ? » ; – des créances et de stocks, un article paraîtra prochainement. Prévoir le futur étant toujours un exercice délicat, surtout en période de fortes incertitudes, comme c’est le cas avec cette crise sanitaire et économique inédite à l’échelle mondiale, nous vous proposons également un rappel des bonnes pratiques à connaître dans le cadre de la mise en œuvre de ces évaluations. 1. Faut-il procéder à un nouveau test des immobilisations à la clôture ? De nombreuses inconnues existent, rendant l’exercice d’évaluation difficile. Quand la demande va-t-elle reprendre (ce qui dépendra des mesures de confinement, puis de la confiance des acteurs économiques …) ? Quelles aides l’Etat va-t-il fournir ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre aujourd’hui. Clôtures au 31 décembre 2019 : non, lorsqu’aucune estimation ne peut être faite A la date à laquelle les comptes 2019 sont arrêtés, il pourra être très difficile pour les entreprises, compte tenu de ce contexte incertain, de pouvoir mesurer l’impact de l’épidémie sur leur business plan. Or, l’annexe des comptes clos au 31décembre 2019 doit indiquer les conséquences de l’épidémie, celles-ci constituant un événement post clôture sans lien direct avec les conditions (voir notre article 1.1 « Comptes clos au 31 décembre 2019 : une information en annexe et dans le rapport de gestion, y compris en cas de remise en cause de la continuité d’exploitation »). Le PCG ne donne pas de précision sur la nature de l’information à fournir (PCG art. 833-2/1). A la date à laquelle les comptes 2019 sont arrêtés, c’est-à-dire pour beaucoup, en mars 2020, seules des informations qualitatives pourront être fournies si les entreprises ne sont pas en mesure de refaire leurs tests de dépréciation. Dans ce cas, l’indication qu’aucune estimation ne peut être faite devra être donnée en annexe. Il devra en outre être confirmé que la continuité d’exploitation n’est pas remise en cause.
Quelle valeur retenir (clôtures 2020) ?
Immobilisations corporelles et incorporelles
La valeur d’usage… À la date de clôture, la valeur nette comptable d’une immobilisation corporelle ou incorporelle est comparée à la valeur actuelle à la même date (C. com. art. L 123-18 al. 2)qui est en général la valeur d’usage (lorsqu’elle est plus élevée que la valeur vénale ; PCG art. 214-6). Mémento Comptable n° 26875 … du groupe d’actif auquel l’immobilisation appartient En général, il n’est pas possible de déterminer la valeur d’usage d’une immobilisation prise isolément. Il convient donc de déterminer la valeur d’usage du groupe d’actifs auquel elle appartient (PCG art. 214-15). Selon la Note de présentation du règlement ANC n° 201506, les actifs sont regroupés (et le test de dépréciation réalisé) au niveau auquel l’entité gère et suit ses activités (par ligne de produits, secteurs d’activité, implantation géographique…). Sur la manière d’affecter aux groupes d’actifs : – les fonds commerciaux, voir Mémento Comptable n° 32010 ; – les actifs de support (immeuble du siège social, équipement informatique, centre de recherche, marque…), voir Mémento Comptable n° 27735 ; – le goodwill dans les comptes consolidés en règles françaises (Règl. CRC n° 99-02), voir Mémento Comptes Consolidés n° 5196 s. Mémento Comptable n° 27730 La valeur d’usage est calculée sur la base d’une méthode de projection de cash-flow actualisés…
La valeur d’usage correspond à la valeur obligatoirement actualisée des flux nets de trésorerie attendus de l’actif ou du groupe d’actifs (PCG art. 214-6). En général, les flux de trésorerie sont actualisés à partir du WACC (« Weighted average cost of capital » ou Coût moyen pondéré du capital) qui correspond au coût moyen pondéré des différentes sources de financement de l’entreprise (capital et dette). Il reflète les risques spécifiques à l’actif dans la perspective d’utilisation du groupe d’actifs (risque de marché, risque propre à l’entreprise). Il tient en outre compte du taux de l’IS. En revanche, il ne doit pas refléter les risques et avantages déjà pris en compte dans les estimations de flux de trésorerie. Les indications données par le PCG et la doctrine de l’ANC sont moins précises que les IFRS et, notamment, les règles françaises n’interdisent pas, contrairement aux IFRS, la prise en compte dans l’estimation des flux de trésorerie, des restructurations et investissements significatifs futurs. A noter Les précisions apportées par les textes français n’étant pas en désaccord avec les règles IFRS, elles devraient permettre d’utiliser les valeurs calculées en IFRS pour apprécier les dépréciations dans les comptes sociaux (sous réserve de limiter la prise en compte des cash-flows à ceux de l’entité juridique). Toutefois, compte tenu des modalités plus souples offertes par les règles françaises (dans le regroupement et estimation des flux de trésorerie), il est possible de ne pas avoir les mêmes dépréciations dans les comptes sociaux et dans les comptes consolidés en IFRS. Un effort de communication doit alors être fait pour justifier l’écart, d’autant que l’impact sur la capacité distributive de dividende est direct.
Immobilisations financières
La valeur d’utilité… À la date de clôture, les titres de participation, cotés ou non, sont évalués à leur valeur d’utilité représentant ce que l’entreprise accepterait de décaisser pour obtenir cette participation si elle avait à l’acquérir (PCG art. 221-3). Mémento Comptable n° 35705 … de chaque ligne de titres… En général, les titres sont évalués ligne de titres par ligne de titres, ceux-ci n’étant pas fongibles entre eux (Bull. COB n° 209, décembre 1987). …ou, à notre avis, d’un groupe d’actifs lorsque la valeur d’utilité n’existe pas au niveau des titres Dans certains cas particuliers, à notre avis, en l’absence de précision des textes, les titres devraient pouvoir être regroupés avec d’autres actifs (titres, immobilisations corporelles et incorporelles) pour être testés, notamment lorsque la valeur d’utilité ne peut être déterminée au niveau de la seule ligne de titres. Tel pourrait être le cas, par exemple, lorsque les filiales : – sont faiblement autonomes et qu’il existe un fort degré d’intégration opérationnelle entre elles (production, approvisionnement, administration, marketing, gestion des ressources humaines…) ; – réalisent des synergies entre elles ; – et qu’il n’est pas prévu ni possible d’envisager de les revendre séparément au niveau strict de la structure juridique (un carve-out serait nécessaire en cas d’intention de céder). En effet, comme le précise le PCG, les motifs d’appréciation sur lesquels repose la transaction d’origine peuvent être pris en considération pour l’estimation de la valeur d’utilité des titres (PCG art. 221-3), c’est-à-dire, notamment, des synergies réalisées avec les autres actifs détenus par l’entité. En conséquence, à notre avis, il devrait être possible de regrouper les titres dont la valeur d’utilité dépend de ces synergies et devrait être calculée : – sur la base de cash-flow opérationnels, – potentiellement élargis par rapport aux cash-flow strictement « juridiques » (c’est-à-dire ceux existant aux bornes de la société juridique). En l’absence de précision des textes, ce regroupement devrait pouvoir être réalisé : – soit, à l’instar des règles spécifiques aux actifs corporels et incorporels (voir ci-avant 2.1) : au niveau auquel le management gère et suit ses activités sur le plan stratégique (tel que cela ressort du reporting interne exploité par le management et des comptes consolidés ; par exemple, par secteur d’activité) ; – soit, à l’instar des normes IFRS : au niveau du plus petit groupe identifiable d’actifs générant des flux de trésorerie largement indépendants de ceux générés par d’autres actifs (c’est-à-dire les UGT « Unités génératrices de trésorerie »). Dans certains cas particuliers, un tel regroupement permettrait, à notre avis, d’assurer une cohérence entre les comptes sociaux et les comptes consolidés, ces derniers : – ne connaissant pas les « frontières juridiques » des actifs qu’ils consolident, – évaluant les groupes d’actifs au niveau auquel l’entité gère et suit ses activités (par ligne de produits, secteurs d’activité, implantation géographique…), en application des textes sur les immobilisations corporelles et incorporelles..