DÉCENTRALISATION ET FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : LE CAS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
Les décentralisations
Le principe de la décentralisation
La décentralisation correspond au transfert du pouvoir et des compétences de l’Etat à des autorités locales élues instituées en collectivités locales (CL). Ce processus général recoupe lui-même plusieurs composantes.
La décentralisation administrative vise, d’une part, à transférer des compétences • de l’Etat, par exemple l’état civil et, d’autre part, à assurer la gestion et la fourniture des services publics par la réalisation de nouveaux équipements et l’exploitation du patrimoine existant (dimension de développement local). La décentralisation financière correspond au transfert de ressources mais aussi • de charges de l’Etat et à la gestion autonome de leur budget par les autorités locales3. La décentralisation politique vise, d’une part, à faire émerger une volonté collective démocratique dans ces nouveaux territoires, fondée sur l’égalité de citoyens dégagés des liens traditionnels, d’autre part, à organiser l’action et à assurer un pouvoir de décision aux habitants – citoyens sur l’identification de leurs besoins et sur les stratégies locales.
La variété des processus de décentralisation
Si cette définition générale est commune à tous les pays ayant enclenché ce processus, sa mise en œuvre dépend entièrement de l’histoire sociale et culturelle de chaque pays, mais aussi de la volonté, des stratégies et des objectifs des gouvernements qui initient, puis développent ou non le processus de décentralisation. La décentralisation repose sur des collectivités en charge d’un territoire déterminé en cette circonstance, à différentes échelles –locale, intermédiaire, régionale- dotées de compétences distinctes de celles de l’Etat central. Néanmoins, deux modèles, anglophone et francophone, dépendant eux-mêmes de l’histoire coloniale de l’Afrique, sont identifiables. Le modèle lusophone est, quant à lui, proche du modèle francophone. Les pays d’Afrique francophone ont adopté une décentralisation demeurant largement sous le contrôle de l’Etat central, basée sur le transfert de fonctions auprès de collectivités locales élues et disposant de l’autonomie de décision, en matière financière et de gestion. Elle s’accompagne généralement de la déconcentration des services de l’Etat à des échelons locaux. Les pays anglophones ayant engagé ce processus ont généralement davantage tenu compte des structures politiques « traditionnelles » existantes et le poids des autorités étatiques centrales est certainement moins affirmé. Dans le cas des pays francophones, les communes sont généralement dotées de compétences administratives (état civil, gestion urbaine), de la gestion des services urbains (les marchés par exemple) et sociaux (enseignement primaire, hors personnel enseignant, santé primaire, approvisionnement en eau). D’autres compétences spécifiques peuvent être attribuées aux communes selon les pays (hydraulique par exemple). Une des difficultés, particulièrement pour les communes, réside dans la définition demeurée vague de leurs compétences par l’Etat.
Des processus non linéaires
Initiée par les Etats nationaux, la mise en œuvre de la décentralisation dépend largement de la volonté politique desdits Etats, des gouvernements successifs et de leurs stratégies respectives, ainsi que du contexte politique de chaque pays et de leur degré de résistance à la pression des bailleurs. Les processus de décentralisation en Afrique subissent ainsi un phénomène de stop and go, où des périodes dynamiques alternent avec des phases plus lentes, voire des retours en arrière dans certains cas. Le cas du Mali, souvent présenté comme le modèle de décentralisation en Afrique de l’Ouest francophone, est en effet marqué par ce phénomène. Instaurée au milieu des années 90 par une forte volonté politique, elle a connu deux phases, une première (2000-2004), où la décentralisation a été traitée de façon prioritaire par l’Etat et largement soutenue par les bailleurs de fonds. Cela a permis de soutenir activement les collectivités locales, de leur donner un espace de liberté important et de mobiliser les ressources et les compétences nécessaires pour leur mise en œuvre. A partir de 2004, mais cela s’est accentué après 2006, l’Etat a décidé de replacer la question de la décentralisation dans le cadre global de la modernisation de l’Etat ; la collectivité locale perd alors de son importance politique et la problématique du financement s’inscrit dans un cadre budgétaire national stricto sensu. Cette approche marque un coup d’arrêt important à la dynamique initiée, caractérisé par une absence de volonté politique de l’Etat d’enraciner durablement le processus enclenché4. Considérant la variété et la multiplicité des formes de décentralisation en Afrique, ce document n’a pas pour ambition de décrire et de comparer chacun de ces modèles. Il s’attache plus à questionner certaines expériences au travers des deux objectifs communs au concept de décentralisation déjà énoncés, celui de l’émergence d’une démocratie locale et celui du développement local.