Institutions, libertés, citoyonneté
GOUVERNANCE LOCALE ET CADRE D’EXPRSSION CITOYENNE
Depuis plusieurs décennies, le Sénégal a opté pour une décentralisation territoriale progressive et prudente, mais désormais irréversible.
Cette décentralisation vise à :
– donner aux collectivités locales des compétences propres distinctes de celles de l’Etat ;
– faire élire leurs autorités par les populations ;
– assurer un meilleur équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire.
Les collectivités territoriales créées à cet effet disposent d’une personnalité morale, d’un pouvoir de décision, d’une autonomie administrative, d’un personnel propre et des biens et services propres. La décentralisation sert ainsi à mettre les politiques publiques au plus près des besoins des citoyens, rapproche le processus de décision des citoyens et favorise l’émergence d’une démocratie de proximité. Au regard des nombreuses revendications et conflits identitaires qui se développent dans plusieurs pays africains, la décentralisation, au-delà de ses missions classiques, contribue à la recherche d’une solution durable à la crise de l’Etat-Nation africain. Le processus de décentralisation du Sénégal accompagné d’un mouvement parallèle de déconcentration a commencé avant 1960 avec la création des 4 communes. A l’indépendance en 1960, 33 communes de plein exercice sont crées.
En 1972, la décentralisation s’étend au monde rural avec la création des communautés rurales (loi 72-25 du 19 avril 1972).
En 1990, on assiste à un renforcement de la démocratie locale avec le transfert de l’exécution du budget de la communauté rurale du sous-préfet au président du conseil rural et la suppression du statut spécial des communes chefs-lieux de région et du poste d’administrateur municipal.
En 1996, de nouvelles compétences sont transférées, et sont créées la région, la commune d’arrondissement. Cela, s’accompagne de la suppression de la tutelle et du remplacement du contrôle à priori par le contrôle à posteriori.
Des principes de base sous-tendent la décentralisation :
– respect de l’unité nationale et de l’intégrité du territoire ;
– égale dignité des collectivités locales ;
– libre administration des collectivités locales ;
– bonne gouvernance locale (participation, respect des droits des minorités, transparence, responsabilité) ;
– équilibre entre décentralisation et déconcentration ;
– meilleure répartition des sphères de décision ;
– principe de subsidiarité ;
– contrôle à posteriori aménagé ;
– principe de participation (art.102 de la Constitution).
Malgré ces progrès, la gouvernance locale montre des signes d’essoufflement. Essentiellement adossée aux principes de la démocratie représentative, la gouvernance locale subit les effets pervers du modèle. La théorie de la représentation est de plus en plus battue en brèche par des populations qui revendiquent une participation accrue dans la gestion des affaires locales. La pauvreté et la mal gouvernance dans les institutions publiques (les collectivités locales notamment) rendent conflictuelles les relations entre les administrés et les autorités locales.
Les problèmes identifiés
Au plan administratif
On note une certaine frénésie de l’Etat dans la création de nouvelles régions collectivités locales sans une véritable étude préalable. Cette explosion institutionnelle va aboutir à un saucissonnage du territoire en petites entités territoriales, sans aucune viabilité sur le plan économique. Au plan social, cela génère des remous permanents au niveau local et engendre des conflits. Au plan administratif, ces découpages causent aux populations de sérieuses difficultés dans la recherche de papiers administratifs.
Imprécision des limites
Les limites des communes ne sont pas matérialisées. La loi définit ces limites par des critères géographiques, sans aucune précision sur le point de repère. Du fait de l’imprécision dans la définition des limites territoriales des CL, plusieurs conflits de compétence sont relevés, notamment à Dakar (entre les communes d’arrondissement, entre les communes de Bargny et de Rufisque concernant la territorialité de la SOCOCIM).
Absence de cadastre rural
L’absence d’un cadastre rural pose un problème quant à la maîtrise du foncier rural. Les limites des communautés rurales n’étant pas maîtrisées, il est pratiquement impossible de déterminer avec précision l’assiette des impôts.
Règlements inadaptés
Le règlement intérieur des collectivités locales constitue une simple reprise de celui de l’Assemblée nationale. Il en résulte des difficultés d’application.
Au plan politique
Mode de scrutin injuste
Le mode de scrutin mixte introduit une certaine injustice dans la composition des conseils des CL. Par les mécanismes du système majoritaire, un parti peut disposer d’une majorité écrasante au Conseil et dicter sa loi, alors même qu’il ne dépasse ses concurrents que de quelques voix.
Interdiction de candidatures indépendantes
La loi électorale dispose que seuls les Sénégalaises et Sénégalais ayant acquis la majorité, jouissant de leurs droits civiques et présentés par un parti politique légalement constitué peuvent faire acte de candidature dans le cadre des élections locales. Cette disposition restrictive des droits des citoyens constitue un sérieux obstacle à leur participation à la gestion de leur cité. Par ce canal, des personnes ressources de qualité sont écartées de la gestion locale par le simple fait qu’elles ne sont pas membres de partis politiques.
Immixtion de l’Etat
L’Etat s’immisce de manière quasi permanente dans le fonctionnement des CL. A ce jour, presque toutes les CL contrôlées par des opposants au régime sont placées sous délégation spéciale (Conseils régionaux de Diourbel et de Dakar, Conseil municipaux de Thiès et de Bambey, etc.) sous le prétexte de « fonctionnement bloqué de manière durable ». Dans d’autres cas, c’est des enjeux fonciers et / ou politiques qui ont poussé l’Etat à intervenir (cas de Malicounda et Mbour). Dans la majeure partie des cas, cette procédure de mise sous délégation spéciale a été engagée en violation flagrante des dispositions du CCL. Ainsi, le Conseil Régional de Diourbel est placé sous délégation spéciale permanente.