Les morsures de vipères sont responsables d’une mortalité importante d’handicaps physiques et psychologique chez l’homme, mais leur reconnaissance comme problème de santé publique à l’échelle internationale est entravée par une insuffisance des données épidémiologiques. En effet, chaque année il ya plus de 5 millions de personnes mordues par les serpents dans le monde. Dont 4 millions en Asie, 1 million en Afrique et 350 000 en Amérique, responsables respectivement de 100 000, 20 000 et 5 000 décès et de 100 000 séquelles graves (1). Au Maroc le centre Antipoison a déclaré malgré la sous notification par les médecins des différentes provinces 1761 cas de morsures et envenimations de serpents (MES) durant la période allant de 1980 à 2008 soit une moyenne annuelle de 60 cas par an, l’incidence étant de 0,2 pour 100 000 habitants. Le taux de mortalité était de 7,2% (1). Dans notre pays la faune ophidienne montre la présence de 5 familles de serpents (Leptotyphlopidae, Boidae, Colubridae, Viperidae et Elapidae) dont 2 sont venimeuses, les élapidae représentés par le Naja legionis qui entraine un syndrome neurotoxique et celle de viperidae responsable de syndrome nécrotico hémorragique. Ces envenimations sont souvent à l’origine de complications hématologiques systémiques, qui peuvent être redoutables mettant en jeu le pronostic vital ainsi que le pronostic fonctionnel du patient. L’envenimation vipérine constitue une urgence médico-chirurgicale. Sa présentation clinique est polymorphe dépend du degré d’envenimation et sa prise en charge implique une surveillance rigoureuse afin de dépister au plus tôt les premiers signes de gravité (hémorragie, syndrome neurotoxique, collapsus) qui nécessitent l’hospitalisation en milieu de réanimation. Le traitement spécifique efficace repose sur l’immunothérapie ou la sérothérapie antivenimeuse (SAV) qui fait défaut dans beaucoup de pays sous développés ce qui pose un véritable problème de prise en charge.
Définition et classification :
Un serpent est un reptile à corps cylindrique, très allongé, dépourvu de membres apparents, appartenant au groupe des ophidiens. Un serpent non venimeux est défini comme tout serpent dépourvu de crochets et de glandes à venin. Un serpent venimeux est défini comme tout serpent qui a des crochets et des glandes à venin. La morsure de serpent est la conséquence directe du rapprochement accidentel ou intentionnel entre l’homme et le serpent (2). Au Maroc, la faune ophidienne montre la présence de cinq familles de serpents (2):
– Famille des Leptotyphlopidae
– Famille des Boidae
– Famille des Colubridae
– Famille des Elapidae : Naja Legionis ou cobra est la seule espèce reconnue.
– Famille des Viperidae : Sept espèces ont une répartition géographique bien déterminée, à savoir : Bitis Arietans, Cerastes cerastes, Cerastes vipera, Vipera latastei, Daboia Mauretanica, Vipera Monticola, Echis Leucogaster .
Le venin et la physiopathologie de l’envenimation :
Le venin est un liquide de consistance gommeuse généralement jaune ombré parfois incolore, secrété par des glandes venimeuses qui dérivent des glandes salivaires. La quantité du venin est de 5 à 15 mg en poids sec. C’est un mélange complexe d’un grand nombre de constituants (protéines, glucides et lipides) (6). Le venin est composé de protéines que nous pouvons classer en deux groupes :
Les enzymes qui sont des protéines à multiples actions possédant des propriétés catalytiques et jouant un rôle complexe dans les troubles de la coagulation (nécrosantes, procoagulantes, anticoagulantes et fibrinolytiques), mais aussi dans la diffusion du venin.
Les toxines se fixent sur des récepteurs spécifiques, le plus souvent membranaires. Pourvus de tropisme de nature multiples à savoir : Les cytotoxines, les cardiotoxines, les neurotoxines, les myotoxines et les désintégrines qui inhibent l’agrégation plaquettaire. Leur toxicité est dose-dépendante. Les biologistes utilisent les constituants des venins de serpents en médecine (les tests d’hémostase) et en recherche fondamentale (les effets thérapeutiques antithrombotiques, anticancéreux ou antihypertenseurs) .
Physiopathologie de l’envenimation :
La physiopathologie des signes locaux dans Le syndrome vipérin:
Le syndrome vipérin se traduit par l’association des signes locaux tels que : la douleur, l’œdème, la nécrose résultant d’une cascade inflammatoire suite au pouvoir hydrolytique des enzymes (9,10). La pénétration d’antigènes secondaires à la morsure se traduit par l’activation de la coagulation, du complément et des cellules immunocompétentes induisant la formation d’un œdème important avec une propriété extensive (9). En effet, les enzymes présents dans le venin de Viperidae ( phospholipases A2, hyaluronidases et protéases) sont fortement hydrolytiques entrainant la destruction des tissus en contact.
Les troubles de l’hémostase dans le syndrome vipérin:
Selon l’action des protéines agissant sur l’hémostase, quatre groupes peuvent être identifiés :
Action vasculaire :
Les métalloprotéases zinc-dépendantes détruisent les membranes basales de l’endothélium capillaire (11,12) induisant le développement de l’œdème, des phlyctènes, de la nécrose ainsi que les hémorragies locales ou systémiques(7,13). Les désintégrines et les lectines de type C altèrent également les parois vasculaires (14).
Action plaquettaire :
In vitro, de nombreuses protéines isolées de venins sont capables d’activer les plaquettes provoquant une thrombopénie ou de les inhiber réduisant ainsi leur activité. Ces deux activités peuvent coexister dans le même venin(8). Leur résultante expose à un risque hémorragique (15).
Action sur la coagulation :
Les venins ophidiens agissent sur l’ensemble des étapes de la coagulation. Chaque protéase procoagulante possède des propriétés analogues à l’un des facteurs de la coagulation dont elle prend la place : c’est le principe de substitution. Une fois ce processus est activé, la coagulation persiste jusqu’à l’épuisement et conduit à un syndrome hémorragique dû, le plus souvent, à une afibrinogénémie (8).
Action fibrinolytique :
Associées aux hémorragines, les protéines ophidiennes qui activent la fibrinolyse peuvent être à l’origine de saignements dramatiques. Elles stimulent principalement les activateurs du plasminogène d’origine tissulaire, notamment l’urokinase, sérine-protéase qui favorisent la libération de plasmine naturelle, dont l’activation permet l’hydrolyse de la fibrine et du fibrinogène (8). Des enzymes fibrinolytiques isolées dans les venins de vipéridés et d’élapidés sont capables, comme la plasmine, d’hydrolyser directement le fibrinogène et la fibrine (14). Certaines d’entre elles ont une action antiagrégante, notamment les fibrinogénases des venins de Vipera aspis, Vipera palestina et Naja nigricollis.
Physiopathologie de syndrome cobraïque :
La physiopathologie est liée à des neurotoxines qui se fixent de façon rapide et irréversible au niveau de la plaque motrice surtout chez certaines populations de Vipera aspis. Les neurotoxines agissent sur la jonction neuromusculaire et ont donc une action périphérique qui inhibe le recyclage de l’acétylcholine dans les vésicules synaptiques pouvant aboutir à une paralysie respiratoire (16). Nous distinguons : Les α-neurotoxines post-synaptiques qui coiffent le récepteur nicotique bloquant ainsi l’accès à l’acétylcholine et les β-neurotoxines présynaptiques appartenant à la famille des phospholipases A2.
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