La plupart des techniques d’échantillonnage de la faune du sol ont été développées en tenant compte de la micro-distribution, de la faible taille et de la densité élevée des microarthropodes (surtout des Collemboles et Acariens). Ces paramètres d’échantillonnage ne conviennent pas aux gros organismes comme les macroarthopodes qui, en général, sont moins nombreux. Edwards (1967) mentionne que le nombre d’organismes par unité de surface est fonction de la taille. La dimension de l’échantillon doit donc être proportionnelle à la taille des organismes, tandis que la forme doit tenter de maximiser la représentativité du sol étudié. En effet, le nombre d’échantillon et l’échantillon lui-même doivent tenter de compenser, par un volume et un nombre suffisant, la distribution contagieuse potentielle des organismes édaphiques (Christiansen, 1970).
Un bon échantillonnage doit être représentatif du milieu étudié en évitant les biais causés par des particularités non homogènes du sol, qui abritent souvent une faune qui lui est propre. Flogaïtis 0983) recommande d’éviter les souches, le bois mort et la proximité des arbres en respectant une distance minimale constante. En effet, ces particularités du sol abritent une faune caractéristique et sont des sources de contamination à exclure lors de l’échantillonnage. Les souches (Smith et Sears, 1982), le bois mort (Teskey, 1976), les excréments d’animaux (Peck, 1991), l’urée (Behan et al., 1978) et certains champignons (Pielou et Verma, 1968) sont des microhabitats à éviter. L’échantillonnage aléatoire dans une zone exempte de biais et d’obstacles est recommandable pour l’étude des organismes du sol. Il faut faire preuve de jugement pour inclure ou exclure des caractéristiques lors de l’échantillonnage. Par exemple, le sol des cédriè res est associé avec la présence de bois en décomposition (Bergeron et Dubuc, 1989), il convient donc d’inclure cette particularité dans la représentativité de ce sol.
Geoffroy et al. 0981) mentionnent qu’on récolte rarement les Diptères et Hyménoptères adultes associés au sol, alors que ces insectes jouent un rôle dans la dynamique édaphique au stade larvaire, ou en tant que parasite. Cette observation montre que les techniques d’échantillonnage traditionnelles sont mal adaptées à la récolte d’organismes très mobiles ou volants associés au sol.
La méthode décrite ici est mieux adaptée à l’échantillonnage des macroarthropodes. Elle se veut le meilleur compromis possible compte tenu des nombreuses contraintes associées à la récolte des organismes du sol.
Description du matériel
L’équipement comprend:
– Un moule à échantillonner en aluminium d’une surface d’échantillonnage de 12,5cm par 25cm, d’une épaisseur de 6mm et de 20cm de haut . Le rebord inférieur du moule est effilé pour assurer une bonne emprise dans le sol.
– Un filet en tergal, amovible, possédant une bande élastique au rebord inférieur . Ce rebord élastique s’ajuste sur le pourtour supérieur du moule à échantillonner. Il est à noter que le tergal peut être remplacé par un autre tissus assez transparent pour permettre une localisation visuelle des insectes qui sont à l’intérieur. Le tergal se caractérise cependant par une très grande résistance aux accrocs et ne se dégrade pas à la lumière comme le font d’autres tissus.
– Un flacon-laveur rempli d’alcool acétique.
– Une paire de pincette souple.
– Des fioles à scintillation. Celles-ci ont l’avantage d’être fait de plastique incassable. Il faut prévoir une fiole par échantillon de sol.
– Une bouteille d’alcool acétique de rechange.
– Un couteau à longue lame.
– Une pelle carrée .
– Une surface propre, blanche et lisse de 60cm par 90cm. Une surface recouverte de mélamine est idéale.
– Des sacs de polyéthylène de 2 litres. Il faut prévoir un sac par échantillon .
– Des sacs de polyéthylène de 10 litres. Il faut prévoir un sac par échantillon.
Méthodologie
Cette méthode a été testée en forêt boréale, plus particulièrement dans une forêt de feuillus (Populus tremuloides Michx.), une forêt mixte (Abies balsamea (L.) Mill., Picea glauca (Moench) Voss et Betula papyrifera Marsh.) et une forêt de conifères (Thuya occidentalis L. et Abies balsamea (L.) Mill.). Ces forêts sont situées dans le croissant d’argile de l’ouest du Québec, dans la région du lac Duparquet (48°30′ Nord, 79°15′ Ouest). Consulter Bergeron et al. 0983) pour une description plus détaillée de la végétation et des sols de la région.
Cette technique vise trois groupes d’insectes. Les insectes volants associés au sol (Diptères et Hyménoptères adultes), les insectes épigés de la litière au déplacement rapide (Staphylins larvaires et adultes, Carabes, Arachnides, etc.) et les organismes endogés plus lents se trouvant dans la fraction organique plus profonde (larves de Diptères, etc.).
La récolte des trois fractions (aérienne, épigée et endogée) qui constituent l’échantillon, s’effectue en dix étapes distinctes:
-1 Le choix des parcelles d’échantillonnage s’effectue aléatoirement dans les zones libres de biais et d’obstacle (en fonction des caractéristiques à inclure ou à exclure), en prenant soin de ne pas marcher lourdement, car les vibrations du sol provoquent la fuite des organismes très mobiles.
-2 Le moule à échantillonner coiffé du filet amovible est brusquement enfoncé dans le sol, de sorte que les rebords effilés du moule pénètrent la litière.
-3 Après une attente d’une minute, les individus volants se retrouvent dans le filet. Ils sont rarement plus d’un ou deux à la fois.
-4 Un examen attentif permet de les localiser et de les fixer au moyen du flacon-laveur rempli d’alcool acétique. Un simple jet d’alcool à travers le filet est suffisant pour les immobiliser.
-5 Une fois les insectes immobilisés, le filet amovible est retiré avec les insectes collés à l’intérieur par le surplus d’alcool. À l’aide de la pincette souple, qui permet de manipuler les insectes fragiles sans les endommager, on transfère ces derniers dans les fioles à scintillation ce qui constitue la fraction dite aérienne de l’échantillon. Il faut remplir ensuite les fioles d’alcool acétique, en prenant soin de bien identifier l’échantillon auquel elles correspondent.
-6 On ramasse ensuite délicatement à la main la litière, c’est-à-dire les couches superficielles de feuilles mortes, d’aiguilles ou de brindilles contenues à l’intérieur du moule. Cette litière est transférée dans des sacs de polyéthylène de 2 litres et constitue la fraction dite épigée de l’échantillon. Le léger enfoncement du moule dans le sol empêche la fu ite des organismes liticoles pendant les premières étapes de l’opération.
-7 On sectionne au couteau en suivant le pourtour du moule à échantillonner. La pelle carrée coupe facilement les racines qui gênent.
-8 Le moule est ensuite retiré et le bloc de sol est levé de terre à l’aide de la pelle carrée, puis déposé sur la planche de mélamine.
-9 On sépare ensuite les horizons organiques des horizons minéraux pour transférer en un bloc les couches organiques dans les sacs de polyéthylène de 10 litres. Cette fraction constitue la fraction dite endogée de l’échantillon. Dans les sols luvisoliques ou podzoliques, la séparation des couches organiques des couches minérales s’effectue sans problème .
-10 Les sacs de litière ainsi que les horizons organiques qui se présentent sous forme de blocs, sont placés en glacière sur le te rrain jusqu’au retour au laboratoire. Il faut prendre soin de les placer dans leur position originale, la partie supérieure du bloc vers le haut, pour perturber le moins possible les organismes qu’ils contiennent.
La durée totale de toute l’opération sur le terrain est de clix minutes par échantillon. De retour au laboratoire le contenu des fioles ù scintillation est transféré clans des fioles qui résistent mieux à l’évaporation de l’alcool. L’entreposage des fractions contenues dans les sacs de polyéthyléne sc fait dans un réfrigérateur à 4°C, jusqu’à l’extraction.
Discussion
Notre approche pour le choix des parcelles dans les zones libres de biais complète en ce sens celle de Flogaïtis 0983). L’élimination des biais associés à une contamination par des particularités non homogènes du sol assure une meilleure représentativité de l’échantillon. Cependant, le plus grand volume recueilli, comparativement aux techniques de carottage (Vannier et Vidal, 1965), entraîne une légère diminution de la flexibilité dans la localisation de la parcelle.
Comparée à la moyenne des surfaces d’un échantillon généralement utilisée dans les travaux sur la faune du sol (Vannier et Vidal, 1965), celle utilisée dans notre méthode (312,5cm²) est 12,5 fois supérieure. Le carottage traditionnel (Vannier et Vidal, 1965) ne permet pas, à cause de sa petite dimension, une juste évaluation des macroarthropodes qui sont plus gros, donc moins nombreux par unité de surface (Edwards, 1967). Vannier et Vidal 0965) recommandent d’augmenter le nombre d’échantillons plutôt que la taille de l’échantillon. Il est préférable d’avoir plusieurs échantillons qu’un seul plus gros, mais la taille de ceux-ci doit rencontrer les caractéristiques physiques des organismes au centre de l’étude, ce qui n’est pas le cas par le carottage traditionnel.
La dimension de l’échantillon proposée dans notre technique se rapproche de celle employée par Flogaïtis 0983). Toutefois, la forme rectangulaire a été adoptée plutôt que la carrée utilisée par cet auteur. À surface égale, la forme rectangulaire échantillonne sur un transect plus prolongé que la forme carrée, ce qui répartit mieux l’effort d’échantillonnage et tend à diminuer le poids de la distribution contagieuse des organismes.
Notre technique a été testée dans trois types de sols forestiers. Elle peut convenir aux sols agricoles ainsi qu’à plusieurs autres types d’écosystèmes. Sa polyvalence est comparable aux techniques d’échantillonnage traditionnelles par carottage pour l’adaptabilité aux différents types de sol.
La taille des échantillons et la méthodologie décrite permettent de recueillir tous les organismes associés au sol: volants, liticoles et ceux de couches plus profondes, macroarthropodes comme microarthropodes. Notre technique est non sélective et chaque fraction de la récolte est adaptée au comportement des organismes qui composent la section visée, ce qui ne se retrouve dans aucune autre méthode. La récolte en trois fraction permet une détermination rapide de la distribution verticale des organismes, ceci sans risque de contamination, car notre approche élimine la migration des organismes d ‘un horizon de sol à l’autre, puisqu’ils sont prélevés séparément. En général, le carottage traditionnel ne tient pas compte de la distribution verticale des organismes. Aucune autre méthode ne permet la récolter des insectes voiliers (Geoffroy et al. 1981). Avec la méthodologie proposée, il est possible de récolter quelques Diptères et Hyménoptères adultes. Quoique récoltés en moins grand nombre que par la technique des cages d’émergence terrestres (Martin, 1977), ces spécimens peuvent faciliter Jtidentification des stades immatures retrouvés dans le sol, donner de l’information sur la phénologie des espèces impliquées et constituer une première étape dans l’association des parasites à leurs hôtes.
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